Il semble que pour la majorité de notre personnel politique, la célébration de l’Instauration du régime républicain tunisien par décision de la Première Assemblée Constituante, le 25 Juillet 1957, devrait être liée à la conjoncture actuelle de mobilisation légitime contre le terrorisme. Cela consisterait, entre-autres, à souligner le caractère anti-républicain des différents projets politiques à connotation religieuse et par voix de conséquence à donner au régime politique tunisien un caractère laïque et nationaliste. Un peu comme la République de Mustapha Kemal Ataturk qui résiste,depuis plus de dix ans aux coups de boutoir que lui porte le fascisme islamique d’Ardogan qui a tourné le dos à la tradition de l’Islam Nourjou, spécifiquement turque et à vocation culturelle profonde. Mais à la différence des laïcistes qui, souvent, ne perçoivent pas la différence entre la « laïcité anticléricale » (issue de la Révolution Française) , du Père de la Turquie Moderne et l`lslam Progressiste de Bourguiba,<< je pense qu’il serait juste (au sens de justesse et de justice) de ne pas prendre le fondateur de la Tunisie moderne pour un épigone (disciple sans originalité ) d’Ataturk. Il faut croire Bourguiba, quand il affirme que la République qu’il a fondée n’est pas laïque, mais musulmane progressiste, parce que l’Islam auquel il se réfère pourrait être la laïcité même. Et c’était, en fait en cela que réside le caractère révolutionnaire du concept de « Umma Tunisienne », à partir duquel on a décidé d’appeler l’Assemblée Nationale « Majlis Umma » et non pas Majlis Qawmi ou Watani. En donnant à la Nation Tunisienne, dont les individus qui la composent ne sont plus des individus appartenant à des groupements tribaux, des citadins beldis ou des villageois de différentes régions, tous sujets de « Mawlana El Amine » (Lamine Bey), en donnant à ce patchwork l’identité d’une Umma dont le crédo est Al Jihad Al Akbar (qui est le dépassement des égoïsmes sacrés), Bourguiba a signifié que l’Universalisme Islamique se fonde d’abord dans les ummas particulières des peuples musulmans différents. Et en cela il contredit fondamentalement , l’Idéologie islamiste de la Umma Islamique dont Daech est l’État . Mao, dans son discours du Yenan, sur la contradiction n’aurait trouvé rien à redire quant à cette distinction entre Universalisme particularisant, de vocation libératrice parce que d’essence démocratique et Universalisme réducteur et dominateur parce que d’essence fasciste.
Il est donc nécessaire, en ce moment crucial de notre histoire et le jour où nous fêtons, dans le désir de mobilisation, exprimé par la majorité des politiques que nous méritons, le jour anniversaire de notre Première République, de comprendre les particularités de cette dernière, et de ses valeurs fondatrices. Et ce, en vue de nous donner les moyens de reconnaitre les valeurs mobilisatrices qui nous permettraient de croire en notre Seconde République que nous venons de fonder après la Révolution du 14 Janvier 2011.
Défendre le Régime Républicain contre les conceptions fasciste et religieuse de pouvoir, nécessite que cette défense, pour qu’elle devienne réellement mobilisatrice, que l’on dépasse le discours de mobilisation persuasive, sur fond de discours de campagne électorale et que l’on procède à une formation politique conséquente de ceux que l’on voudrait mobiliser en les rendant responsables de leurs actes. C’est en cela qu’un parti politique est avant tout une institution de formation de citoyens responsables de leurs actes et non pas seulement d’électeurs manipulables par le plus offrant, en termes de promesses.
De même que l’expérience a montré que Ennahdha ne peut espérer retourner au pouvoir qu’en abandonnant l’Islamisme politique vulgairement populiste qui lui a permis d’y accéder à un moment de désarroi politique provoqué par une révolution qui a surpris tout le monde, le maintien au pouvoir de Nidaa Tounes ne peut se poursuivre que par l’abandon du discours anti-integrisme religieux qui a permis de nous débarrasser de la dictature naissante du Sixième Califat. Compter sur le comportement réactionnel de citoyens dont la majorité est le produit d’un quart de siècle d’interdiction de penser ne peut nous permettre d’élever notre système politique au niveau espéré qui pourrait justifier l’appellation pompeuse de Seconde République que nous donnons à notre régime actuel. Le souci de préservation des acquis de la Tunisie moderniste de Bourguiba est aussi un discours ancré dans le passé. D’autant plus que présenté sous sa forme généralisante, il ne peut continuer à servir de programme commun aux tendances politiques diverses qui se sont liguées contre la Troika.
Le grand mal que nous devons combattre tous ensemble et chacun de son lieu propre, ce n’est pas le terrorisme mais le désert politique laissé par la période précédente. Désert dont les éléments du paysage sont le RCD de Ben Ali, son pendant, La Nahdha de Ghanouchi et les partis d’opposition pré-politique dont une grande partie appartiennent à l’opposition de Sa Majesté.
Dès la première semaine de Février 2011, j’avais publié deux articles sucsessifs intitulés ; « La Révolution Tunisienne sera Bourguibienne ou ne sera pas ». Il ne s’agit pas d’un retour (et tout retour est de nature réactionnaire) à un quelconque Bourguibisme mais de la production, ici et maintenant, d’une vision politique révolutionnaire, spécifiquement tunisienne et qui donnerait à notre Première République, trahie par les siens, à partir du début des années soixante dix, le second souffle qu’elle mérite d’avoir, à travers l’avènement, de principe et non encore de fait, de la Seconde République.
Bonne continuation à notre Régime Républicain sous sa forme de démocratie spécifique avancée, seule capable de nous mobiliser » pour » la construction de notre avenir.