Le véritable exploit est de s’en sortir… arriver à ne pas alimenter cette machine inhumaine qui institutionnalise les humains après une trop longue période d’incarcération.
Comment y arrive-t-on? Je ne sais même pas si je peux me cataloguer dans ceux qui ont réussi, même aujourd’hui. Car, je dois admettre que les idées noires reviennent vite à la surface lorsqu’un rigolo ne connaissant pas notre parcours vient nous provoquer tel un vilain corbeau qui picote le pied de l’éléphant.
L’envie quasi jouissive d’écrabouiller cette volaille nous traverse d’abord l’esprit, puis on inspire profondément en faisant appel à notre raison. Ce besoin, presque instantané de réagir avec une violence inouïe vis-à-vis de ceux qui nous turlupinent d’un peu trop près, représente un obstacle beaucoup plus haut à surmonter que les clôtures pénitentiaires. L’incarcération développe des mécanismes de survie qui ne sont pas communs à la civilisation extérieure.
Il faut, au prix d’efforts constants, se tempérer lorsque des situations semblables se présentent. Ce qui fut si difficile à admettre et à intégrer comme mode de vie pour un bagnard doit être absolument (et coûte que coûte) déprogrammé et remplacé par des solutions de rechange.
Prendre un coup, se saouler la gueule, fumer un joint ou absorber toutes formes de drogues peut prévenir un dérapage aux conséquences mortelles.
Malheureusement, la grande majorité de ceux qui sont en libération conditionnelle ne peuvent utiliser ces moyens de décompression discutables, mais tout de même efficaces. Ils sont pris entre deux feux: celui d’être réincarcéré pour avoir pris un décompressant ou respecter le règlement et éventuellement sauter les plombs.
Je ne sais pas comment font ceux qui subissent du stress et qui disent ne pas consommer d’opiacés ou d’alcool… Ils doivent pratiquer le tai-chi en masse, j’imagine.
Rare, je dis bien très rare, sont ceux qui parviennent à échapper à ces réactions après une longue détention.
Vous pouvez sortir le gars de la prison, mais la prison habituellement ne sort jamais du gars. Cela n’est pas impossible, mais les efforts à consentir pour y arriver sont si grands qu’ils vous consument de l’intérieur sans que personne autour de vous ne réalise à quel point cela est contre votre nature.
Il m’a fallu, et me faut encore, beaucoup d’introspection pour ne pas déconner. J’ai parfois l’impression que malgré tout ce que je peux posséder aujourd’hui, après seulement quelques années d’air libre, un démon me guette prêt à me tendre toutes les perches possibles pour m’enfoncer.
J’apprends graduellement, individuellement, très discrètement, et encore plus humblement à me féliciter de toutes les fois où j’aurais tant voulu comme l’éléphant écraser ces corbeaux de malheurs.
L’amour que me portent mon prochain, ma conjointe et tous ceux qui m’inspirent par leur bonté m’aide énormément. Il n’en reste pas moins que c’est encore un combat quotidien pour réussir à garder cet être amoureux qui veut juste se sentir aimé et désiré.
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Les livres de Colin McGregor
Journaliste dans divers médias à travers le pays; Halifax Daily News, Montreal Daily News, Financial Post et rédacteur en chef du Montreal Downtowner. Aujourd’hui, chroniqueur à Reflet de Société, critique littéraire à l’Anglican Montreal, traducteur et auteur aux Éditions TNT et rédacteur en chef du magazine The Social Eyes.
Parmi ses célèbres articles, il y eut celui dénonçant l’inconstitutionnalité de la loi anti-prostitution de Nouvelle-Écosse en 1986 et qui amena le gouvernement à faire marche arrière. Ou encore en Nouvelle-Écosse, l’utilisation répétée des mêmes cercueils par les services funéraires; scoop qui le propulsa sur la scène nationale des journalistes canadiens.
Love in 3D.
Enjoy our tale of the quest, the human thirst, to find light from within the darkness.
This is a tale for everyone, young and old, prisoner and free.
Love in 3D. Une traduction de L’Amour en 3 Dimensions.
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