AMANDINE CAILHOL25 AOÛT 2015
Un agriculteur avec le drapeau de la FNSEA, à Fontenay le Pesnel (Calvados), le 19 juillet. (Charly Triballeau.AFP)
La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles n'est pas la seule organisation syndicale du secteur. D'autres proposent des solutions inédites à la crise agricole mais ne bénéficient pas du même accès aux salons de l’Elysée.Ils étaient trois à l'écouter. Lundi, Xavier Beulin, le patron de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), était reçu à l'Elysée par François Hollande en personne, le Premier ministre, Manuel Valls, et le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll. L'occasion pour la FNSEA, six mois seulement après la dernière rencontre officielle entre l'homme fort du syndicat et François Hollande, deréclamer un chèque de 3 milliards d’euros pour «permettre à l’agriculture française de retrouver de la compétitivité face à ses voisins européens». Et de se faire entendre, à en croire la réponse du ministre de l'Agriculture, qui s'est empressé de promettre «une rallonge». De quoi conforter le modèle défendu par la FNSEA, celui d'une agriculture à tendance productiviste, tournée vers l'exportation et les économies d'échelle, régulée à l'échelle européenne, mais laissant suffisamment de marges de manoeuvre aux agriculteurs pour se positionner sur les marchés mondiaux.
Totalisant, avec les Jeunes Agriculteurs (JA), sa branche des moins de 35 ans, plus de 55 % des suffrages exprimés aux dernières élections des chambres d’agriculture, la FNSEA est le syndicat majoritaire. Mais, longtemps unique interlocuteur de l’exécutif, elle doit désormais composer avec d’autres organisations syndicales. Car depuis 1981, le pluralisme syndical s’est progressivement imposé dans l’agriculture.
Fini donc la cogestion et le mythe de l’unité paysanne ? Pas si sûr. Car si la FNSEA bénéficie d'une oreille attentive de l'éxécutif, les autres forces syndicales agricoles françaises, elles, ne sont pas toujours reçues avec autant d'attention. Tour d'horizon de ces syndicats dans l'ombre de la FNSEA, et des solutions qu'elles voudraient bien glisser à l'oreille du gouvernement.
LA COORDINATION RURALE (CR)
Il faut remonter au 25 septembre 2013 pour trouver trace du dernier rendez-vous de la Coordination rurale avec le président de la République. Et la précédente rencontre du syndicat avec Le Foll remonte au 7 juillet 2015.
Face à la crise, le syndicat plaide pour une réforme immédiate de la politique agricole commune (PAC). Selon lui, le retour à un marché stable au niveau de l'Union européenne passe par une préférence communautaire en matière d’agriculture, intégrant des mesures de régulation aux frontières. Ses responsables s’opposent à une agriculture tournée vers l’exportation. C'est même «une aberration», selon Bernard Lannes, son président. Ce qui l’éloigne de la position de la FNSEA. Mais la Coordination rurale ne croit pas pour autant au modèle de l’agriculture paysanne de proximité qui «ne peut représenter qu’une niche. Il y aura toujours une production de masse, cela ne veut pas dire que c’est dégeulasse. Les "mille vaches", ce n'est pas notre modèle, mais cela reste une partie des solutions», poursuit Lannes. Autre critique formulée par le syndicat, celle à l'encontre des normes environnementales, jugées responsables des pertes de marges, et dont il demande la suppression. Un point qui le rapproche de la FNSEA.
Créé en 1992, en opposition à la réforme de la politique agricole commune (PAC), le syndicat se fonde autour du slogan «Des prix, pas des primes». Il affiche un score de 21,1 %. Présenté comme apolitique, le syndicat tend clairement vers la droite. Voire vers l'extrème-droite, selon certains observateurs. Mais la Coordination rurale s'en défend et s'est même fendue, en 2012, d’une lettre demandant à Marine Le Pen «de ne plus tenter d’associer [le] syndicat à [son] parti politique».
LA CONFÉDÉRATION PAYSANNE (CP)
Côté Confédération paysanne, un rendez-vous avec François Hollande «demandé il y a près de trois semaines» est prévu jeudi. «Mais il n’est toujours pas inscrit à l’agenda présidentiel», se désolait, lundi soir, le syndicat, avant que l'Elysée ne l'ajoute, mardi matin.
Dans une interview à Libération, lundi, Laurent Pinatel, le porte-parole de la Confédération paysanne, expliquait que la fin de la crise agricole passait par la relocalisation et la déconcentration des productions. Sur le plan européen, le paysan plaide, à l’instar de la FNSEA, pour un mécanisme de stockage des marchandises pour faire remonter les cours. Mais lorsqu’il propose de «redistribuer les aides pour inciter les agriculteurs à vivre sur des volumes de production plus modestes mais qualité», il s’éloigne clairement des pistes de Beulin, dont il pointe la «doctrine libérale». La résolution durable de la crise est donc possible pour la Confédération paysanne, à condition de «stopper net la politique de libéralisation délibérée qui a poussé au surendettement» ou encore de rompre avec «le mirage de l’export».
Etiquettée à gauche, la Confédération paysanne est proche des mouvements altermondialistes et écologistes. Fondé en 1987, le syndicat de l'«agriculture paysanne et la défense de ses travailleurs» propose une «alternative réaliste à un modèle d’agriculture industrielle qui élimine trop de paysans et de structures agricoles diversifiées». Avec ses 19,7 % de voix, il se bat contre la course à la compétitivité, l'agriculture intensive ou encore le modèle de la ferme des mille vaches.
LE MOUVEMENT DE DÉFENSE DES EXPLOITANTS FAMILIAUX (MODEF)
Une demande officielle de rendez-vous avec le Président est en cours, «mais pour le moment, il n'y a pas de réponse de la part de l'Elysée», note le syndicat. Dernière rencontre avec le chef de l'Etat : «Il y a un peu plus d'un an.»
Pour le Modef, la résolution de la crise agricole actuelle passe par l’exemption agricole des règles de la libre concurrence au niveau européen et des «mesures législatives de fixation de prix minimum garantis rémunérateurs pour les produits d’élevage assorties d’un coefficient multiplicateur entre les fournisseurs et la grande distribution». De quoi assurer le«maintien sur les territoires d'une agriculture rémunératrice, solidaire, durable et responsable».
Egalement opposé à l’industrialisation de l’agriculture et à la ferme des mille vaches, le Modef, qui ne dépasse pas les 2 %, est favorable au «partage des richesses créées». Pour ce petit syndicat créé à partir de 1959 par des communistes et des militants de gauche, l'«agriculture doit être productive et non productiviste, économe en énergie en eau avec des productions adaptées au climat, au sol et à la topographie, agronomique pour ne pas épuiser les sols et polluer les eaux, diversifiée et non spécialisée».
Amandine CAILHOL
http://www.liberation.fr/economie/2015/08/25/syndicats-agricoles-la-fnsea-et-les-autres_1368587