Piqûre de rappel : La isla minima
Je voudrais, en cette semaine sans grand relief, redonner un coup de projecteur sur un formidable polar espagnol, sorti cet été : « La isla minima », d’Alberto Rodriguez, qui, deux mois après sa sortie, est toujours à l’affiche dans les deux Utopia (Toulouse et Tournefeuille).
Nous sommes dans les années 1980, années de transition en Espagne, entre l’époque franquiste et la démocratie actuelle, qui s’installe progressivement. L’action se passe dans le sud de l’Espagne, le delta du Guadalquivir, écrasé de soleil. Deux flics enquêtent sur des meurtres sordides commis sur des jeunes filles, en milieu rural. L’enquête progresse lentement, entravée par une mauvaise volonté évidente du juge auquel les policiers ont affaire : il ne faut pas compromettre l’ordre social local, il faut que les ouvriers agricoles, en grève, se remettent au travail…
Ce canevas donne lieu à une histoire poisseuse, pleine de sous-entendus, de sueur, de violence et de désirs contenus tout oppose les deux policiers qui enquêtent : l’un est un survivant de l’ancien système, et son passé va ressurgir vers la fin de l’intrigue l’autre, plus jeune, est un idéaliste, qui a foi dans la démocratie, dans un nouvel ordre social plus juste… Mais le film est tout, sauf manichéen il n’y a pas du blanc et du noir, il n’y a que des nuances de gris, ou, disons plutôt, dans ce film, des nuances d’ombre….
Rappelant parfois le grand renouveau du polar américain dans les années 1970-80 (genre « French connexion » ou « Un après-midi de chien »), la grande force de ce film est aussi de tirer le meilleur parti du paysage de ce Sud espagnol, grâce à un traitement colorimétrique de l’image très subtil. On y retiendra aussi des séquences absolument dantesques, comme celles de la grande poursuite de la fin du film, la nuit, dans un paysage fantomatique.
Un cinéma remarquablement maîtrisé, haletant, des acteurs d’une grande justesse, un cadre stupéfiant de beauté (incroyables images aériennes venant démarrer et clôturer le film), « la isla minima », petit bijou sorti le 15 juillet, a encore de beaux jours devant lui dans les salles.
[email protected]