Dheepan // De Jacques Audiard. Avec Antonythasan Jesuthasan et Kalieaswari Srinivasan.
Jacques Audiard, réalisateur des brillants De rouille et d’os, Un prophète et De battre mon coeur s’est arrêté, revient avec Dheepan, primé au dernier Festival de Cannes par la Palme d’Or. Si je suis forcément heureux qu’un film français gagne la Palme d’Or à chaque fois que cela peut arriver, j’ai toujours envie de voir si la qualité de ce film va de paire avec la récompense. Dheepan est un bon film mais je ne pense pas qu’il méritait la Palme. C’est un très bon film, il y a de très belles scènes et une mise en scène assez sincère, mais cela manque cruellement d’émotion et le but de cette histoire, aussi terrible soit-elle, était clairement de faire passer des émotions. Je suis assez souvent hypersensible au cinéma mais ici je n’ai rien ressenti, rien du tout. Alors oui il y a de beaux moments mais contrairement aux précédents films du réalisateur, on a l’impression ici qu’il n’a eu cette Palme que pour récompenser son travail précédent et pas celui d’aujourd’hui. En effet, parmi la sélection de film j’aurais probablement choisi autre chose (et je n’ai pas encore tout vu des films en compétition). Mais Valley of Love par exemple m’a beaucoup plus bouleversé, La Loi du Marché était beaucoup plus piquant sur des problèmes de société, etc.
Fuyant la guerre civile au Sri Lanka, un ancien soldat, une jeune femme et une petite fille se font passer pour une famille. Réfugiés en France dans une cité sensible, se connaissant à peine, ils tentent de se construire un foyer.
Car Dheepan part pourtant d’une histoire assez intéressante qui a largement de quoi faire couler un flot d’émotions important. On parle notamment de guerre civile dans un pays pauvre et des conséquences que cela peut avoir sur ceux qui ont subit (ou qui ont participé) à cette guerre. C’est aussi un film sur l’immigration en France et le fait que c’est très loin d’être un eldorado pour les populations étrangères, mises dans des quartiers sensibles où toutes sortes de trafics se déroulent, jusqu’à ce que par moment tout cela implose. Jacques Audiard en fait beaucoup sur le sujet, peut-être un peu trop. En effet, je ne pense pas que ce qui se passe dans Dheepan soit une généralité sur les quartiers sensibles. Certes il y a du trafic du drogue ou d’armes mais cela ne veut pas pour autant dire qu’il y a une telle violence. La scène « d’action » finale est peut-être l’une des rares séquences qui m’ait surpris dans le bon sens. Cette scène est filmée de façon très intelligente par un Audiard inspiré. On nous rappelle alors le réalisateur d’Un Prophète qui se posait beaucoup plus de questions qu’il ne s’en pose actuellement avec Dheepan. La première partie du film est pourtant intéressante, sur la façon dont les populations étrangères tentent de se faire une place en France (et notre pays n’est pas très facile de ce point de vue là, bien au contraire).
Le casting est quant à lui plutôt intéressant, permettant de soulever un peu un film qui ronronne parfois un peu trop, surtout dans la seconde partie. Oscillant entre film romantique entre deux personnages qui se sont retrouvés ensemble par hasard et quelque chose de beaucoup plus fort sur la société français et la façon dont on traite les immigrants. Du coup, je n’ai pas été complètement pris par ce que Dheepan a voulu me raconter. Mais je pourrais toujours dire aussi que c’est un très joli film, bien meilleur que beaucoup d’autres films qui sortent mais le problème de l’émotion, surtout dans un film comme celui-ci est très important. J’aime bien le fait que Jacques Audiard aime mettre en scène des films avec un côté très rustre, très réaliste, mais si le côté film d’auteur n’est pas dérangeant, le problème c’est que derrière il n’y a aucun travail qui est fait par le réalisateur pour pénétrer le spectateur. Le réalisateur est parfois un peu trop doux dans sa manière de faire les choses alors que par le passé il était tout de même beaucoup plus facile de faire frissonner le spectateur (De rouille et d’os l’a fait, Un Prophète aussi, mais bien d’autres avant encore). Du coup, Dheepan me donne l’impression par moment d’avoir vu un bon film qui a mal tourné. C’est une sensation étrange car je n’ai ni détesté ni totalement aimé…
Note : 6/10. En bref, la Palme d’Or la plus décevante depuis quelques années.