Série: Jérémiah
Titre: Du Sable Pleine les Dents T2 Auteurs : Hermann (dessin et scénario) et Fraymond (couleur) Editeur : Repèrages Dupuis Année : 1993 Pages : 48
Résumé : Jérémiah et Kurdy sont perdus en plein désert. Et le soleil tape dur. On ne donnerait pas cher de leur peau, si leur chemin ne croisait celui du sergent Corey, officier de la milice, qui s'est tiré de justesse des pattes d'une bande de pillards qui en veulent à son secret. Quel secret ? Un secret qui va embarquer Jérémiah et Kurdy à leurs corps défendant ou presque. Mais aussi un secret qui se révèlera peut-être le seul moyen de ne plus tourner en rond dans ce satané désert ! Mon avis : Jérémiah en est à ses débuts avec ce tome 2 et reste un peu le fonceur idéaliste que nous avons découvert dans le précédent tome. Son caractère s'affinera au fur et à mesure de la série mais pour l'instant (et pour longtemps), il forme avec Kurdy Malloy une sacrée paire. Le fouineur cynique et le généreux altruiste se tapent sur les nerfs et même sur la tronche, malgré la chaleur accablante. Les bases de l'univers de cette série continue à se poser dès ce tome deux. Un monde post-apocalyptique géré par un ordre étrange – ici, une Milice assure le convoyage de fonds – et quelques personnages tout aussi intrigants – ici, un simple d'esprit, petit clin d'oeil assumé à Délivrance ? et une femme, la curieuse et glaciale Sharita -. Des situations classiques qui dérivent par la présence de ces personnages vers une ambiance curieuse qui confère ce cachet original à de nombreuses aventures du duo. Sans Sharita, sans cette ambiance désertique, sans ces miliciens, on serait dans une simple histoire de course au trésor caché à découvrir. Et il ne manquerait que Clint Eastwood, synthèse cinématographique de Kurdy et Jérémiah, pour donner à cette marche au soleil des allures de western. Mais c'est aussi cela qui fait la force de Jérémiah, une forme de western post-apocalyptique, comme le montre les ceinturons, les tenues et le décor. Et au fur et à mesure des tomes, nous oublions ce qui s'est passé - et quelle importance cela peut-il avoir - au profit de la survie dans ce monde baroque et solitaire. En effet, la survie et la vieille phrase de Hobbes « L'homme est un loup pour l'homme » sont, dans le fond, les deux dominantes de cette série, les thèmes universels de l'être humain. Et c'est pour cela que Jérémiah est un personnage qui ressort dans ce monde. Il est en effet un des rares à vouloir tendre encore la main à l'autre. Sa générosité n'est jamais feinte et le seul espoir de ce monde, finit-on par se dire, réside dans l'honnêteté de cet homme, qui, s'il reste un brin naïf, n'hésite pas à jouer – et joliment - des poings pour défendre ses valeurs. L'intrigue se laisse légèrement anticiper mais la relecture de cette BD fut un réel plaisir. Et le graphisme d'Hermann n'y est pas pour rien. Le sable, la poussière, la moiteur qui pèsent sur les personnages. Hermann parvient à nous faire ressentir tout cela et d'une manière sale, hirsute, comme le sont ces héros après quatre jours d'errance dans le désert. Les coins d'ombre ne sont pas des lieux privilégiés, qu'il s'agisse de la cellule ou de la cabane de Sharita, où l'on ne se sent pas vraiment en sécurité. Les personnages sont réalistes mais avec quelque chose dans leur visage aux traits légèrement forcés qui les éloigne de toute réalité. Les décors pesants, les couleurs ocres, tout concourt à rendre cette histoire lourde. Le découpage présente deux à quatre bandes de une à quatre cases, même si parfois les cases se démultiplient sur une même bande, permettant de ralentir l'action, comme le combat entre Jérémy et Kurdy. Les cases varient de taille et de largeur et permettent, à certains moments de l'histoire, de rendre sa dimension écrasante au désert qui cerne nos héros. Les cadrages sont importants - raccords dans l'axe permettant de changer de point de vue - le cadre ne perd jamais l'action et fait en sorte que l'on sache toujours où l'on se trouve et où se trouvent les protagonistes de la situation. Ce travail de lisibilité rend la BD simple à parcourir et évite d'être sorti de l'histoire par une situation incompréhensible ou illisible. Aujourd'hui, La série compte 33 tomes (hé oui, ça va vite) ! Si ce tome 2 est une réédition de 1993, il faut savoir que la date de sortie de cette histoire remonte à 1979. Je me rends alors compte du talent de Hermann et de l'aspect précurseur de cette BD que je vous invite, avec un grand plaisir, à redécouvrir. Zéda rencontre Kurdy Malloy ! David