OGM : quand Paul Moreira empoisonne la vie de Monsanto
- Emmanuelle Skyvington
- Publié le 01/09/2014.
Avec “Bientôt dans votre assiette (de gré ou de force)”, le journaliste d'investigation signe une remarquable enquête sur les effets dévastateurs du combo “OGM-herbicides”, le cocktail préféré du géant agrochimique américain. Flippant et écœurant.
Gand reporter, réalisateur et producteur, le très pugnace Paul Moreira parcourt inlassablement la planète en quête de vérité. Sa spécialité : des documentaires explosifs tournés au long cours sur le trafic d'armes en République Démocratique du Congo, les déchets toxiques en Somalie, la colonisation israélienne en Cisjordanie ou les nouveaux électeurs du Front National. Prix de l'investigation de la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédias) et Prix du Jury Jeune au Figra 2015, l'édifiant “Bientôt dans votre assiette (de gré ou de force)” s'attaque cette fois-ci à Monsanto. Enfants déformés, nappes phréatiques infectées... Le géant agrochimique américain nie être à l'origine d'un terrifiant scandale sanitaire en Argentine, causé par l'utilisation massive et incontrôlée de produits chimiques dangereux sur les zones de cultures trangéniques. Et pourtant... Moreira dénonce en creux les manœuvres des lobbies pro-OGM qui sévissent en toute impunité à l'échelle planétaire et tentent d'imposer leurs semences en Europe.
D'où vous est venue cette envie d'enquêter à nouveau sur les OGM ?
Les questions clés de l'agriculture et de la nourriture m'intéressent et j'avais déjà fait un film sur le sujet en 1999. Je trouvais fascinant que Monsanto brevète des plantes au même titre que Microsoft brevète des logiciels. Pour autant, tout en me disant que le futur nous réservait des choses effrayantes, j'étais sans doute passé à côté du sujet à l'époque. Depuis ce film, j'étais cependant resté en éveil. C'est une dépêche d'Associated Press signalant un nombre croissant d'enfants vivant dans les zones agricoles en Argentine et victimes de déformations, qui m'a alerté.
“Mon premier choc a été de découvrir un village avec cinq cas d'enfants déformés”Votre enquête prend ancrage en Argentine où vous découvrez, caméra à la main, des enfants lourdement handicapés et des familles anéanties...
Alors que le discours officiel consiste à dire que la culture extensive des OGM ne présente aucun risque sur les humains, ce qu'on voit sur le terrain est assez choquant. On y découvre par exemple des camions d'épandage qui pulvérisent des produits interdits comme l'atravine. Plus généralement, on constate que les herbicides du type Round up ne fonctionnent plus et que les agriculteurs doublent, voire triplent, les produits désherbants pour continuer à produire du maïs ou du soja. C'est un fait largement dissimulé or, il faut savoir que certains de ces produits ont un impact et une rémanence durable sur les nappes phréatiques.Sur place, mon premier choc a été de découvrir un village de vingt-cinq maisons avec cinq cas d'enfants déformés et malades. Cela m'a heurté en tant qu'homme et que parent… Et encore dans le film, nous n'avons montré que les images “les plus belles” d'une petite fille, qui essayait d'embrasser sa maman. Dans certaines familles, les parents cachent leurs enfants handicapés comme s'ils en avaient honte. Les autorités ont essayé de nier cette réalité dans un premier temps, en évoquant des cas de mariages consanguins, elles ont ensuite fini par la reconnaître devant notre caméra.
On comprend aussi à quel point les lobbys pro-OGM américains et le Département d'Etat travaillent main dans la main, depuis l'ère Bush, pour imposer leurs semences en Europe notamment.
C'est l'un des découvertes de cette enquête : la puissance des lobbys OGM et les gouvernements américains successifs qui mobilisent tout l'appareil d'Etat en faveur des industries transgéniques. Ils se sont mis au service de Monsanto et des autres. C'est devenu un enjeu économique stratégique, au même titre que le pétrole ou les armes. On en a eu la preuve avec la révélation par Wikileaks de câbles de la diplomatie américaine. Depuis, Obama s'est engagé à mieux étiqueter les produits alimentaires et indiquer la part d'OGM. C'est une mesure normale qui ne devrait pas poser problème. Pourtant, il a en partie échoué. Seul l'Etat du Vermont a réussi à l'imposer, mais il est en but à un méga-procès des industriels qui invoquent le droit au silence et se positionnent sur le terrain des libertés publiques ! C'est du Kafka, ou de la poésie !
http://television.telerama.fr/television/alerte-aux-ogm-sur-canal,116246.php
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 03 août à 16:49
Profondément respectueux de l’indépendance journalistique et de la liberté d’expression, Monsanto France tient à signifier sa déception face à un documentaire qui se révèle éloigné des réalités de l’agriculture, inutilement anxiogène pour le téléspectateur, présentant des données trompeuses, et particulièrement à charge contre Monsanto et d’autres acteurs.
Vous pouvez lire la lettre que nous avons envoyée à Canal + sur notre site web: www.monsanto.com