Comme premier grand spectacle de la saison 2015-2016, le
Deutsches Theater de Munich a programmé la mise en scène très réussie du Théâtre d´opérette de Dresde (Staatsoperette Dresde) de la comédie musicale tirée du film à succès réalisé en 2002 par Steven Spielberg avec Tom Hanks et Leonardo Di Caprio.
Catch me if you can, une comédie musicale qui, quoique récente, a déjà fait le tour de la planète puisque elle a été jouée de Broadway, où elle fut créée en 2011, à Séoul, en passant par Seattle, Dresde et Vienne. Elle est présentée actuellement par le
Deutsches Theater en première munichoise, et rencontre d´emblée un énorme succès.
Catch Me If You Can (Arrête-moi si tu peux) narre les péripéties frauduleuses de Frank W. Abagnale, Jr, qui, fatigué de vivre dans la médiocrité de leur monde, s’enfuit de chez ses parents au moment de leur divorce. Jouant à merveille de sa bonne mine et de son air innocent et enfantin, il utilise une imagination qui ne connaît pas de limites pour accumuler deux millions de dollars qu´il soutire par le truchement de chèques en bois. Frank, qui n´a aucun diplôme, se fait successivement passer pour un pilote, un pédiatre et un avocat, jusqu´au moment où il rencontre la femme de sa vie. Mais il est constamment poursuivi par l’agent du FBI Carl Hanratty, qui, au cours d´un long jeu de chat et de souris dont Frank sort généralement vainqueur, ne le lâche cependant pas d´une semelle, jusqu´au moment où Frank commet l´erreur fatale qui le fera prendre. L´épilogue est plus que surprenant.
La comédie musicale
Catch Me If You Can a été écrite par Terrence McNally et composée par Marc Shaiman et Scott Wittman, qui avaient déjà travaillé de concert pour adapter
Hairspray à la scène. La comédie a été primée au Tony Awards de 2011 lorsque Norbert Leo Butz a remporté un prix dans la catégorie du Meilleur Acteur (Best Actor in a Musical).
Nicolas Gerdell (Inspecteur Hanratty)
photo Kai-Uwe Schulte-Bunert
Le Deutsches Theater a repris la production dresdoise avec les dialogues et les chansons en allemand remarquablement traduits par Werner Sobotka à qui l´on doit également une excellente mise en scène menée avec un rythme soutenu et pleine de rebondissements qui tiennent constamment le public en haleine. Les spectateurs sont portés par la musique très swing de Shaiman et Wittman remarquablement interprétée par l´orchestre de la Staatsoperette Dresden dirigé avec maestria par Peter Christian Feigel, qui plonge la salle dans une ambiance très Broadway. Les chorégraphies de Simon Eichenberger sont entraînantes, souvent humoristiques, et donnent des fourmis dans les jambes d´un public électrisé que l´envie de danser démange. Le décor à la Mondrian (Walter Vogelweider) et les costumes très réussis, notamment des robes Courège, d´Elisabeth Gressel, restituent parfaitement l´atmosphère des années 60. La comédie musicale est portée par un plateau de chanteurs et de chanteuses plus extraordinaires les uns que les autres avec, à tout seigneur tout honneur, deux protagonistes splendides tant par leur jeu théâtral que par leur interprétation musicale: le Frank Abagnale Jr de Jannik Harneit et l´Inspecteur Hanratty de Nicolas Gerdell. Fabuleux Jannik Harneit! Ce jeune chanteur (il est né en 1989) qui a notamment étudié à Munich a été très remarqué ces dernières années en remportant différents prix d´interprétation et en décrochant un engagement à la Staatsoperette Dresden depuis la saison 2013-2014, où il a glorieusement créé le personnage de Frank en janvier 2015. Le très dynamique Jannik Harneit brûle les planches dans ce rôle qui exige une énorme endurance avec une présence quasi continue en scène où le comédien doit enchaîner les scènes de chant, de danse et de jeu scénique. Une interprétation qui pète la joie de vivre, avec un regard brillant à faire damner les nonnes et une voix claire et lumineuse pleine de justesse tant dans les moments éclatants que dans les scènes plus sensibles. Nicolas Gerdell, un grand comédien à la maturité athlétique, se transforme pour l´occasion en un rondouillard Inspecteur Harnatty, un personnage dont il interprète avec un talent consommé la complexité, celle d´un homme solitaire, possédé par le travail, acharné et maladroit, perspicace et généreux. Christian Gyrgas est lui aussi remarquable dans l´interprétation du père, Frank Abagnale Sr, dont il donne à voir avec une grande intelligence de jeu scénique la déchéance progressive de raté roublard et grande gueule qui sombre dans l´alcool. Enfin Olivia Delauré enchante avec son jeu d´une drôlerie rafraîchissante de jeune infirmière prude et ingénue, avec des moments de grandes sensibilité et émotion, et un solo éclatant de beauté sonore.
Un spectacle à ne pas manquer par les amateurs de comédie musicale. Au Deutsches Theater jusqu´au 13 septembre 2015.