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Rosetta : début de l’été sur la comète Tchouri

Publié le 11 août 2015 par Pyxmalion @pyxmalion

Alors que la Terre essuie la pluie annuelle des " Perséides " (nuit du 12 au 13 août), créé par les petits grains de poussière éjectés par la comète 109P/Swift-Tuttle, 67P/Churyumov-Gerasimenko, alias Tchouri - actuellement à 265 millions de km de la Terre et 186 millions de km du Soleil - va atteindre le point de son orbite le plus proche de notre Étoile. Rosetta qui l'escorte avec succès depuis un an déjà, suit au jour le jour l'activité croissante de ce corps bilobé et est le témoin privilégié des épisodes d'intenses effusions de gaz et de poussières. Pour la sonde spatiale aussi, les collisions avec des particules cométaires sont de plus en plus nombreuses.

Un an après le rendez-vous de la sonde Rosetta avec le noyau de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko, alias Tchouri (le 6 août 2014), le moins que l'on puisse dire est que cette mission est un immense succès. Et celui-ci n'aurait pas été possible sans l'ingénierie et la grande dextérité des opérateurs pour ménager leur monture dans cet environnement restreint, imprévisible et très encombré de poussières...

L'aventure est loin d'être terminée. Plus de 370 millions de km ont été parcourus depuis que la sonde spatiale voyage à ses côtés, à des distances variables (seulement 6 km du centre voici quelques mois et entre 200 et 300 km actuellement, pour des raisons de sécurité) et il en reste encore autant à faire jusqu'à ce que la mission s'achève, en septembre 2016, avec l'atterrissage de Rosetta sur un site encore indéterminé. Pour les chercheurs, il reste encore beaucoup de choses à accomplir et à apprendre en scrutant l'activité décroissante du noyau, les semaines et les mois qui suivront le de ce jeudi 13 août 2015. Quels seront en effet les changements à sa surface ? Quels seront les derniers " foyers " d'activité ?, etc.

" Une année d'observations à proximité de la comète nous a fourni une mine d'informations à son sujet et nous sommes impatients de découvrir une autre année d'exploration " commente Nicolas Altobelli, membre de l'équipe scientifique. On imagine son bonheur et celui de ses collègues planétologues, cosmochimistes, physiciens, etc. de pouvoir espionner au jour le jour un noyau cométaire dans son intimité.

Sans parler des découvertes de son atterrisseur Philae récemment divulguées dans un numéro de Science, Rosetta a permis d'établir ces derniers mois, entre autres faits remarquables, que l'eau terrestre n'est pas la même que celle détectée dans l'atmosphère de Tchouri, relançant ainsi l'hypothèse sur des origines de nos océans liées " préférentiellement aux astéroïdes et certaines comètes " (cela dépend des familles...).

Autrement la détection d'azote moléculaire, la première pour une comète, suggère que ces astres se sont formés dans des régions reculées du Système solaire comme la ceinture de Kuiper ou le nuage de Oort, car des températures très basses sont nécessaires pour que cet élément soit piégé dans les glaces.

Nous voici à présent à la veille du jour où Tchouri - dont la période orbitale est de 6,5 ans - atteint son point le plus rapproché du Soleil, le périhélie. Pas question qu'elle frôle notre Étoile à seulement un million de km de sa surface (voire moins) comme le fit la comète Ison, il y a un an et demi. Non, comme à chacun de ses retours dans le Système solaire interne, 67P/C-G gardera bien ses distances : 186 millions de km soit un peu plus d'une unité astronomique.

Ce sera en quelque sorte le premier jour de l'été pour la comète (l'été tous les 6 ans et demi...) : il commence à faire chaud à sa surface et cela devrait durer plusieurs semaines... De la même façon que ce n'est pas le 21 juin, le jour le plus long de l'année et du solstice d'été dans l'hémisphère nord, qu'il fait nécessairement le plus chaud. Les deux mois suivants peuvent être effectivement torrides... Aussi, les chercheurs s'attendent-ils à observer une multitude de phénomènes déclenchés par ces excès d'énergie après un séjour de plusieurs années dans le froid interplanétaire.

" La période autour du périhélie est très importante scientifiquement [...] ", souligne Nicolas Altobelli. " Par exemple, les changements en surface peuvent révéler de la matière fraiche qui n'a pas encore été altérée par le rayonnement solaire ou les rayons cosmiques, ce qui nous ouvre une fenêtre sur les couches souterraines de la comète ; ce sera la première fois dans l'exploration cométaire que les changements en surface peuvent être observé en relation avec l'activité croissante. "

Une grosse explosion de gaz sur Tchouri

Signe que l'été arrive, les équipes de Rosetta ont surpris le 29 juillet dernier sur une série de trois clichés d'Osiris, un puissant et soudain dégazage émis depuis Anuket, une région qui s'étend du " cou " jusqu'à une partie du plus petit des deux lobes de Tchouri. Les images prises ce jour-là, à quelque 186 km du centre du noyau, ne montrent rien de particulier à 13 h 6 TU mais 18 minutes plus tard, à 13 h 24 TU, on découvre une longue projection de gaz. 18 minutes passent encore et sur le cliché de 13 h 42 TU, on ne voit presque plus rien. Le faisceau a quasiment disparu. Le phénomène fut plutôt rapide, inattendu, intense et lumineux, pour les chercheurs. Dans le blog officiel de Rosetta, Carsten Güttler, de l'équipe d'Osiris à the Max Planck Institute for Solar System Research raconte : " C'était le plus brillant que nous ayons vu depuis longtemps. D'habitude, les jets sont plus faibles en comparaison avec le noyau [lequel est décrit pour être plus sombre que le charbon, NDLR] et nous avons besoin d'exagérer le contraste des images pour les rendre visibles, mais celui-ci est plus brillant que le noyau. "

Ce type d'événement plutôt rare et bref a eu des effets spectaculaires sur la chevelure - ou coma - de la comète comme l'indiquent les mesures recueillies les heures suivantes par Rosina ( Rosetta Orbiter Spectrometer for Ion and Neutral Analysis) et Giada ( Grain Impact Analyser And Dust Accumulator). Les teneurs en gaz ont été bouleversées comparativement aux relevés deux jours plus tôt : deux fois plus de dioxyde de carbone, quatre fois plus de méthane, sept fois plus de sulfure d'hydrogène... Quant à la vapeur d'eau, le taux apparait plus stable.

Kathrin Altwegg, responsable de Rosina à l'université de Berne, s'enthousiasme : " Nous voyons de gros indices de matière organique après l'explosion qui pourraient liés à la poussière éjectée. Même si il est tentant de penser que cette matière détectée pourrait provenir de dessous la surface de la comète, il est encore trop tôt pour dire avec certitude que c'est le cas. "

Un festival de poussières !

L'instrument Giada qui collecte depuis le 1er août 2014 les grains de poussière essaimés par Tchouri, en a recueilli une trentaine par jour quelque 14 heures après l'événement contre un à trois tout au long du mois de juillet... Le 1er août, le taux est même monté à 70 en l'espace de quatre heures ! Mais " leurs vitesses mesurées par Giada nous racontent aussi que quelque chose de différent s'était produit, explique Alessandra Rotundi, chercheur à l'université de Naples, la vitesse moyenne des particules est passée de 8 m/s à environ 20 m/s avec un pic à 30 m/s ; c'était un festival de poussières ! "

Toutefois ce qui frappe certainement le plus les scientifiques est l'interaction de ce dégazage avec le vent solaire. Il a été si intense qu'il fut en mesure de repousser le flux de particules solaires durant plusieurs minutes, comme en témoignent les mesures du RPC-Mag ( Rosetta Plasma Consortium's Magnetometer) de Rosetta. La cavité diamagnétique s'est même étendu à 186 km du noyau, probablement en raison des émissions de gaz neutre dans la chevelure qui ont pu faire barrage au vent solaire et le maintenir à cette distance inhabituelle..., là même où naviguait ces jours-là, la sonde européenne.

Cette " ruade " de gaz et de poussières qui pourraient se reproduire plusieurs fois en divers endroits du noyau bilobé réchauffé et excité par le voisinage du Soleil a obligé les techniciens à éloigner Rosetta davantage, jusqu'à 300 km, afin qu'elle soit moins exposée à ces menaces potentielles. Le temps que l'activité se réduise... Bref, dans deux ou trois mois au mieux.

" C'est un fantastique événement multi-instrumentiste qui va prendre du temps à être analysé, mais souligne le moment excitant que nous sommes en train de vivre dans cette phase chaude du périhélie " indique Matt Taylor qui dirige l'équipe scientifique.

Crédit photos : Esa, Rosetta, NAVCAM - CC BY-SA IGO 3.0, MPS for OSIRIS Team MPS, UPD, LAM, IAA, SSO, INTA, UPM, DASP, IDA

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