Kwakiutl napolitains
L’indien Kwakiutl de Boas ne s’intéressait à New York qu’aux boules de laiton des rampes d’escaliers et aux femmes à barbe. Nous, aux ascenseurs napolitains et à leurs mystères. Notre hôtel se situant au 5ème étage, chargés de nos sacs, nous empruntons l’ascenseur avec un homme. La cage métallique, avec ses deux portes en bois qu’il faut rabattre après avoir verrouillé celle en fer forgé s’élève dans un grincement de câbles dans la cage d’escalier. Nous n’en avions vu de semblables que dans les vieux films.
L’hôtel que nous avions réservé ne peut cependant nous accueillir ce soir et nous envoie dans un autre établissement pour la nuit. Installés dans l’ascenseur, nous appuyons sans succès sur le bouton. En sortons passablement contrariés et, de dépit laissons les portes entrouvertes. Une employée qui fume sur le palier grommèle dans notre dos tandis que nous descendons à pied.
Second hôtel, 6ème étage et c’est avec un livreur que nous montons. Il glisse une pièce dans un boîtier que nous n’avions remarqué et l’ascenseur s ’ébranle. Nous n’avions pu concevoir que l’ascenseur fût payant. Il nous dit « five »puis arrivé à son étage parle de quatre et six en italien, je comprends que nous devons payer 6 et lui 4. Confronté à notre air dubitatif et pressé il glisse une nouvelle pièce dans le boîtier muni d’un compteur. Il ne parlait que des numéros des étages !
L’hôtelier nous donne une provision de pièces de 5c et nous glisse, tel un argument de vente, qu’ici c’est 5, là-bas 20c… Nous économisons notre réserve en descendant à pied… Le lendemain, retour au premier, alors que nous nous apprêtons à glisser la pièce de 20c, un homme nous indique que le mardi c’est gratuit ! Pourquoi le mardi ? Mystère… Jour de congé du concierge ? Plus tard nous découvrons que quand le boîtier indique des chiffres c’est payant, un mot, c’est gratuit… Ce l’est après 18h30, pourquoi ? L’hôtelier a un badge. Ne fait-on payer que les étrangers à l’immeuble ? Pour les inciter à emprunter l’escalier ? Pour financer l’entretien de l’ascenseur ? Le Kwakiutl tient ses successeurs…
Colette Milhé