#insectes #biodiversité
23.08.2015
Pia Addison Maître de conférence Traduit par Alexandre Lassalle
Des coccinelles à profusion | Steve Jurvetson via Flickr CC License by
De nombreuses choses que nous considérons comme allant de soi seraient différentes si les insectes n’existaient pas.
À ce jour, un peu moins d’un million d’espèces d’insectes, soit tout de même plus de la moitié du total des espèces connues, ont été identifiées. On considère cependant que leur nombre global serait compris entre quatre et six millions, selon les estimations les plus réalistes, voire jusqu’à quatre-vingts millions, selon les plus fantaisistes. Mais parce que les insectes évoluent sans cesse, nous ne pourrons jamais connaître leur nombre exact.
Ce n’est pas tout: si tous les insectes de la planète étaient réunis, ils pèseraient plus lourds que l’ensemble des êtres humains. En effet, on estime que leur biomasse totale serait 300 fois plus importante que la nôtre. Et, à elles seules, les fourmis et les termites totaliseraient un poids supérieur à celui de l’humanité entière. Ce ne sont bien sûr que des estimations, puisqu’en l’absence de données fiables les mesures de la biomasse des insectes restent sujettes à caution.
Ce que l’on sait en revanche avec certitude, c’est que les insectes sont caractérisés par trois paires de pattes, deux paires d’ailes (parfois minuscules ou absentes) et un corps divisé en trois segments: tête, thorax et abdomen. Autre point commun: ils changent d’apparence au cours de leur développement lors d’un processus appelé métamorphose.
On sait aussi que de nombreuses choses que nous considérons comme allant de soi seraient différentes si les insectes n’existaient pas.
Chaîne alimentaire
Sans les insectes, nos ressources alimentaires seraient en effet fortement réduites: sans ces formidables pollinisateurs, notre développement agricole aurait été compromis et certains produits, comme la soie et le miel, n’existeraient tout simplement pas. Avec très peu de fruits et de légumes frais à notre disposition, nous souffririons de nombreuses carences.
La chaîne alimentaire serait aussi bien différente: il n’y aurait ni oiseau, ni aucun des autres animaux se nourrissant d’insectes.
Le monde serait couvert de matières organiques en décomposition
Encore plus grave: le monde serait littéralement couvert de matières organiques en décomposition. Il en résulterait une complète dégradation des sols et toute vie serait alors amenée à disparaître.
Et si l’humanité était toujours en vie en dépit de tout cela, notre créativité s’en trouverait ébranlée. Les insectes sont en effet une source d’inspiration inépuisable pour les peintres, les cinéastes et les documentaristes, mais aussi pour les ingénieurs et les scientifiques à la recherche de moyens d’être plus efficaces et plus respectueux de l’environnement dans notre vie quotidienne.
Mécanismes de survie
Le plus petit insecte identifié à ce jour est une guêpe parasite mesurant à peine 139 micromètres. Comme de nombreux de ses congénères, elle n’est bien sûr pas visible à l’œil nu. Car les insectes se trouvent partout, même à l’intérieur des graines, des plantes, des fleurs ou du sol. Ils peuvent parasiter d’autres insectes se nourrissant de plantes. On trouve même des insectes dans les insectes parasitant ceux qui mangent les végétaux.
Ils savent s’adapter aux changements de l’environnement. Tout en possédant des systèmes sensoriels bien structurés et comparables à ceux des vertébrés, ils sont en effet souvent dotés de cycles de vie extrêmement courts: la drosophile, le puceron et le moustique peuvent, par exemple, passer de l’œuf au stade adulte en moins de sept jours. Ils sont ainsi capables d’évoluer bien plus vite que d’autres animaux aux cycles de vie plus longs.
On trouve même des insectes dans les insectes parasitant ceux qui mangent les végétaux
C’est la raison pour laquelle les insectes peuvent devenir résistants aux insecticides si rapidement. Par exemple, les mouches ont su développer une résistance au DDT dès 1947, soit huit ans à peine après sa création.
Aujourd’hui, les insectes sont exposés à un grand nombre de produits chimiques. Il en résulte donc une plus grande pression de sélection leur permettant d’acquérir encore plus rapidement une résistance aux insecticides.
Avantages reproductifs
On sait depuis longtemps que les insectes ont établi des relations complexes avec les végétaux et les autres insectes. Ils savent notamment évoluer au même rythme que les plantes. Et cette coévolution dure depuis près de 360 millions d’années, au moment où les premiers insectes sont apparus, soit une période considérablement plus longue que celle qui nous sépare de l’apparition des premiers Homo erectus il y a 2 millions d’années.
Leur capacité à voler est un autre de leurs atouts majeurs: ils peuvent ainsi facilement coloniser de nouveaux espaces, échapper aux dangers ou atteindre de nouvelles sources alimentaires. L’insecte le plus rapide est un taon pouvant atteindre 145 km/h. Et le recordman du battement d’ailes, un moucheron, est quant à lui capable d’effectuer, grâce à des contractions musculaires asynchrones, jusqu’à 1.046 battements par seconde. À titre de comparaison, le record détenu dans le monde aviaire par l’oiseau mouche est de cinquante-cinq battements par seconde.
Les insectes ont également la chance de posséder des squelettes externes, et non internes. Ces solides armures servent de point d’attache aux muscles et les protègent contre la déshydratation et les toxines. Pour les mieux armés, comme les scarabées qui font partie des insectesles mieux développés, cet exosquelette constitue une excellente protection contre les prédateurs.
145 km/h La vitesse atteinte par l’insecte le plus rapide, un taon
Pour des raisons qui restent encore mystérieuses, les scarabées forment d’ailleurs l’une des catégories d’insectes les plus diverses, avec des épines et d’autres éléments étranges leur offrant des mécanismes supplémentaires de défense et de camouflage.
Autre avantage: les insectes sont capables de changer radicalement d’apparence au cours de leur vie. Dans leur stade immature, les papillons ressemblent à des vers. Ils se transforment ensuite en nymphes avant d’acquérir des ailes. Une fois adultes, les papillons et les mites ne se nourrissent que très peu: ils n’ingurgitent souvent qu’un peu d’eau ou de nectar.
De nombreux insectes adultes ne possèdent d’ailleurs même pas d’organe buccal, ce qui représente un avantage évolutif dans la mesure où ils n’entrent pas en compétition avec leur progéniture pour l’alimentation: ils exploitent également d’autres habitats, ce qui leur confère un avantage reproductif non négligeable.
Cet article est paru en anglais sur le site The Conversation le 13 août 2015.
Pia Addison http://www.slate.fr/story/105601/sans-insectes-fin-du-monde#xtor=RSS-2