Tête de liste EE-LV aux régionales en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Sandrine Rousseau revient sur sa stratégie d’alliance avec le Front de gauche, les critiques de Jean-Vincent Placé, et le bilan des journées d’été du parti écologiste.
Le 5 mai 2013, Front de gauche et écologistes manifestaient ensemble pour la 6e République (Charles Platiau/Reuters
Alors que s’achèvent les Journées d’été d’Europe Ecologie-Les Verts, Jean-Vincent Placé et d’autres élus écologistes voient d’un mauvais oeil l’alliance avec le Front de gauche qui se profile en Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Le sénateur EE-LV a menacé de quitter son parti le cas échéant. Sandrine Rousseau, candidate EE-LV à la présidence de la région, répond aux critiques, tire le bilan des journées d’été, et définit la stratégie nationale des écologistes, à l’approche de la Cop21.
Vous êtes favorable à une alliance au premier tour avec le Front de gauche en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, plutôt qu’avec le PS. Les militants voteront le 12 septembre pour en décider. Pourquoi cette préférence ?
Sandrine Rousseau – La région Nord-Pas-de-Calais-Picardie est une terre de gauche depuis toujours. Elle a même été la seule à ce jour à avoir une présidente écologiste, et on m’en parle encore aujourd’hui ! Cette région doit rester à gauche, et redevenir écologiste.
Et pour cela, nous devons être sincères envers les citoyens. Avec le Front de gauche, il existe de nombreuses convergences pour mettre en œuvre un projet ambitieux qui garantisse un changement de cap, un changement de braquet. Ce projet met la planète et l’humain au cœur de toutes nos décisions. Il est urgent de renverser la table et de ré-enchanter le peuple de gauche.
Depuis la victoire d’Eric Piolle à Grenoble en 2014 avec une liste Rouge-Verte, EE-LV opte de plus en plus souvent pour ce type d’alliances (comme aux départementales). Que vous inspire l’exemple de Grenoble ?
Ce que j’ai admiré chez Éric Piolle, c’est sa capacité à donner envie de politique aux Grenoblois. Il a réussi à créer une forme d’émulation et d’enthousiasme. C’est précisément de quoi nous avons besoin dans ces élections régionales. Et on voit que ses décisions, comme celle de supprimer la publicité dans les espaces publics, ne sont prises nulle part ailleurs et créent de l’adhésion. Elles prouvent que la volonté politique peut inspirer et changer la vie des citoyens.
Avec @EricPiolle, notre maire écolo de Grenoble, qui soutient @sandrousseau en #NPDCP. #EELV pic.twitter.com/bC13TV1IgL— Rousseau 2015 (@Rousseau2015) 21 Août 2015
Denis Baupin, Jean-Vincent Placé et Barbara Pompili vous appellent à la “responsabilité” dans une tribune, car il y a un risque de victoire du FN dans votre région. Que leur répondez-vous ?
Je réponds que, comme un lapin paralysé par les appels de phare du FN, la peur est la pire des conseillères. Face à la montée du Front national, notre devoir est de créer une offre politique séduisante et audacieuse pour les habitants de notre nouvelle grande région. Les forteresses d’étiquettes politiques ne fonctionnent pas face au Front national. Plutôt que la peur, il faut au contraire s’ouvrir, débattre, dialoguer, sans oukases ni procès d’intention.
Jean-Vincent Placé menace de quitter EE-LV si le vote du 12 s’oriente vers une alliance avec le Front de gauche. Et il semble se rapprocher du Front démocrate de Jean-Luc Benhamias. Votre parti est-il au bord de l’explosion ?
Ce sont surtout des aventures individuelles, et je ne peux que regretter de voir des amis prendre cette voie, parfois avec outrance. Mais c’est précisément dans la tempête qu’il ne faut pas lâcher le gouvernail. Nous avons eu de nombreux temps de débats internes, et externes. Des militants ont produit un travail de fond important pour analyser la situation, sans peur ni précipitation. Nous attendons de Jean-Vincent mieux que des petites phrases. Je l’invite donc à rencontrer les militants de ma région et à leur présenter ses arguments factuels et étayés. Car c’est à eux, et à eux-seuls, que revient cette décision !
Ces journées d’été devaient permettre de cicatriser les plaies d’Europe Ecologie et aujourd’hui on a surtout l’impression qu’elles ont été ravivées. Cette rentrée politique est-elle un échec ?
Non on ne peut pas qualifier ces journées d’été d’échec. Les militants sont d’ailleurs venus en nombre, de partout, débattre et partager. Dans aucun des cent ateliers, forums ou plénières les mots “scission” ou “démission” ont été utilisés. J’ai aussi pu mesurer l’immense volonté des militants et adhérents de faire campagne pour faire gagner l’écologie dans nos régions. A côté du landerneau des petites phrases, il y a un parti au travail, convivial, qui a pris plaisir à se retrouver à Lille.
En une, le quotidien Libération a récemment posé la question de votre utilité politique alors que vos idées ont gagné les consciences mais que votre parti semble voué à une inexorable régression. Qu’en pensez-vous ?
Aux débuts des années 80, deux partis politiques ont émergé : Les verts et le FN. 30 ans après, nos idées ont bien sûr progressé, et ont infusé dans la société. Mais le FN connaît aujourd’hui des résultats bien supérieurs. Et cela doit nous interroger. Nous avons certainement loupé collectivement des tournants importants, et nous avons sans doute une part de responsabilité par nos divisions et notre discours parfois trop jargonnant. Mais non, rien n’est inexorable, nous sommes mêmes les seuls à porter la réponse aux causes du vote FN. Et je compte bien en faire la démonstration pendant cette campagne des régionales.
La tenue de la COP21 à la fin de l’année ne devrait-elle pas plutôt avoir pour effet d’unir les écologistes ?
Tout écologiste qui mesure les enjeux de civilisation que représente la menace climatique, doit mettre querelles et désaccords de côté. Un échec est interdit à Paris, aucun écologiste ne souhaite revivre le traumatisme de Copenhague. Je ne doute pas de la volonté de chacun d’entre nous pour que les écologistes contribuent de tout leur poids au succès de la COP. Et je sais que cet objectif ne fait pas débat au sein de notre famille politique.
Barack Obama souhaite faire de l’écologie la priorité de sa fin de mandat. Croyez-vous à ses engagements ?
Oui, j’y crois. D’abord parce que sa fin de mandat va le délivrer du poids de certains lobbys qui oeuvrent pour que rien ne change. De plus, Obama mesure l’incroyable potentiel de la transition énergétique, en terme de souveraineté énergétique comme de potentiels viviers économiques. Obama ne veut pas être dépassé par la Chine en matière d’innovation énergétique. Et la Californie lui en donne le parfait exemple chaque jour. Mais comme pour François Hollande, ses discours doivent aussi trouver rapidement un écho dans ses actes ! Obama vient encore d’autoriser Shell à forer au large de l’Alaska, c’est une erreur.
Le changement climatique nous offre finalement une chance importante : celle de réinterroger notre modèle économique, nos modes de production, pour les rendre plus écologiques mais aussi plus justes et finalement plus efficaces.
Que pensez-vous de la candidature de Bernie Sanders, le candidat démocrate plus écolo-friendly qui semble aujourd’hui dépasser Hillary Clinton dans les intentions de vote ?
Que l’écologie soit au cœur de la campagne américaine est une excellente nouvelle pour la planète. Les États Unis sont parmi les plus gros pollueurs. Et obliger Hilary Clinton à prendre des positions ambitieuses et faire de l’écologie le moteur de la victoire est vraiment très intéressant. Et c’est une exigence de notre temps, ici…comme ailleurs.
Propos recueillis par Mathieu Dejean le 22 août 2015
http://www.lesinrocks.com/2015/08/22/actualite/sandrine-rousseau-ee-lv-avec-le-front-de-gauche-il-existe-de-nombreuses-convergences-11768656/