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Position de la FESP sur le Projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement

Publié le 07 août 2015 par Rozennlefeuvre @aladom
Position de la FESP sur le Projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement

Après avoir eu le point de vue de la FEDESAP sur le projet de loi sur le vieillissement qui menace les entreprises de maintien à domicile, nous avons aussi questionné Olivier PERALDI, Directeur général de la FESP. Voici ses réponses à nos questions :

Pouvez-vous présenter rapidement le secteur du maintien à domicile ?

L'aide à domicile de personnes en situation de dépendance représente 70 % de la création de valeurs des services à la personne. Les entreprises représentent environ 10 % du volume d'heures réalisées chaque année, et ce taux est en progression. La FESP présente le plus large panel d'acteurs de l'aide à domicile en représentant tous les types d'entreprises exerçant sur le secteur : réseaux de franchises ou d'agences, PME et TPE, entreprises prestataires et mandataires, etc. Des coopératives sont également adhérentes et il nous arrive d'accompagner des porteurs de projets d'entreprise.

Comment se concrétise aujourd'hui pour vous la concurrence déloyale des associations ?

Les privilèges tarifaires et fiscaux dont jouissent les associations par rapport aux entreprises constituent en effet une concurrence déloyale massive et inadmissible. Ces privilèges sont accentués par les pratiques de trop nombreux conseils départementaux qui favorisent systématiquement les associations à l'encontre des entreprises. Après la dénonciation par la FESP dès 2008 de ces pratiques auprès des ministres de l'Economie et des Affaires sociales, pas moins de quatre rapports publics, signés de l'Inspections générales de l'action sociale (Igas) et de l'Inspection générale des finances (Igf) et publiés entre 2009 et 2011, ont démontré l'ampleur de l'atteinte au droit des entreprises d'aide à domicile par la plupart des conseils départementaux. Ces pratiques désormais constatées par l'administration centrale restent pourtant inchangées. Les décideurs politiques n'en prennent pas la mesure et refusent de se conformer aux droits, français et européen, qui garantissent pourtant l'égalité de traitement des structures, quel que soit la nature de leur régime juridique, entrepreneurial ou associatif. Voilà pourquoi la FESP a porté plainte en 2014 devant la Commission européenne pour discrimination de la part de nombreux conseils départementaux. Après trois auditions à Bruxelles où de nombreux adhérents de la FESP ont pu s'exprimer, nous attendons avec intérêt l'avis motivé de la Commission européenne à l'encontre de l'Etat français. Celui-ci devrait être transmis au gouvernement à la rentrée. Ainsi ce sont d'abord les comportements de nombreux conseils départementaux plutôt que ceux des structures associatives qui sont répréhensibles. Et finalement, si les collectivités territoriales françaises respectaient les droits des entreprises, un grand pas serait réalisé. La discrimination prend de multiples formes. Je prendrai deux exemples. Sauf rares exceptions, les conseils départementaux appliquent un tarif de prise en charge auprès des structures agréées par les services de l'Etat moindre en moyenne de 3 € par heure de service réalisé que lorsque ce service l'est par une structure autorisée par ses propres services. Etant donné que le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement prône le passage de toutes les structures à l'autorisation et qu'il serait inconcevable qu'un projet de loi organise une discrimination entre acteurs, la FESP a demandé en juin dernier au cabinet d'envergure internationale, Oliver Wyman, de calculer le coût du passage des structures actuellement agréées au tarif des structures autorisées. Avec un surcoût de 286 millions d'euros par an dès la première année, le résultat est sans appel ! L'angle adopté par le gouvernement dans son projet de loi n'est adapté ni au contexte économique des budgets départementaux ni à la norme juridique nationale et européenne. Le second exemple porte sur les attributions du fonds d'aide aux structures d'aide à domicile en difficulté. En 2013 comme en 2012, plus de 80 % de ces aides financières ont été versées à des associations et moins de 5 % à des entreprises, le reste étant attribué à des organismes publics tels que des Centre communaux d'action sociale (Ccas). Le phénomène a été renouvelé dans les mêmes proportions en 2014. Une discrimination, cette fois-ci de la part de l'Etat, d'autant moins compréhensible que, suite à une demande de la FESP en 2011, la Direction générale des entreprises (Dge) qui dépend du ministère de l'Economie et des Finances avait indiqué que sur cent structures défaillantes sur le secteur des services à la personne, soixante-dix étaient des entreprises. Aussi, la FESP est-elle très active dès que l'une de ses entreprises adhérentes est victime d'un acte discriminatoire de la part d'une collectivité. Récemment, suite à nos interventions déterminées plusieurs présidents de conseils départementaux ont modifié les informations délivrées sur leurs supports de communication dont les sites internet pour y faire figurer, au même titre que les associations, les noms et coordonnées des entreprises prestant sur le département.

Quel serait l'impact pour les entreprises d'aide à domicile si la loi passait telle qu'elle est proposée aujourd'hui ?

Catastrophique ! L'arrêt de l'attribution et du contrôle de l'agrément par l'Etat serait un retour à la situation de 2002 où toute demande de structure dite " à but lucratif " restait sans réponse de la part des conseils généraux... Les conséquences de cette situation de blocage généralisé avaient conduit à la mise en place de la délivrance d'un agrément par l'Etat. Par ailleurs, imaginer que le fait de limiter arbitrairement le volume d'activité d'une entreprise au volume d'heures réalisé sur une année parmi les trois derniers exercices, tel qu'écrit dans le projet de loi, va à l'encontre des objectifs affichés par le gouvernement : agrégation des acteurs, mutualisation des moyens, maintien de la qualité du service, etc. Cet "empêchement" de se développer ne peut qu'avoir des conséquences néfastes en termes de créations d'emplois et de rationalisation des coûts pour les structures. Les collectivités ne gagneront ni en visibilité ni en maîtrise des budgets. Par ailleurs, le projet de loi s'il venait à être adopté en l'état de sa rédaction entraînerait de lourdes conséquences en termes d'augmentation des dépenses publiques avec au bout de la chaîne un alourdissement de l'avis d'imposition des Français. A force de vouloir transférer aux conseils départementaux l'intégralité de politiques publiques, certes coûteuses mais essentielles pour la cohésion de la société, l'Etat reporte sur les collectivités des dépenses qu'il ne veut plus assumer. Il y aurait pourtant une façon simple d'éviter de telles conséquences, en reconnaissant que les entreprises apportent un service équivalent, et souvent supérieur, en termes de qualité et d'efficience du denier public que les autres acteurs présents sur le secteur. Dans une étude du cabinet Oliver Wyman commanditée par la FESP en 2013, les observateurs notaient qu'un euro dépensé par les acteurs publics en faveur des services à la personne, rapportait aux finances publiques 1,9 euros lorsque le service était réalisé par une entreprise, pour 1,6 lorsque ce même service était presté par une association. Nous avons su nous adapter à des tarifs moindres en trouvant des gains de productivité grâce notamment à la mutualisation des fonctions supports, mais aussi par la mise en place de modèles pouvant être reproduits sur l'ensemble du territoire. Ce savoir-faire propre aux entreprises de l'aide à domicile doit être reconnu. Les avantages qu'il présente devraient éclairer le débat parlementaire.

Avez-vous le sentiment de pouvoir être écouté ?

Nous voulons croire au bon sens de chacun à commencer par celui des gouvernants et des parlementaires. Après presque un an de discussion autour de ce projet de loi - rappelons-nous que la première lecture à l'Assemblée Nationale s'est déroulée en septembre dernier ! -, celui-ci a été modifié à de nombreuses reprises, sans qu'il soit possible de discerner un axe fort, hors le souhait pour l'Etat de sortir du peu de gouvernance du secteur qu'il lui restait, c'est-à-dire au-delà de sa participation au financement de l'Allocation personnalisée autonomie (Apa), l'attribution et le contrôle de l'agrément aux entreprises. Ainsi, entre le texte de projet de loi originel et l'actuel, un Contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (Cpom) a été généralisé puis rendu optionnel, ou encore l'actuel cahier des charges de l'agrément a été retenu comme trame pour un futur cahier des charges national de l'autorisation, ce qui étaient parmi nos demandes. Mais plusieurs dispositions sont apparues hors toute concertation, telles le retrait de l'expérimentation d'un seul régime auprès de trois départements avant de décider d'une éventuelle généralisation, ou encore la limitation du volume d'activité pour les structures anciennement agréées qui seraient autorisées. Or, nous n'imaginons pas un projet de loi qui ne prendrait pas en compte les propositions des entreprises du secteur. Par ailleurs, le projet de loi soulève une réaction vaste sur l'ensemble du territoire. Une pétition a déjà recueilli près de 7000 signatures et un mouvement est en train d'émerger sur le terrain, Privé de Grandir, auquel participent de nombreux adhérents de la FESP.

Quelles sont vos suggestions pour améliorer le projet de loi ?

Elles sont nombreuses. D'abord convenons qu'il serait curieux que seul le secteur de l'aide aux personnes âgées dépendantes échappe à la règle de la séparation des pouvoirs propres à toute politique publique. Ainsi, en organisant le retrait de l'Etat de la gouvernance de l'agrément qui serait devenu autorisation, le projet de loi concentre toutes les fonctions qui régissent le secteur dans les seuls mains des conseils départementaux : le pouvoir d'autoriser, celui de financer les bénéficiaires des services qu'ils autorisent, celui de les financer le cas échéant dans le cas d'une association subventionnée, celui de contrôler eux-mêmes les structures qu'ils autorisent et qu'ils finances éventuellement, tout cela pouvant être doublé d'un cadre conventionnel via un Cpom. Ce système, où un seul acteur institutionnel décide seul sur l'ensemble de la chaîne du service, apparaît foncièrement déséquilibré. Aussi, la FESP propose que soit maintenue une fonction organisationnelle de la part de l'Etat, notamment, si ce n'est par la sauvegarde de l'agrément, par une participation active à la prise de décision d'autoriser ou non. Ensuite, que ce projet de loi n'ait pas pour conséquence de figer les situations en favorisant plutôt les grandes structures, associatives ou entrepreneuriales, en empêchant les plus petits d'évoluer et de grandir, voire en interdisant l'accès à des entrants potentiels. Le déplafonnement du volume d'heures est majeur. Le gouvernement et les parlementaires doivent comprendre que cette disposition apparue il y quelques semaines à peine lors d'une réunion en commission des affaires sociales de l'Assemblée Nationale doit être simplement et purement supprimée. Enfin, le projet de loi doit garantir la possibilité pour les entreprises qui auraient été agréées d'accéder au régime de l'habilitation et au cadre d'un éventuel Cpom. A ces conditions, nous pourrons alors dire que nous avons été entendus.

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