Wet Hot American Summer: First day of Camp (WHAS) est une nouvelle parodie de huit épisodes signée Netflix mise en ligne le 31 juillet et disponible partout où le service est implanté. L’action se déroule au camp d’été Firewood en 1983 alors que les campeurs, ainsi que les moniteurs entament la saison estivale. De son côté, Sex&Drugs&Rock&Roll (SDRR) est une nouvelle comédie de dix épisodes diffusée sur les ondes de FX aux États-Unis et au Canada. Celle-ci est centrée sur Johnny Rock (Denis Leary), un auteur-compositeur-interprète ayant connu une brève carrière dans le monde de la chanson avant que son band, le Heathen, ne se sépare… le jour du lancement de leur premier album. Depuis, ses chances de renouer avec le succès, tout comme les liquidités de son compte en banque fondent à vue d’œil, mais heureusement, quelqu’un de son proche entourage renoue avec lui, de quoi lui redonner espoir. Autant le dire, ces deux comédies misent sur la personnalité looser de ses personnages pour nous divertir. Alors que le résultat est carrément pathétique sur Netflix, chez FX il émane un certain charme empreint d’une autodérision mille fois mieux aboutie.
Wet Hot American Summer : série narcissique
L’action des huit épisodes dans WHAS se déroule au cours d’une seule journée, si bien qu’elle est passablement limitée. On a donc droit à tous les clichés associés à ce genre de films ou séries : intimidation entre campeurs, flirts divers entre moniteurs, on s’affaire aussi à monter un théâtre d’été et en trame de fond, la pérennité même du camp est remise en question puisque pour renflouer les coffres, le directeur a permis à une entreprise de déverser ses déchets toxiques sur le terrain.
Bref, les intrigues sont assez insipides et passé l’introduction des personnages, l’effet comique a rapidement atteint son (piètre) summum pour tomber dans le pathétique et c’est à se demander qui sera assez brave pour se rendre jusqu’à la fin de la saison. À peu près toutes les blagues tombent à plat et au cas où vous en manqueriez quelques-unes, on les répète systématiquement une bonne dizaine de fois, comme pour forcer un rire qui ne risque pas de survenir.

Par contre, on n’a pas misé pas sur l’humour traditionnel dans WHAS, mais plutôt sur « l’aura » entourant le film qui en découle. En effet, en 2001, un film éponyme est sorti en salles. Échec autant critique que commercial, il était cependant composé d’une brochette d’acteurs inconnus à l’époque, mais qui ont pour la plupart fait leurs marques à Hollywood (Amy Poehler, Christopher Meloni, Bradley Cooper, Paul Rudd, etc.), si bien qu’après quelques années, le film est en quelque sorte devenu culte. L’autre élément inusité est que les mêmes acteurs rejouent leurs rôles respectifs avec 14 ans en plus. Ceux-ci ont donc pris du poids, portent des perruques, mais jouent toujours les adolescents.
L’exercice est narcissique à deux niveaux : on a des acteurs qui en quelque sorte rient d’eux-mêmes, alors que l’exercice initial n’était même pas drôle. Puis, on décide d’effectuer un remake (ici, un préquel) d’un film tellement mauvais qu’il n’a jamais été distribué en France par exemple et on propose cette nouveauté au globe… Autant Marco Polo voulait rejoindre tout le monde (sans succès), autant WHAS se regarde le nombril. Ce qu’il y a de plus choquant est l’immense campagne de promotion dont a jouit la série avant sa mise en ligne et l’argent dépensé pour y ajouter des guest stars comme Chris Pine ou John Hamm qui en fin de compte n’apportent pas grand-chose à l’histoire.
Sex&Drugs&Rock&Roll: plouc sympathique
Autant dire que Johnny, dans la cinquantaine, a touché le fond du baril. Sans le sou, sans groupe de musiciens, alors qu’il sort un soir dans un bar, il tente de séduire une jeune fille pour se rendre compte après avoir reçu une gifle qu’il s’agit… de sa propre fille (Elizabeth Gillies). C’est qu’il a eu une brève aventure avec sa mère qui n’a pas cru bon de l’avertir. Gigi rêve de chanter elle aussi et ayant hérité d’une grosse fortune, elle a tout fait pour retrouver son père, puis le loge dans un spacieux loft de New York en plus de lui offrir de reconstruire son band de l’époque, ce qui n’est pas chose facile puisque tous ont pris des chemins différents et surtout, se sont assagis. Après une laborieuse réconciliation, ils obligent Johnny à s’imposer une cure de désintoxication, par souci de santé, certes, mais surtout afin qu’il ponde des chansons qui marchent. La tentative est un échec et ils ont tôt fait de le réapprovisionner en alcool et drogue. Dans le troisième épisode, une fausse rumeur voulant que Johnny soit mort provoque un regain d’intérêt pour le chanteur et son équipe lui conseille de jouer le jeu, question d’attirer l’attention sur le nouveau band composé autour de Gigi.

Non seulement Denis Leary est l’acteur principal de SDRR, mais c’est aussi son créateur, si bien que lorsqu’il est question d’autodérision, l’effet n’en est que plus réussi. Ce qui fait aussi rigoler, c’est la conviction du personnage d’être sur la bonne voie. Par exemple, il affirme non sans fierté à propos de son visage vieilli: « This is the face of a 50 years old rock star » et son manager de préciser : « A 50 years old failed rock star ». Si les personnages de WHAS ont quelque chose de pathétique, celui de SDRR a quelque chose de touchant parce qu’en fait, Johnny qui se définit comme étant un rebelle est davantage une victime; victime de ses modèles décadents du Rock&Roll, victime de ses dépendances et victime aussi de son entourage qui le manipule jusqu’à un certain point. On prend aussi soin d’aborder l’impact des réseaux sociaux qui ont grandement changé l’univers musical et la différence de perception entre ce dinosaure des années 80-90 et sa fille est bien exploité.
Sex&Drugs&Rock&Roll a attiré 867 000 téléspectateurs pour sa première; passablement le même score que The Comedians (800 000), lancée aussi par FX en avril… et annulée après une saison. La différence est que les chiffres de cette dernière avaient chuté à 500 000 la semaine suivante, alors que les épisodes 2 et 3 de SDRR se sont maintenus à 700 000 en termes d’auditoire. De son côté, Wet Hot American Summer pourrait bien faire le plein auprès d’une certaine clientèle, mais si Netflix persiste dans cette voie, l’entreprise pourrait bien donner raison au PDG d’Amazon Jeff Bezos qui affirmait récemment à la Television Critics Association’s summer press tour de Los Angeles que son entreprise ne désirait pas se lancer dans un concours de popularité, mais bien privilégier la qualité de ses fictions afin de se distancier de son principal concurrent…