L’affaire est entendue, ce nouveau pape François a tout pour ramener les brebis égarées du mercantilisme dans cette nouvelle foi radicalement solidaire, écologiste et décroissante.
Hormis évidemment les passages relevant de l’avortement, ce Laudato si a de quoi ravir tous les authentiques amoureux de la planète, tous les authentiques défenseurs de la solidarité. L’introduction est un hommage à Saint-François d’Assise, célèbre d’ailleurs pour son sermon aux oiseaux.
« Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la terre, qui nous soutient et nous gouverne, et produit divers fruits avec les fleurs colorées et l’herbe » chante le Saint des pauvres dans son cantique des créatures.
C’est bucolique comme du Giono et on peine à se dire qu’il y a 7 ans, le précédent pape procédait à la bénédiction de centaines de Ferrari sur la place Saint-Pierre…
Si l’on assimile le Vatican à une multinationale vieille de 2 000 ans, c’est comme si Nestlé avait nommé José Bové remplaçant de l’actuel directeur Brabeck. (si vous ne connaissez pas Brabeck, on vous le présente notamment dans notre précédent article sur la rencontre du troisième type chez Nespresso).
Tout y est ! Les blessures de la Nature, les inégalités et les souffrances de l’Homme. La foi déraisonnable en la technologie. L’effet rebond !
Si ce n’est déjà fait, prenez 20 minutes pour lire ce texte qu’on jurerait écrit par un chroniqueur du journal La Décroissance !
Je ne sais pas vous, mais ce concept de Terre-Soeur m’a étonné sur le coup. Pourquoi pas la Terre-Mère ?
Et j’ai réfléchi. Et j’ai trouvé que la Terre-Soeur c’était une chouette idée. Ils ont un bon service marketing au Vatican !
Le religieux et l’écologie
Ce doit être la deuxième fois que je parle de religion sur ce blog. La première fois c’était pour parler de Thoreau et du Mont Athos, cette péninsule orthodoxe interdite aux femmes. A la manière de Huysmans, j’avoue être quelqu’un qui s’écarte de la religion tout en l’épiant. C’est à dire que je n’ai naturellement rien contre les gens pieux. Je n’en suis pas mais les textes religieux me fascinent.
Et en les lisant, je considère tout à fait compatible écologie et religion (voyez Illich et Ellul). Par contre, je suis toujours sidéré par la dissonance cognitive présente chez des gens très croyants. On ne doit pas lire avec le même œil.
Je crois assez bien connaître les textes chrétiens et me suis intéressé un moment à ce que l’on appelle les Pères de l’Eglise. Je dois d’ailleurs faire une confession, toute augustinienne ! Pendant des années, j’ai aspiré à écrire un ouvrage sur les similitudes entre le mouvement des chrétiens primitifs et le mouvement écologiste. Ma paresse a eu raison de cela et cela fait une référence de moins pour Amazon !
Mais voici ce que j’aurais écrit là-dedans. Un exemple qui j’espère sera parlant: la querelle du Filioque.
Pour les impies qui n’ont pas été voir sur Wikipedia, il s’agit d’une dispute syntaxique qui, excusez du peu, a séparé l’Europe en deux. A ma gauche l’Europe catholique d’Occident qui considère que le père procède du père et du fils. A ma droite l’Europe orthodoxe d’Orient qui pense plutôt que le père procède du père par le fils. Je simplifie à peine.
En 2015, faut-il préciser que cette petite mise au point à propos de la Sainte Trinité ne suscite guère plus d’altercations ? De nos jours on peine à comprendre rétrospectivement l’imposante et docte littérature pour traiter de ce sujet.
Et bien en 2015, tenez-vous bien, il y a aussi les écologistes d’Orient et d’Occident. Appelons écologistes d’Orient ceux qui pensent qu’on résoudra le problème planétaire avec les citoyens. Et écologistes d’Occident ceux qui pense qu’on le résoudra avec les citoyens… et les multinationales. Et voilà la querelle du Monsantoque.
Ne rigolez pas, ce point de détail vous permet de brouiller définitivement deux personnes qui ont 99% d’idées communes concernant la nature, le climat, l’énergie etc… Et c’est d’une actualité brûlante. Voyez qui se posent en sauveurs de la COP 21 !
La religion de l’écologie
Les détracteurs de l’écologie se pensent souvent très malins en opposant écologie et vérité scientifique.
- Les énergies renouvelables ? Pas rationnel.
- Le changement climatique ? Pas prouvé.
- L’épuisement des ressources ? L’homme a toujours trouvé des solutions. C’est empirique.
La revue La Décroissance n’hésite pas à parler des Pères de la Décroissance, faisant clairement référence aux Pères de l’Eglise.
Le problème que nous rencontrons est avant tout sémantique. Il faudrait définir clairement ce qu’est une religion, une sagesse, une spiritualité, une doctrine, une foi, une espérance, une réflexion, une intuition… et une science.
Et comment nous classerions pêle-mêle le keynésianisme, le transhumanisme, le marxisme, le libéralisme, le végétarisme, le yoga, et aussi donc l’écologie ?
Dans mon cas pas de doute, je suis prêt à reconnaître une part d’irrationnel dans le projet éco-humaniste. La perspective apocalyptique (« on va tous mourir si on ne se repent pas en prenant le vélo !« ) a des airs de Saint-Jean et surtout l’idée « colibriste » où chacun fait sa part, espérant ainsi mériter son salut et se voir ouvrir la clé du paradis, pourrait faire penser à la foi du charbonnier.
Sauf que…
Sauf que contrairement aux messages messianiques, les signaux environnementaux et sociaux sont étudiés, connus, analysés et n’ont plus rien à voir avec les apparitions de Lourdes…
- Le creusement des inégalités n’a jamais débouché sur des périodes glorieuses…
- L’accès restreint aux ressources stratégiques n’a jamais pacifié les peuples…
- Des variations de quelques degrés ont bouleversé la faune et pour la flore. Tout le monde ne s’est pas adapté…
La seule chose que partagent religion et écologie c’est cette idée un peu bête mais indispensable. C’est que nous sommes tous frères… mais que nous sommes tous sœurs désormais.
La nature reprenant ses droits à peine quelques années après l’abandon d’un village