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Plans-reliefs : les limites de la France ?

Par Memoiredeurope @echternach

Plans-reliefs : les limites de la France ?

Le projet de Maison de l'Histoire de France que j'évoquais à cette occasion, parce qu'il m'a semblé dès son origine un contre-exemple inquiétant à la démarche plurielle, est devenu une réalité administrative et la première exposition qui a été préparée sous son égide, parallèlement à la nomination de sa directrice et de son conseil scientifique, a mis en œuvre des moyens de grande ampleur et attiré un large public. Il s'agit de : "La France en relief : Chefs-d'œuvre de la collection des Plans-reliefs de Louis XIV à Napoléon III".

Plan-relief de Cherbourg

Mais d'un autre côté, la polémique plus conceptuelle devrait se poursuivre encore quelque temps en raison d'une ambiance de bilan politique liée à la campagne présidentielle. Ainsi Audrey Salor du Nouvel Observateur, prenant un par un les chantiers historiques présidentiels, du fameux discours quasi fondateur sur " l'homme africain ", en passant par celui, plus récent, mobilisant Jeanne d'Arc, s'est-elle tournée vers l'un des détracteurs du projet parmi les plus virulents, Nicolas Offenstadt, Professeur à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, auteur entre autres de "L'historiographie" aux Presses Universitaires de France, pour nourrir la critique. Ce dernier pense que le pouvoir vend de la nostalgie parce qu'il n'entend pas proposer un vivre-ensemble ouvert, qu'il propose un discours fondé sur un Etat-nation rassurant dans lequel, au lieu de valoriser les rapports à l'extérieur, on tranquillise en disant : Vous êtes bien l'héritier de Clovis, de Louis XIV et de Napoléon. Nicolas Offenstadt participe par ailleurs d'un blog passionnant sur la vigilance en ce qui concerne la manipulation de l'histoire.

Plan-relief de Mont-Dauphin

Plans-reliefs : les limites de la France ?

Ville-Haute, Luxembourg

Grâce à un itinéraire symbolisé autour de la figure de Wenceslas pour le Moyen-Âge, puis d'un second, encore plus ambitieux, symbolisé autour de celle de Sébastien Le Prestre de Vauban, le champ était ouvert à un débat contradictoire sur la signalétique, sur l'aide à la lecture topographique et sur la formation des guides. Je n'ai pas été déçu et cela reste au contraire pour moi un très grand souvenir. De fait, au Luxembourg même, le débat continue puisque le centre d'interprétation ou " Musée de la Forteresse " ou encore " Musée des Trois Glands " ( Musée Dräi Eechelen) fondé sur plusieurs propositions muséographiques successives, est seulement en passe d'ouvrir, même si dès 2000, nous avions pu déjà le traverser et y organiser des rencontres.

Le week-end d'ouverture aura lieu du 13 au 15 juillet, et comme le précise la Ministre de la Culture Octavie Modert : " Les visiteurs sont d'ores et déjà chaleureusement invités à découvrir un musée exceptionnel que de nombreux adeptes avaient ardemment appelé de leurs vœux. " tout en précisant encore l'étendue des travaux qui structurent les éléments structurants d'un vrai circuit : " Les moyens financiers mis à disposition n'ont pas seulement servi à la construction et l'équipement du Musée Dräi Eechelen, mais y sont inclus les frais de restauration et de valorisation du Circuit Vauban, inauguré en août 2010, de même que la reconstruction partielle et la remise en valeur de parties de la forteresse du Luxembourg, à savoir : la consolidation d'une partie de l'escarpe et contrescarpe entre l'ancien bastion Berlaimont et la Porte d'Eich, l'aménagement de l'ouvrage historique de la Porte des bons malades vers la montée du Fort Niedergrünewald, l'aménagement des hauteurs du Pfaffenthal et du Fort Niedergrünewald, les fouilles et l'aménagement partiel de la courtine de la vallée de la "Hiel" jusqu'au Fort Obergrünewald, ainsi que la mise en valeur des ouvrages militaires adjacents au Fort Thüngen. " Où l'on voit que tout patrimoine emblématique de cet ordre et de cette ampleur nécessite un vrai consensus national, tant en ce qui concerne la manière dont il est interprété qu'en matière d'investissement national, ce qui implique forcément un travail dans la longue durée.

Musée de la Forteresse, Luxembourg

S'il était plus que passionnant d'écouter au Château de Bourglinster où s'est déroulée la partie fixe de ce colloque de 2000 les interventions érudites de Nicolas Faucherre ou de Jean-François Pernot, deux scientifiques qui n'auront jamais terminé de se contredire, de suivre la politique de la Ville de Bruxelles, de celle de Bois-le-Duc, de Rennes, de Lucca ou encore de celle d'Alba Iulia, en matière de valorisation, je voudrais retenir seulement l'exposé de Marie-Louise Von Plessen qui, à l'époque, préparait une exposition pour la Présidence danoise du Conseil de l'Union Européenne sur les forteresses de la Baltique, intitulée Mare Balticum. Je choisis cet exemple car si nous connaissons parfois mal les histoires croisées des pays de l'Europe occidentale, il me semble tout aussi urgent de considérer l'Europe dans son ensemble, que ce soit le Sud fortifié de la Méditerranée, comme l'Est des affrontements Austro-Hongrois et Ottomans, ou encore le Nord Teutonique et Hanséatique.

Plan-relief de Luxembourg

Ce que ne dit pas ce texte c'est la raison pour laquelle certaines de ces maquettes précieuses ont gagné le nord de la France. Il s'agit là d'une autre histoire politique significative qu'explique très bien la Tribune de l'Art. L'ancien Premier Ministre socialiste Pierre Mauroy, comme tous les politiques, avait souhaité être à l'origine d'expositions emblématiques - je me souviens en particulier de l'exposition sur la mode et les textiles du nord au Centre Pompidou, réalisée par Jean-Paul Pigeat. Il avait donc décidé de faire migrer ce trésor vers Lille, sa propre capitale régionale et Jack Lang l'avait finalement encouragé d'y importer l'ensemble, qui restait en grand danger d'oubli et de destruction. Il en est résulté un chassé-croisé, des allers et retours encore plus dommageables pour ces éléments très fragiles, puisque le Ministre de la culture suivant, François Léotard, dans le contexte de la cohabitation entre le Premier Ministre Jacques Chirac et le Président François Mitterrand, les avaient fait revenir dans la capitale, à l'exception de ceux qui concernent le Nord.

Plans-reliefs : les limites de la France ?

Indépendamment de toute analyse politique, on se doit de saluer la réussite de cette exposition qui deviendra certainement emblématique. Elle a procuré un très grand plaisir à ses visiteurs et aurait certainement mérité une prolongation, si les espaces n'avaient pas à être mobilisés par un programme bien cadencé. La halle du Grand palais faite à l'origine pour les salons et les expositions commerciales reprend peu à peu son rôle central pour y déployer aussi bien le travail de sculpteurs qui transcendent l'espace, que de foires qui y trouvent un prestige historique plus évident que celui de la Porte de Versailles, voire des ventes publiques comme celle de la collection Bergé - Saint Laurent ou encore des épreuves sportives. Cette nef magnifique mérite d'ailleurs elle-même la mise en perspective de son origine en 1900. Mais ceci est une autre histoire ou plutôt une autre expérience de l'historiographie. Après l'exposition de 1889 et l'érection de la Tour Effel, il fallait absolument recréer au plus vite, dès l'année 1900 la même mécanique urbaine et festive pour contrer la manifestation qui se préparait à Berlin la même année et y mettre le prix et l'énergie pour démontrer que l'esprit de création est français et devait continuer à symboliser la France.

Nous voici donc revenus au point de départ. Même une halle prestigieuse dédiée aux Beaux-Arts ouverte sur les Invalides par le Pont Alexandre III et faisant face au Petit palais, créant un ensemble qui restructure Paris sur un axe Nord Sud, est compris dans une démarche géopolitique. Là encore, je ne peux oublier que Marie-Louise Von Plessen présenta à la fin du siècle dernier dans ce même Petit palais une exposition sur les rapports franco-allemands intitulée " Marianne et Germania ". J'aime beaucoup ceux qui renforcent en permanence les mêmes valeurs de dialogue. Nous avons besoin d'eux.


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