Life in Squares est une nouvelle minisérie de trois épisodes diffusée du 27 juillet au 10 août sur les ondes de BBC Two en Angleterre. L’action nous transporte au début du XXe siècle alors que la peintre Vanessa (Phoebe Fox) et l’écrivaine Virginia (Lydia Leonard) Stephen, deux sœurs issues d’un milieu aisé, viennent tout juste de perdre leurs parents. Artistes dans l’âme, elles vont vite s’affranchir des conventions et avec des proches, elles forment ce qu’on a appelé le « groupe Bloomsbury » (qui a réellement existé) composé d’artistes dont certains ont fortement marqué leur époque dans une discipline ou une autre. Liberté des mœurs, mais surtout liberté sexuelle qui est au cœur de ce qui nous est exposé durant les trois heures de la série, Life in Squares rate avec brio tout ce qu’elle aurait pu accomplir : qu’il s’agisse de nous faire connaître les personnages et du contexte dans lequel ils ont évolué. Et quant au passage à l’autre génération, autant il se révèle maladroit qu’il forme une véritable cassure narrative.
Ni « torride », ni instructif
C’est donc en 1905 que les deux sœurs se retrouvent maîtresses de leur destiné pour ainsi dire et leur premier geste est de jeter leur corset par la fenêtre, ce qui en dit long sur leur état d’esprit. Puis, c’est aux funérailles de leur paternel qu’elles font la connaissance du critique d’art Clive Bell (Sam Hoare), de l’économiste Maynard Keynes (Edmund Kingsley), du peintre Duncan Grant (James Norton) et de son cousin l’écrivain Lytton Strachey (Ed Birch). La chimie, autant intellectuelle que sexuelle, opère rapidement au sein du groupe si bien qu’on assiste à de nombreux rapprochements : alors que Duncan multiplie les aventures homosexuelles, Vanessa épouse éventuellement Clive de qui elle aura un fils et quant à Virginia, elle épouse l’éditeur Leonard Woolf (Al Weaver). Éventuellement, tous ces individus (auxquels s’en ajouteront d’autres) finissent par vivre sous le même toit dans un genre de commune avant l’âge et vraisemblablement à l’abri des problèmes que vit le monde extérieur comme la Première Guerre mondiale ainsi que la crise économique de 1929. Entre temps, les couples se défont et se refont et au troisième épisode, on nous transporte en 1937 alors qu’ils ont tous pris un coup de vieux et la même chose s’applique à leurs idéaux.
Bien franchement, Life in Squares a beau ne durer que trois épisodes, reste que c’est une série qui nous semble durer une éternité pour toutes sortes de raison, la première étant le traitement que l’on réserve à ces personnages qui ont tout de même marqué dans une certaine mesure leur époque. Or, la campagne médiatique, orchestrée ou non par la BBC nous amène sur un tout autre terrain. En date du 20 juillet, on pouvait lire sur la version du Daily Mail en ligne :« I’ve had a lot of s***ging to do!’ Star of BBC2’s raunchy new Bloomsbury drama claims it is all about love (even if it does have SIX sex scenes in episode one) ». Au cours de l’article, on revient plusieurs fois sur ce thème et en même temps, le journaliste n’a pas tort puisque qu’on a décidément décidé de mettre l’emphase sur les chassés-croisés amoureux des protagonistes, mais de là à parler de « scènes de sexe torrides », il ne faut pas avoir vu grand-chose d’osé à l’écran : les protagonistes s’embrassent beaucoup, mais c’est sous une pile de draps opaques. Bref, rien pour créer une quelconque controverse.
Et justement, la quasi-totalité des intrigues est concentrée sur la gamme de sentiments éprouvés par des protagonistes qui pourtant se sont démarqués au fil des ans sur la scène artistique. Mis à part Vanessa, on ne s’intéresse qu’en surface aux professions des autres protagonistes, ce qui est assez honteux lorsqu’on pense que le destin de l’auteure Virginia Woolf est à peine évoqué.
La mise en scène reflète ce choix scénaristique qui est de se concentrer sur les couchettes des personnages puisqu’ils sortent très peu de leur résidence. Certes, cela peut s’expliquer par un manque de budget de la production, mais ça a aussi pour effet de transformer la série en une sorte de télé-théâtre d’un autre âge. On parle de certains bouleversements sociaux, mais on ne les voit pas les vivre et c’est à peine si on entend en bruit de fond quelques tirs de canons dans la période couvrant 1914-18.
19 ans plus tard
James Norton & Rupert Penry-Jones incarnant tous deux le même personnage
Life in Squares débute en 1905 et supposons que la plupart des personnages ont 20 ans. Dans les deux premiers épisodes, on couvre grosso modo une période de temps s’étendant jusqu’en 1918, ce qui les amène à leur 37e année. Puis, à l’épisode final, on se retrouve en 1937, et ils ont maintenant 56 ans. C’est à cet âge qu’on a décidé de changer complètement le casting de la série par des acteurs plus âgés. Cette décision n’a fait aucun sens. Life in Squares n’est pas la première série anthologique; récemment, on n’a qu’à penser à Olive Kitteridge (HBO) où l’on vieillissait l’actrice grâce au maquillage. Pourquoi n’a-t-on pas fait de même avec la série de BBC Two? Change-ton tant que ça de la fin trentaine à la mi cinquantaine? Non seulement on ne reconnaît plus les personnages, mais le casting ne fait pas plus de sens. Par exemple, l’interprète (jeune) de Duncan est James Notron âgé actuellement de 30 ans. Son « double », plus vieux est Rupert-Penry Jones, 45 ans, mais qui pourrait passer pour beaucoup plus jeune. Les deux acteurs ne jouent pas de la même façon, ce qui est compréhensible, ce qui peut s’appliquer à tout le nouveau casting. Et voilà que le peu d’attachement que l’on éprouvait à l’égard des protagonistes s’envole en fumée.
2,28 millions de téléspectateurs ont regardé en direct le premier épisode de Life in Squares, lequel s’est classé sixième dans le top 30 de la semaine. On ne sait s’il faut simplement l’imputer au changement d’acteurs, mais il ne restait plus que 760 000 fidèles pour la finale. Les causes de cette désertion ne manquent pas et on a surtout raté une opportunité de nous faire connaître ces gens influents dans plusieurs sphères de la société. Outre Partners in Crime diffusé dans les mêmes dates, le bilan estival de la BBC n’a rien de bien reluisant. À suivre…