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Pourquoi je n’aime pas l’expression « équilibre vie pro / vie perso »

Publié le 22 juillet 2015 par Nicomak @Myriam_Nicomak

parité femme hommeDans tous les magazines du dirigeant, dans les formations au management et mêmes dans les magazines féminins, on ne cesse de nous parler de l’importance de l’équilibre vie pro / vie perso. Si cette expression peut paraître tentante pour d’aucuns qui s’intéressent à la RSE, je crois au contraire qu’elle provoque plus de problème qu’elle n’en solutionne.

Laissez-moi vous présenter mon point de vue. L’expression équilibre vie pro / vie perso insinue qu’il existe une bonne façon de faire, et que vous êtes en risque d’accorder trop de temps à l’une par rapport à l’autre. Elle vous fait donc culpabiliser si vous allez faire du sport plutôt que de bosser comme un damné, ou si vous restez au boulot plutôt que d’aller retrouver votre cher et tendre. Elle sous-entend aussi qu’il y a « un » équilibre – et qu’il est donc le même pour tous, ou qu’il est stable pour toute votre vie. Elle peut permettre aussi à certains de dire « ah, mais tu passes trop de temps là ou là ». Mais qui est le mieux placé pour le dire ?

A Nicomak, nous pensons au contraire qu’il n’y a pas d’équilibre, mais qu’il y a une responsabilité individuelle à connaître son déséquilibre du moment, et une responsabilité du système à vous laisser la possibilité de passer d’un déséquilibre à l’autre.

Je m’explique à partir d’un exemple complètement fictif mais où vous allez peut-être vous retrouver. A 25 ans, vous commencez votre carrière, votre premier job est chouette mais ce n’est pas tout à fait ce que vous voulez faire. Tous vos copains sont dans la même ville que vous et l’important c’est le voyage. Votre envie : avoir le plus de vacances et de weekends possibles pour vous éclater. A 28 ans, vous changez de poste et là c’est la révélation. Vous avez la rage au ventre et vous surkiffez votre emploi. Vous adorez ce que vous faites et si vous aimez toujours sortir, vous aimez aussi sortir avec des collègues ! Vous avez envie de faire vos preuves pour passer à l’étape d’après ! A 32 ans, vous avez un projet de construction de maison. Forcément, ça va vous prendre du temps, d’autant plus que votre compagnon a décidé que ce serait vous qui allez gérer le chantier. A 35 ans, vous adoptez. Vous allez avoir besoin de plusieurs mois pour accueillir bébé et faire famille – à ce stade, le boulot est vraiment secondaire. A 40 ans, vous avez cherché et obtenu une grosse responsabilité managériale, et vous avez beaucoup à apprendre. Vous avez envie de bien faire et vous êtes prêt à passer du temps à votre formation. A 50 ans, vous divorcez. La première année, vous avez surtout envie de bosser pour ne pas penser au reste, mais à 52 ans, vous avez envie de passer plus de temps avec votre nouveau cher et tendre qui veut vous emmener faire le tour du monde à la voile. A 55 ans, on vous propose une expatriation qui vous enchante, mais qui requiert que vous appreniez l’hindi et à 60 ans, vous êtes de retour au bercail, et vous avez besoin de vous occuper de vos parents malades. Bref, toute votre vie vous avez été en déséquilibre, car parfois votre priorité c’était le travail (et c’est ok de dire ça

:-)
) et parfois c’était vos amis, votre famille, votre couple, vos parents, vos enfants, votre prochaine famille ou juste les loisirs … et c’est ok aussi !

Pour que ceci soit possible, il faut donc à mon sens trois conditions :

  • que chacun se connaisse suffisamment bien pour connaître ses priorités du moment (et évitez les généralisations sur toute une vie du type « pour moi, la famille c’est essentiel » ou « pour moi, le travail passe avant tout » : tout peut changer) – des formations sur la connaissance de soi ou l’estime de soi peuvent vous aider.
  • que chacun accepte qu’en fonction de ses priorités, il ne pourra peut-être pas avoir les mêmes postes : si vous avez besoin de temps pour vous et vos proches, vous ne pourrez pas avoir le même rythme de carrière (et peut-être pas la même paie) que celui qui en ce moment abat 2 fois plus de dossiers que vous … mais vous avez d’autres avantages et d’autres reconnaissances, qui ne sont peut-être pas au travail.
  • que le système vous permette de faire des pauses et de revenir.

Aujourd’hui, le système peut le plus souvent vous permettre de faire une pause – sauf que vous ne pouvez pas revenir et encore moins souvent rattraper. Le système a tendance aussi à penser pour vous : à tel âge, vous avez forcément plus envie du taf que de la famille et l’inverse 10 ans plus tard.

Or, regardez autour de vous : ce ne sont pas ceux qui travaillent le moins qui sont les plus heureux, c’est ceux qui ont choisi la situation dans laquelle ils sont, qui profitent des avantages et qui en comprennent et acceptent les possibles inconvénients.

Deloitte aux Etats-Unis a mis un chouette dispositif en place qui s’appelle le Mass Career Customization.  Chaque année, les salariés valident avec les RH où ils en sont et où ils veulent aller – comprenant du coup les enjeux en fonction de 4 métriques :

  • vitesse de progression de carrière ;
  • charge de travail ;
  • déménagements/déplacements/horaires;
  • rôle managérial.

Si le système vous intéresse, un chouette livre explique les enjeux et comment le mettre en place.

Si vous êtes une PME ou une start up et que vous envisagez également que les gens qui commencent chez vous risque de ne pas y faire toute leur carrière (ah bon ?

😉
), vous pouvez envisager de mettre en place le « Compact ». Plus simple que le MCC, il est tout à fait utile. A chaque entretien annuel, vous vérifiez/validez avec vos salariés pendant combien de temps ils se projettent encore dans leur rôle actuel dans votre structure (et donc vous êtes prêt à entendre : 6 mois, pas plus), quel autre rôle ils aimeraient prendre chez vous, quel autre rôle ils aimeraient prendre après chez vous et à quelle horizon. La discussion ne permet pas d’éviter toute surprise, mais elle peut permettre de créer de meilleures conditions de travail en permettant au système de s’adapter à certaines demandes – ou de signaler que certaines demandes sont incompatibles avec le principe de rentabilité (on ne peut pas avoir la même progression de carrière en voulant moins de travail, pas de déplacement et pas de management que quelqu’un qui souhaite une grosse charge de travail, des déplacements et des grosses gestions de projet) ou non disponibles actuellement dans votre structure.

Au plaisir en tout cas d’échanger avec ceux qui le souhaitent sur le sujet !


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