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Renaissance d’un métier: rembourreur

Publié le 21 août 2015 par Raymond Viger

restauration vieux meublesÀ l’École des métiers du meuble de Montréal, son directeur, Gérald Guérin est pour le moins occupé: «Le téléphone sonne tout le temps», explique-t-il. Entre particuliers et administrations qui veulent restaurer des meubles et vieux maîtres à la recherche de relève, il n’y a pas de quoi s’ennuyer.

Dans la plupart de nos maisons, les meubles proviennent d’Ikea et pour ceux d’entre nous qui ont des héritages familiaux, ils apprécient de les restaurer pour leur offrir une seconde jeunesse.

Dans l’atelier de l’École des métiers du meuble, tous s’affairent à leur ouvrage. C’est une explosion de couleurs et de textiles. Slalomant entre les tables et discutant avec les élèves, Dominique Piquet leur professeure, leur apprend à développer leur propre compréhension des matériaux.

Le rembourreur, maillon complémentaire des ébénistes et autres artisans du meuble, rembourre et recouvre de tissu (entre autres matières) les meubles.

Renaissance d’un art

«Les métiers du meuble sont cycliques, mais restent toujours», explique Gérald Guérin. Dans son école, le nombre d’élèves ne cesse de progresser; et leur profil de changer. Jusque tout récemment, l’âge moyen des étudiants était de 33 ans. «Il s’agissait de réorientation», explique la professeure Piquet.

Venant d’horizon divers tel que la coiffure, la mécanique ou le tourisme, ils ont en commun la passion du travail manuel.

«Et c’est passionnant, explique Dominique Piquet, car le jeune homme venant de mécanique a une grande précision et une minutie venant de sa précédente carrière; alors que la jeune femme venant de coiffure à un sens esthétique très développé. Cela donne des classes très intéressantes.»

Mais depuis un an ou deux, l’âge de ses futurs rembourreurs diminue pour atteindre la mi-vingtaine. Pour cette école habituée à former des adultes, un changement doit s’opérer: «Il faut davantage les encadrer, ponctue Gérald Guérin. C’est peut-être dû à toutes ces émissions de télé de décoration. Elles montrent à ne pas jeter et à réparer.»

Une chose est sure, le métier de rembourreur revient au goût du jour.

Art qui s’expose
Artisanat québécois

À 33 ans, Isabelle de Repentigny est une rembourreure de plusieurs années d’expérience qui expose pour la 1re fois en 2014. Avec son collier en cerise et ses allures de mannequin des années 50, on a du mal à l’imaginer dans un atelier. Et pourtant, le résultat est bluffant.

Divan avec dossier géant et tableaux de graffiti encastrés, petit fauteuil en cuir rouge verni, ensemble de salon printanier avec photo avant/après, sans oublier un ensemble de chambre (lit et tables de chevet) fait avec le bois de sa ferme familiale à Ste-Barbe.

Isabelle est une rembourreure pour le moins polyvalente et particulière. Pour elle, la passion se déclara à 17 ans, où elle fit une chaise pour un cours d’art plastique. Ce fut le début d’une révélation. Elle choisit dans un premier temps de s’orienter vers la menuiserie, mais les lames, la pollution et le danger la poussèrent à se tourner vers le rembourrage.

Après plusieurs années d’aller-retour dans l’aviation pour faire des sièges de jet privé, elle décide de revenir à son compte. Sa clientèle se bâtit progressivement par le bouche-à-oreille. Grâce à son côté ébéniste, elle peut modifier la structure des meubles, tout en accomplissant son travail de rembourrage.

Ce métier pour Isabelle, c’est donner une seconde vie. À côté de cela, elle peut laisser son esprit créatif prendre le dessus pour réaliser des meubles exclusifs et uniques, à son image. Elle laisse libre cours à son imagination et invite d’autres artisans à participer à ses créations.

«Je n’aime pas restreindre et être restreinte. Mais j’aime beaucoup les contrastes, c’est pour cela que j’invite d’autres personnes dans mes créations», précise-t-elle. Alors, pour un superbe sofa, elle a fait appel à un artisan pour réaliser les bras. Sans aucune consigne, la jeune femme a laissé le forgeron s’approprier le travail pour réaliser une œuvre à 4 mains.

Second souffle

Tout comme Isabelle, l’École des métiers du meuble de Montréal favorise les échanges et les partenariats entre ses élèves, notamment entre les branches de rembourrage et d’ébénisterie.

Contrairement à ces derniers, le métier de rembourreur ne se voit pas influencé par la modernité. Les ordinateurs n’ont aucune utilité dans un atelier, et seules la pratique et l’expérience des matériaux comptent. Le rembourrage reste d’ailleurs un métier qui nécessite un maître.

Grâce aux différents stages, les jeunes apprennent aux côtés de vétérans et surtout se voient l’opportunité de débouché à la fin de leurs études. Il faut dire que le taux de placement est pour le moins intéressant avec 100% d’emploi pour les finissants (selon Métiers Québec).

Certains peuvent continuer auprès de maîtres, racheter leur entreprise ou créer la leur. Enfin, quelques autres choisissent de développer une stratégie de niche comme dans… les cercueils ou les niches animales! Il suffit d’imagination, on vous dit!

Pour les demoiselles qui seraient intéressées par la profession, il est bon de tuer un mythe: le rembourrage ne nécessite pas une grande force physique; et pour certaines situations inévitables (comme le déplacement du meuble), l’ingéniosité pallie au manque de force.

Pour preuve, si officiellement dans les statistiques la profession est à plus de 80% masculine, la tendance s’inverse dans les écoles.

Alors, si vous avez de vieux meubles à la maison, n’hésitez pas à vous tourner vers l’artisan près de chez vous. Qui sait, il pourrait vous surprendre et vous ramener un meuble totalement différent.

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