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Rediffusion : Elections départementales, la gauche fait-elle tout pour perdre ?

Publié le 12 août 2015 par Delits

Les 22 et 29 mars prochain, les électeurs seront pour la première fois appelés aux urnes pour des élections départementales. En vertu de l’acte III de la décentralisation voté le 17 mai 2013, ce type de scrutin remplace en effet désormais les élections cantonales. Alors que cette réforme a été votée par l’actuelle majorité de gauche, on aurait pu penser qu’elle ferait en sorte de mettre en place un mode de scrutin qui lui soit favorable, surtout après les lourdes défaites électorales du printemps dernier et l’impopularité record mesurée mois après mois par les instituts de sondage. Or, les modalités pratiques de ces nouvelles élections départementales risquent fort d’avoir l’effet inverse, coutant de nombreux sièges à la gauche, et notamment au Parti Socialiste.

Le redécoupage électoral fait perdre aux sortants l’avantage de l’ancrage local

La loi du 17 mai 2013 a ainsi prévu une réduction du nombre des cantons en France : de 4055 auparavant, ils sont désormais passés à 2054. Cette réduction s’est logiquement accompagnée d’un nouveau découpage. Cet aspect est handicapant pour les élus sortants, qui bénéficiaient auparavant de leur ancrage local, désormais dilué dans des circonscriptions plus étendues. Certes, cet ancrage ne peut à lui seul préserver de la défaite, surtout dans un contexte national difficile : les nombreux maires de gauche bien implantés mais battus aux élections municipales de l’an dernier peuvent en témoigner. Pour autant, une « prime au sortant », réelle bien que limitée, existe bien en France, comme certains travaux de recherche l’ont montré au niveau des mairies.

Or, c’étaient les élus de gauche, largement majoritaires avec environ 2250 conseillers contre 1650 à la droite, qui auraient dû le plus bénéficier de cet avantage. Le redécoupage électoral ayant remis les compteurs à zéro, des dizaines, voire des centaines d’élus de gauche sortants risquent de manquer leur réélection à quelques points près, points dont la « prime au sortant » leur aurait en temps normal bénéficié.

Les binômes amplifieront les résultats du scrutin

Le mode de scrutin choisi est le scrutin binominal paritaire, c’est-à-dire que les électeurs ne choisiront plus un seul conseiller par canton, mais un binôme, obligatoirement constitué d’un homme et d’une femme. Cette disposition aura un effet amplificateur très simple sur la victoire d’un camp – et la défaite de l’autre – en termes de nombre d’élus : une défaite électorale dans un canton n’équivaudra plus à la perte d’un seul élu, mais de deux.

Le vote sur l’ensemble du pays ne permettra pas de diluer les résultats de l’élection

Les sondages, les élections municipales puis européennes de cette année et les scrutins partiels successifs nous ont tous montrés combien la gauche était électoralement en mauvais point, rassemblant au mieux un tiers de l’électorat au niveau national. C’est dans ce contexte que le mode de scrutin précédent, avec un renouvellement de la moitié des cantons tous les trois ans, prenait tout son sens : il permettait à la majorité au pouvoir, très souvent battue lors des élections intermédiaires, de nuancer le caractère national du scrutin. Surtout, il atténuait le choc en préservant pour un temps la moitié des élus sortants de la colère des électeurs, et diluait ainsi les conséquences électorales de l’impopularité de l’Exécutif.

Cette année, ce seront tous les conseillers départementaux qui seront soumis à réélection, avec comme conséquence une probabilité bien plus grande que de nombreux conseils départementaux basculent à droite. Face à la lourde défaite qui s’annonce, la majorité persistera sans doute à souligner l’aspect local de ce type de scrutin – probablement sans convaincre quiconque, dans l’hypothèse probable d’un triomphe de la droite.

Le seuil sera trop haut pour que le PS puisse se maintenir partout au second tour…

Le mode de scrutin prévoit que ne puissent se maintenir au second tour que les candidats ayant obtenus au moins 12,5% des voix des électeurs inscrits sur les listes électorales. Sachant que le niveau de l’abstention était de 55,7% lors des élections cantonales de 2011 dans les départements concernés, et de 57,6% aux européennes de mai dernier, il est très probable qu’une moitié au moins des électeurs inscrits décident de s’abstenir lors des élections départementales. Dans ce cas, la barre à atteindre pour figurer au second tour serait d’environ 25% des voix (ou, à défaut, d’arriver en deuxième position).

Le score du PS aux élections européennes (14%) et les 17% dont il est crédité dans un sondage national pour les élections départementales nous montrent combien ce seuil est handicapant pour la majorité. Les candidats socialistes seraient largement distancés par l’UMP (20,8% aux européennes et 25% dans le sondage) et le FN (24,9% aux européennes et 28% dans le sondage), et ne pourront probablement se hisser en seconde position que dans une minorité de cantons. Seules des alliances avec les autres partis de gauche (EE-LV, FdG) pourraient écarter le spectre d’une déroute dès le soir du premier tour – une perspective qui a encore bien du mal à voir le jour à moins de trois mois du scrutin.

… et trop haut pour affronter une droite unie derrière un seul candidat au second tour

Toutefois, même une alliance de toutes les forces de gauche dès le premier tour ne devrait pas suffire à éviter une lourde défaite. En effet, le seuil à 12,5% des inscrits aura aussi pour effet de favoriser très largement les duels au second tour, rendant les triangulaires et les quadrangulaires d’autant plus exceptionnelles que l’abstention sera élevée. Une situation dramatique pour les candidats de gauche qui parviendront à se qualifier, et qui dans la quasi-totalité des cas feront face à un candidat unique de la droite, qu’il appartienne à l’UMP ou au FN. En effet, une étude récente nous montre que les électeurs UMP et FN se reportent désormais très largement sur le candidat de droite restant au second tour. Ce sera donc une gauche très mal en point au niveau national (elle pèse pour à peine un tiers de l’électorat dans les derniers sondages et lors des européennes) qui affrontera une droite dont l’électorat est uni – avec les conséquences catastrophique qu’on peut imaginer.


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