Les laisses de mer, tu ne nettoieras point

#estran #érosion #Iodde
Publié le 20/07/2015 par  thomas brosset

« Les laisses de mer sont une arme naturelle contre l’érosion », explique Jean-Baptiste Bonnin, coordinateur de l’association oléronaise Iodde.©Pascal Couillaud
Il faut laisser les laisses tranquilles. Elles font partie de l'équilibre naturel de l'estran. Comme leur nom l'indique presque, les laisses de mer sont ce que la mer laisse sur l'estran quand elle se retire. Mais uniquement les débris naturels : coquillages, algues, bois mort, os de seiche, etc.©Pascal CouillaudDans le désordre de leur échouage, une foultitude d'insectes, de crustacés, de mollusques, d'oiseaux se cache, se nourrit, se reproduit. « Et puis elles piègent le sable, le fixent et favorisent ainsi le maintien des dunes, notamment en favorisant la croissance des plantes qui s'y développent. Les laisses de mer sont une arme naturelle contre l'érosion », explique Jean-Baptiste Bonnin, coordinateur de l'association Iodde (1) dans l'île d'Oléron, particulièrement sensible au problème du recul des dunes.Brune, rouge, verteFacile à dire, pas forcément à faire quand la pression touristique se fait sentir sur les plages. Les amateurs de sable fin et de mer bien bleue n'apprécient pas forcément le voisinage avec des algues qui sèchent, peuvent sentir mauvais et attirent les mouches. Et ces mêmes amateurs d'ambre solaire font pression auprès des maires des communes concernées pour nettoyer leur carré de sable.La question est plus complexe qu'il n'y paraît. Car il y a algue et algue. Et si le goémon traditionnel qui se décroche des rochers pour venir s'échouer sur la plage (l'algue brune) ainsi que l'algue rouge (rhodophyta) font partie de l'apport classique et naturel de l'océan, les arrivées massives d'algues vertes (la laitue de mer) sont les conséquences d'un dérèglement de la flore provoqué par les apports en nitrates pour les cultures. Le lessivage des sols en amont déverse les nitrates sur le littoral par les estuaires. Nitrates qui dopent la prolifération des laitues de mer. Et trop d'algues tuent l'algue. D'abord accrochées aux rochers ou dérivant en mer comme en Bretagne, les laitues finissent par s'échouer en quantités considérables. « C'est quand le dépôt commence à sentir l'œuf pourri qu'il faut se méfier. Il faut alors éviter de traverser le champ d'algues. Car elles forment une croûte en surface et produisent de l'hydrogène sulfuré nocif sous la croûte », poursuit Jean-Baptiste Bonnin.Ne pas détruire les laisses de mer, donc. Sauf quand il y a danger. C'est pourquoi certains élus de l'île de Ré, comme Léon Gendre à La Flotte, n'hésitent pas à employer les grands moyens pour débarrasser leur plage des marées vertes et ce d'autant que c'est un phénomène saisonnier. Elles n'échouent que l'été, au cœur de la saison touristique.20 000 tonnes en un anDans la seule île d'Oléron, Iodde avait estimé à 20 000 tonnes le volume d'algues déposé sur l'estran en 2012 et les algues vertes représentaient 52 % de ces échouages les algues brunes seulement 5 % (2). Un déséquilibre qui va grandissant au fur et à mesure que la brune se raréfie et que la verte se multiplie. La consigne de ne pas détruire les laisses de mer va-t-elle donc s'avérer vite caduque ? « Il est vrai que le discours de laisser la nature faire son travail est un peu difficile à tenir en ce moment en raison des marées vertes. Il n'en reste pas moins que tout nettoyage de plage est nocif pour l'environnement. D'autant qu'il est souvent effectué mécaniquement, ce qui s'avère encore plus destructeur », soupire Jean-Baptiste Bonnin.(1) Île d'Oléron développement défense de l'environnement.(2) Les algues rouges représentent les 43 % restants.http://www.sudouest.fr/2015/07/20/les-laisses-de-mer-tu-ne-nettoieras-point-2047085-1381.php#