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Football en Palestine : un terrain de reconnaissance

Publié le 18 août 2015 par Gonzo
Logo de la Fédération palestinienne de footballLogo de la Fédération palestinienne de football

Dans la litanie des nouvelles catastrophiques dans le monde arabe, il fallait au moins Al-Jazeera pour saluer avec autant d’emphase cette « réalisation historique » (إنجاز تاريخي) que constitue le déplacement en Cisjordanie d’une équipe de foot de Gaza, deux endroits en principe soumis à « l’Autorité palestinienne ». Ce qui rend l’événement marquant, c’est qu’un match de ce genre n’avait pas eu lieu depuis quinze ans. À l’issue de la partie, l’équipe d’Hébron l’a emporté sur celle de Chajayia, en provenance d’un des quartiers de Gaza les plus terriblement bombardés en 2014.

Un vrai soulagement, sans doute, pour les officiels israéliens. Moins parce qu’ils éprouvent beaucoup de remords vis-à-vis des quelque 2 000 victimes de leurs dernières opérations militaires qu’en raison des problèmes qu’ils auraient dû résoudre avec la participation à la future Coupe d’Asie d’une équipe basée à Gaza. Même si la situation à Hébron n’est pas simple, les déplacements d’une équipe de Cisjordanie pour la compétition à venir seront moins compliqués à gérer.

Le football palestinien est effet une épine dans le pied de la diplomatie israélienne qui a dû déployer beaucoup d’efforts pour ne pas subir un humiliant « gel » de sa participation à la Fédération internationale de footbal (Fifa). Comme signalé à l’époque dans un autre billet, la réélection mouvementée de Sepp Blatter s’était accompagnée d’un étonnant retrait de la demande préalablement soumise par la délégation palestinienne. Son dirigeant, le flambloyant général Jibril Rajoub, s’était contenté de la mise en place d’un comité international d’observateurs, chargés de vérifier que les Israéliens n’empêchaient pas (trop visiblement) les Palestiniens de jouer au ballon rond.

Dans ce contexte, l’organisation de la finale entre les vainqueurs des deux poules palestiniennes, celle de Gaza et de celle de Cisjordanie, offrait donc l’occasion de vérifier la réalité des bonnes intentions israéliennes puisqu’il fallait organiser le déplacement des deux équipes venant de deux villes distantes d’un peu plus de 60 kilomètres à vol d’oiseau mais séparées par le gouffre quasi infranchissable de l’occupation.

À l’aller, début août, les choses se sont plutôt bien passées comme le relate cet article du Times of Israel. Au retour, en revanche, on a frôlé l’incident diplomatique, ce qui aurait pu valoir aux Israéliens un carton rouge de la part de la Fifa, avec un gros risque d’« expulsion » des compétions internationales (un comble pour des occupants plutôt habitués à expulser que l’inverse !)

En effet, l’habile Rajoub, patron du sport palestinien que beaucoup soupçonnent de rouler pour son compte en pensant à la succession de Mazen Abbas, a su faire monter les enchères lorsque les services de sécurité israéliens ont exigé que quatre joueurs, membres de l’imposante délégation gazaouie autorisée à se rendre « de l’autre côté » (37 personnes au total, pas un seul supporter bien entendu), soient au préalable entendus « pour des questions de routine »… Refus palestinien et longues tractations qui ont provoqué le report de la seconde rencontre durant plusieurs jours. Les Palestiniens ont fini par plier ce qui n’a pas empêché Jibril Rajoub de conforter sa cote de popularité en faisant preuve d’un peu de fermeté dans son bras de fer avec l’occupant. Certes, cela s’est soldé, pour finir, par la tenue du match aux conditions imposées par Israël mais, du côté palestinien, on a vite oublié cela dans l’enthousiasme d’une rencontre vécue comme un événement historique…

Match nul par conséquent, les Israéliens ayant fini par imposer leur jeu sans être sanctionnés tandis que les Palestiniens ont fini par marquer un but dans le camp adversaire avec la tenue d’un match longtemps refusé ? Ce serait oublier que cette rencontre entre une équipe de Gaza et une autre de Cisjordanie contient une dimension symbolique qui va bien au-delà des calculs immédiats comme le remarque notamment le quotidien pro-qatari Al-Quds al-‘arabî. En effet, à Gaza comme à Hébron, une partie du public a choisi d’encourager les visiteurs au détriment de l’équipe locale par désir d’exprimer son attachement national.

Mais surtout, la tenue d’une « finale » inter-palestinienne montre que certaines réalités têtues ne peuvent être totalement évacuées, y compris en tenant compte des règles un peu tordues de ce milieu assez opaque qu’est la Fifa. En attendant que la vraie reconnaissance des droits du peuples palestinien lui redonne une (partie de sa) terre, les « règles du jeu » internationalement reconnues font que la reconnaissance de l’existence d’un football palestinien implique, très concrètement, qu’il ait un terrain pour pratiquer ce jeu.


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