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Les pérégrinations olfactives d’Eutopie

Publié le 04 août 2015 par Adamantium

Dans les années 1970, les pays du Golfe ont vu la manne pétrolière se déverser à flots et les Émirati se sont mis à consommer des produits de luxe. Des marques de parfums sont soudainement apparues sur ce marché, profitant d’un label « made in France » qui leur servait à vendre tout et n’importe quoi à une population qui achetait sans discernement et à n’importe quel prix. Fort heureusement pour l’image d’une parfumerie française qui avait fini par souffrir de ces pratiques discutables, de nouveaux entrants ont décidé de s’intéresser aux pays du Golfe en proposant de véritables parfums haut de gamme, à l’exemple d’EUTOPIECréée en 2012 par Élodie Pollet, cette jeune marque compte aujourd’hui plus de 100 points de vente dans le monde, principalement concentrés sur la zone du Moyen-Orient, de l’Iran et de la Russie.

L’histoire -imaginaire- qui guide la création des différents parfums est celle d’un couple nomade qui parcourt le monde et qui capture l’essence des différents lieux qu’il visite. Chaque parfum est ainsi vu comme un poème parfumé, composé en l’honneur des différentes cultures olfactives rencontrées au cours de leur périple. De ces pérégrinations est née Eutopie, dérivé du nom d’Eutopia que le philosophe Thomas More avait donné en 1516 à ce pays qu’il imaginait comme « le lieu du bon ». Une référence lettrée donc qui n’est pas pour me déplaire, même si le nom est un peu rude à l’oreille, en tout cas en français… Quant au logotype de la Marque, il est élégant comme celui d’un magazine de luxe.

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Les flacons, en revanche, me séduisent moins. Leur habillage laqué, leur capot argenté et leur graphisme rappellent ceux de Juliette Has a Gun et ne laissent rien deviner de l’histoire que la Marque veut mettre en avant. Toutefois, un grand souci est accordé aux détails : le coffret extérieur est de grande qualité, tout comme la conception des échantillons qui m’ont été envoyés et qui sont d’un luxe incontestable.

L’idée qui préside à la création de chaque jus est de s’imprégner des matières premières de chaque lieu dans le monde, avec une touche française. Un concept efficace, aisé à comprendre et commercialement astucieux. Comment ce concept se transcrit-il dans la réalité, c’est ce que nous allons voir fragrance par fragrance, en commençant par le premier parfum lancé par la Marque : N°1.

La fragrance Eutopia N°1 créé par Charles Caruso annonce avoir voulu « capturer l’essence de la culture du parfum arabe, avec de subtiles nuances françaises ». Effectivement, elle s’ouvre sur une rose de Damas aux évocations clairement orientales, soulignée de jasmin d’Égypte sur un fond d’encens. L’évocation est claire et sans ambiguïté, sauf quand une note qui me rappelle étrangement le rhum arrangé vient à passer par là ! Nous sommes cependant bien au Moyen-Orient, il suffit de fermer les yeux pour s’imaginer dans une mosquée à la tombée de la nuit, car la fragrance est plus nocturne que diurne, en tout cas au départ.

Petit à petit, la note bascule vers une facette plus légère, rompant avec la construction habituelle des fragrances qui s’ouvrent immanquablement sur des notes hespéridées et vont ensuite vers des facettes plus sensuelles. Ici, la rose capiteuse et le jasmin charnel du départ laissent la place à des fleurs blanches relevées d’une pointe poivrée et enveloppées de ce manteau poudré qui semble le fil conducteur de la composition.

C’est dans cette stase vaporeuse de fleurs blanches et de musc que j’ai un flash et que je me retrouve transporté dans mon enfance, retrouvant le parfum que portait ma grand-mère : Canoë de Dana ! Est-ce cette évocation soudaine qui influence mon jugement ou est-ce la réalité du jus, toujours est-il que N°1 me donne à présent le sentiment d’une fragrance quelque peu rétro – pour ne pas dire vieillotte.

Cependant, une fois que les notes ont trouvé leur équilibre et qu’elles se sont fondues entre elles, une douceur évoquant l’encens et la poudre de riz s’installe autour de l’ambre, du musc et d’une pointe de vanille.

Au final, cette première fragrance d’Eutopie tient sa promesse d’être à la fois influencée par la France et par l’Orient, mais entre les deux j’ai le sentiment qu’elle peine à trouver sa véritable personnalité. L’ensemble est capiteux, pour ne pas dire entêtant, mais ce parfum est destiné à des marchés où une fragrance n’est pas censée être discrète ! Elle me laisse l’impression d’une composition désuète (l’effet Canoë) et plus féminine qu’unisexe contrairement à ce qu’elle annonce – mais cette différenciation est moins pertinente au Moyen-Orient que dans les autres régions du monde.

Eutopie n°1 : Vaporisateur Eau de parfum 100 ml – 155 €

Hervé Mathieu

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