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Le parfum d'une civilisation

Par Francis Lo @FrancisLO_ecolo
Le parfum d'une civilisation

Prenons notre respiration, franchissons la porte pour entrevoir le derrière de notre civilisation et humer son parfum. Mon ami poète, Antonin Artaud annonce la couleur :

" Là où çà sent la merde, çà sent l'être. "

François Cavanna définit notre civilisation ainsi : " ... une jolie fille, pomponnée et maquillée, assise sur un tas de merde ", alors quand on y songe, juste un court instant pour ne pas succomber à l'asphyxie, l'effroyable vision devient psychédélique : une montagne de merde de plus de sept milliards de personnes, demain neuf ou plus encore, supplante le mont Everest !

Le parfum d'une civilisation

Nous respirons, nous mangeons, nous produisons ... et nous déféquons tous de manière "durable" - ce qui est préférable, sinon il nous faut consulter. On reste songeur devant la fatuité de l'homme qui considère essentiellement le monde du point de vue de son bien-être et s'empresse de tirer la chasse pour oublier cette chose que nous appelons déjection, excrément, étron, sentinelle, comme s'il s'agissait d'un méfait qu'il faut détruire, éliminer immédiatement de notre vue.

Georg Groddeck confirme : " Il y a trois choses qui nous accompagnent jusqu'à la mort : le sang, l'urine et les excréments. "

L'humain fait partie de la biosphère, comme dit Lavoisier, rien ne se perd, tout se transforme. Notre matière fécale n'est pas un déchet en soi, c'est un élément issu de la transformation inscrit dans une succession naturelle où des bacilles subtils interviennent dans votre processus intestinal grâce à un ensemble de micro-organismes indispensables à votre santé, en somme un véritable écosystème.

parfum d'une civilisation

Les matières fécales humaines, tout autant qu'animales, constituent une biomasse, or dans la plupart des pays développés, elles sont rejetées à l'aide d'une chasse d'eau : une aberration. Nos selles viennent souillées l'eau douce et de surcroît souvent potable ; nous commettons là un " eaumicide ".

Les eaux usées qualifiées de " noires " - un méli-mélo de matières fécales et d'urines - sont envoyées vers d'immenses usines dont le coût, quelques fois est pharaonesque. Notre taxe d'habitation est alourdie pour les traiter et les rendre propres à la nature - enfin à peu près propres car contraceptifs féminins, antibiotiques et autres substances médicamenteuses se retrouvent dans nos circuits de distribution malgré tous les efforts pour traiter.

Paul-Émile Victor ironise : " L'eau que vous buvez a été pissée six fois par un diplodocus. ", et combien de fois par un homme ou une femme ? Pensons-y quand nous avalons un grand verre d'eau fraîche du robinet, horrifiés de savoir par le nombre de " trous du cul " qui ont souillé cette eau, si précieuse !

Le parfum d'une civilisation
Il existe d'autres alternatives avec la technologie qui a progressé, capable d'apporter des solutions novatrices efficaces plus respectueuses de l'environnement, et ce sans retourner au petit coin connu des générations passées : une cabane au fond du jardin, éloignée pour éviter mouches et odeurs.

Nous invitons nos chats à se soulager dans une litière à l'intérieur des logements, alors pourquoi à la sortie de notre être, ces matières ne seraient pas contenues dans des " toilettes à litière bio-maîtrisée " qui sont appelées aussi TLB ou toilettes sèches ?

Dans certains systèmes efficaces, la matière solide est séparée de la matière liquide. Le solide est transformé sans désagréments pour les usagers, pas d'odeurs, avec un vidange après plusieurs mois d'utilisation pour recycler le compost qui ira fertiliser les sols. Sur des installations collectives plus complexes il est possible d'envisager la bio-méthanisation. Le liquide est séparé, il est possible là aussi d'imaginer la construction d'une pile à combustible microbiennes qui produira de l'électricité.

Le parfum d'une civilisation

Les bactéries naturelles se nourrissent des eaux usées ; elles produisent des électrons qui devraient normalement se combiner avec de l'oxygène. En maintenant une atmosphère sans oxygène, les électrons peuvent être dirigés vers une électrode et de là créer de l'électricité dans un circuit externe. En parallèle, les protons traversent une membrane qui divise la cellule pour se combiner avec les électrons arrivant du circuit externe au niveau de la cathode où la rencontre forme de l'eau au contact de l'oxygène : de l'eau pure. En privant la cathode d'oxygène, ces cellules peuvent aussi être utilisées pour produire de l'hydrogène. Certes, l'installation n'ira pas rivaliser avec une centrale nucléaire. Le gros du travail est la mise à l'échelle réelle de piles microbiennes. Nous dépensons aujourd'hui beaucoup d'énergie pour le traitement des eaux, et si l'on comptabilise les coûts induits, la production nette d'électricité sur des technologies nouvelles du genre, est rentable, sans déchets ultimes à enfouir dans les sous-sols et dont personne ne veut à sa porte. L'urine n'est évidemment pas la solution absolue au défi énergétique mondiale, seulement plus il y a de sources renouvelables, mieux la planète se portera.

Assurément, la merde a plus d'avenir que le nucléaire, toutefois attention à cette mise en garde de Louis-Ferdinand Destouches : " Quand la merde [comme l'urine] vaudra de l'or, le cul des pauvres ne leur appartiendra plus. "

Pour ceux qui respirent encore après cet odorant discours, voici une invitation pour écouter un remarquable document audio : " Le caca n'est pas de la merde. ".

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