... il y a c'est évident une supra-humanité et des comportements de l'Homme supra-humains. Un certain nombre de femmes/hommes hors du commun. J'en pressens quelques uns comme Sapho de Mytilène, Lucrèce, Villon, Rimbaud, Mozart, Camille Claudel, les frères Villas-Bôas, Rosa Parks, Germaine Tillon, Pascal Quignard, le facteur Cheval, Angélique Ionatos, l'abbé Pierre, Jack Ralite, Harold Pinter, Miles Davis, ou Jésus le fils du charpentier de Nazareth.
Le point commun entre eux est l'amertume. L'amertume face au monde dans lequel ils évoluent au moment de leur passage chez les humains normaux. Ils font tous des propositions que l'on refuse. Des propositions de mots, de notes, de couleurs, de réflexion, des propositions d'humanité. Des propositions que l'on écoute, que l'on voit, que l'on sent, mais que l'on refuse. Des propositions honnêtes mais gênantes, inacceptables. On n'est pas prêt, on ne peut pas, on n'est pas capable. Ce n'est pas de notre faute, c'est comme ça.
Alors ces gens repartent, meurent, le coeur lourd. Ils ont tous échoué à faire passer le message. Leurs coeurs se couvrent d'un voile fin d'amertume. Ça les tue une première fois, ils meurent ensuite de tant de bêtise, de tant d'incompréhension, de tant de refus, de ce refus de main tendue, de vie tendue aux humains, via écriture, couleur, glaise, note, partage d'âme humaine, et plus même chez celui qui était le fils du charpentier de Nazareth.
Lui, il se dit qu'il allait se donner et que les Hommes comprendraient alors. Il a institué un pain et un vin nouveaux à partager entre tous. Quelque chose qui donnerait la vie, ça c'était nouveau. La vie éternelle ça s'appelait. Ce qui ne voulait pas dire que l'on allait vivre éternellement, oh, non, mais que si on consommait cette nourriture nouvelle il pouvait se passer quelque chose. Une transformation radicale. Cette nourriture proposée par ce fou - car il a rapidement été déclaré et reconnu fou - était incomparable mais forcément amère car elle était constituée de sa propre matière. On a crié au fou, normal puisqu'il était reconnu fou, et on a fait ce qu'il fallait pour évacuer ce problème de fou.
Certains ont cependant goûté ce quelque chose proposé. Beaucoup ont vomi avant même que de manger, innombrables ceux qui de la même manière, de la même impossibilité, n'ont pas pu entendre, voir, sentir, le mot, la note, la couleur, la proposition de partage d'âme et d'humanité que les autres proposaient.
Ensuite, l'homme - moi, toi, nous - a créé la raison toute artificielle, la morale, la censure, le sida, l'hôpital psychiatrique, la guerre, l'institution civile, militaire ou religieuse, l'indifférence, la politique politicienne, le football, le loto, tout un tas de trucs encore pour sucrer leurs vies. Pour sucrer des vies... réfléchissons au fait que souvent en un langage commun, le mot "sucrer" est utilisé dans le sens "d'ôter"...
Donc, la vie des humains est aussi amère que leur fiel malgré le sucre que le coeur des supras-humains déverse sur le monde, ces supras-humains qui nont rien pu faire pour l'humanité, pour que l'humanité soit meilleure, soit en relation juste, pour que son coeur soit vibrant et chantant. Foutaises et autres bullshits que l'on jette bien sûr à la poubelle. Ces supras-humains meurent alors en souffrant. En souffrant beaucoup, énormément. À un point tel que l'on ne peut l'imaginer.
La fin de l'humanité est là, elle vient. Un petit signe avant-coureur nous est donné ces jours derniers. Un petit coeur déterminant a cessé de battre sur une plage de Turquie. Tout petit petit petit coeur mais paradoxalement signe gigantesque, mais nous n'entendons pas la note, ne retenons pas le mot, ne voyons pas la couleur, ne reconnaissons pas l'humanité... sa fin, qui est là. Et je ne suis pas triste. Lucide...
illustration : Kandinsky / Several Circles