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The Rover – Meunier tu dors. L’australien ne va pas assez vite…

Par Julien Leray @Hallu_Cine

La sortie de Mad Max : Fury Road a fait un bien fou à une année 2015 jusqu’alors assez morose. Un nouveau mètre-étalon du post-apo, dans la digne veine de ses prédécesseurs, dont les années les séparant de notre époque pouvaient se montrer salvatrices pour de nombreux films s’en réclamant. Dur de passer après des chef-d’oeuvres. Heureusement que l’hormone de l’oubli fait bien son oeuvre.

Manque de chance, Mad Max 4 remet les compteurs à zéro. L’an un du renouveau. Les films à venir auront fort à faire pour surpasser un tel prodige. Qu’ils ne se sentent cependant pas seuls : les sorties antérieures ne sont pas non plus à l’abris. Finalement, elles n’étaient peut-être pas si réussies…

Et il aura beau avoir crevé l’écran l’an dernier, pas de prime pour les premiers : The Rover n’a finalement pas les Cannes.

Pourtant, tout y est. L’Australie à feu et à sang aux décors crépusculaires, l’univers taciturne et mystérieux, le rythme lancinant voire contemplatif, les trognes antipathiques et angoissantes, les dialogues réduits à la portion congrue, portes ouvertes aux interprétations diverses et variées. Sans oublier (sacrilège !) la sacro-sainte direction photo gris-marron.

C’est un fait, le post-apo, c’est marron-gris. Sauf qu’une nouvelle fois, Mad Max est passé par là.

Non, le principal souci de The Rover, c’est qu’on s’y ennuie. On a pourtant tout essayé : le rhum, la vodka, le trou normand, la liqueur bien distillée. À la fin, on était d’ailleurs sûrement un peu pété.

L’amorce du film n’est pas à mettre en cause. Dès les premières minutes, Guy Pearce crève l’écran, de colère froide et de violence toute en retenue mêlées. Un charisme indéniable nous rappelant combien il reste un acteur précieux et de tout premier ordre – et ce ne sont ni Prometheus ni Iron Man 3 qui y changeront quoi que ce soit -. Car il en faut du talent pour offrir une prestation toute en nuances à partir d’un regard desespérément furibond.

Il faut dire que son personnage a de quoi l’être. Il joue de malchance. S’arrêtant dans un diner – ou plutôt ce qu’il en reste – d’une bourgade perdue au milieu du Bush (pas George l’hydraté, l’aride), il se fait alors voler sa voiture par trois criminels, trois frappes pathétiques à la fois hostiles et apeurées fuyant une scène de fusillade au cours de laquelle ils ont abandonné le frère de l’un des leurs.

On ne vole cependant pas Eric, le Max de ce monde. Implacable, sans attaches ni émotions (ou si peu), il se lance à leur poursuite, en Terminator de poussière et de sable : le cancer inévitable déploie ses ailes, le film est lancé…

Pour mieux s’arrêter. Pas de fatras de métaux froissés, de moteurs explosés. Juste un gros « pschitttt » à la hauteur de l’attente.

On a quand même affaire au dernier film de David Michôd, l’auteur d’Animal Kingdom, excellent film injustement éclipsé par le succès public et critique de The Town en 2010.

Soyons francs : il aurait été quoi qu’il en soit bien difficile d’égaler la réussite d’Animal KingdomCe dernier faisant partie des (rares) moments de grâce au sein d’une carrière, ces instants où tous les astres sont alignés : mise en scène, profondeur scénaristique, direction d’acteurs, direction artistique, jusqu’au-boutisme thématique, rien ne dépasse, juste ce qu’il faut. Tout se mélange dans une harmonie créatrice totale, avec ce soupçon de magie séparant le juste bon de l’excellence.

En définitive le gouffre entre The Rover et Animal Kingdom. On aura beau suivre la recette d’un grand chef pas à pas, étapes par étapes le plus consciencieusement possible, il est fort probable qu’on n’arrivera jamais à ne serait-ce que caresser la réussite de son plat.

The Rover, en apposant les mêmes ingrédients sans le fouetté, se prend les pieds dans le plat en oubliant tout le sel des grands films.

Ce n’est pas le genre de la maison de critiquer l’absence notoire de dialogues. Le cinéma restant – et beaucoup ont tendance à l’oublier – un média avant tout visuel, ça ne saurait être dommageable, pour peu que la caméra prenne le relais narratif du verbe.

Mais quand cette caméra et les plans qu’elle est censée magnifier se montrent dénués de sens et de rythmique, ça devient nettement plus problématique. On suit ainsi Eric dans sa course-poursuite vengeresse, sans jamais vraiment savoir où Michôd veut en venir.

Ce dernier multiplie les inserts sur les regards, prend le temps de cadrer de manière iconique son personnage principal, abuse de plans larges pour donner de l’ampleur à ses décors, filme à hauteur d’homme pour plus d’authenticité. Pour un western, c’est en soi plutôt une bonne idée.

On reste néanmoins loin de Leone.

Jouer la carte du taiseux peut être un choix assez heureux. Mais quand le sound design sonne creux…

Eric est un personnage désabusé et désincarné. C’est acté. Le hic, c’est qu’à compter de ce moment, il est bien difficile de trouver les autres le moindrement attachants.

Surtout pas un Robert Pattinson loin d’être convaincant.

Un rôle pourtant taillé sur mesure. Un jeune homme névrosé, fragile un peu paumé, aux accès de violence mal contrôlés, mal dirigés. Pattinson a les épaules pour l’incarner. Depuis Cosmopolis, on le sait.

Mais à l’image du film, forcer n’est pas jouer.

Un travers auteurisant insidieux qui plombe irrémédiablement The Rover.

On pourrait certes nous reprocher de l’avoir honni, car on ne l’a tout simplement pas compris.

Mais on pourrait aussi rétorquer qu’à défaut de comprendre, un film doit au moins nous laisser des clés. Ou entrouvrir la porte d’entrée. Des films comme Paprika ou Ghost in The Shell dépassent le simple cadre de la compréhension logique et rationnelle. L’univers et l’immersion sensitive prennent alors le relais.

The Rover, lui, ne propose rien. Ou trop peu. Un scénario linéaire qui, sous des atours que ses auteurs (David Michôd donc, mais aussi Joel Edgerton) voudraient profonds, se montre (un comble) assez abscons. C’est long, c’est même un peu barbant.

Tout juste saura-t-on qu’Eric sait finalement faire montre de sensibilité, au sein de ce monde ravagé. Lui, l’homme devenu inhumain. Pas envers ses semblables, mais envers un chien. Une bête, à l’image de ce qu’il est devenu.

C’est maigre.

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