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Océan pour le climat. L’océan, grand absent de la Conférence de Paris

Publié le 09 septembre 2015 par Blanchemanche
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Central dans le climat de la planète, mais affecté par le changement climatique, pourvoyeur de nombreuses pistes de solutions... l’océan reste ignoré des négociations climatiques.
Océan pour le climat. L’océan, grand absent de la Conférence de Paris
©Pew - ocean-climate.orgLa présentation de la plateforme « Océan & Climat », une alliance entre des organisations non gouvernementales et des instituts de recherche, sous l’égide de l’Unesco, commence par ces quelques lignes : « Bien qu’il soit un élément clé de la machine climatique planétaire, l’océan a jusqu’ici été relativement absent des discussions sur le changement climatique. Intégrer l’océan parmi les enjeux et les défis discutés dans le cadre des négociations climatiques apparaît aujourd’hui comme une réelle nécessité. »Pour être qualifiée de succès diplomatique, la vingt-et-unième Conférence des parties (COP 21) qui se tiendra du 30 novembre au 11 décembre 2015 à Paris, doit aboutir « pour la première fois à un accord universel et contraignant permettant de lutter efficacement contre le dérèglement climatique », selon les termes du ministère des Affaires étrangères, impliqué dans l’organisation de cet événement onusien. Il ne peut en être autrement si l’on veut atteindre l’objectif de maintenir le réchauffement moyen de la planète en deçà de 2°C.Or, l’océan reste étonnamment absent des textes stratégiques en cours de négociation en vue de l’Accord de Paris. Il a notamment été omis au cours des discussions de préparation des Accords sur le climat, en septembre 2014, et ne figure pas parmi les huit champs d’action sur lesquels les gouvernements sont invités à s’engager audacieusement, tels que l’énergie, les transports, l’industrie ou la faculté d’adaptation des milieux et des systèmes (environnementaux ou économiques). Pour justifier cette absence, on avance le fait que l’océan est un thème « transversal », qui se retrouve de fait au sein de plusieurs de ces thématiques. Mais pourquoi, alors, la forêt est-elle identifiée comme un champ d’action à part entière ?Bien commun, zone de non-droitUne des raisons provient sans doute du fait que 64 % de la surface des océans (soit 45% de la planète !) se situe au-delà de toute juridiction nationale ou internationale. Cette zone de non-droit, ou presque, reconnue comme « un bien commun de l’humanité » par la Convention du droit de la mer, est restée longtemps inaccessible. Mais elle ne l’est plus. C’est désormais une zone écologiquement très sensible, livrée au pillage de ses ressources et aux pollutions généralisées.Depuis 2006, des discussions sont en cours au sein des Nations-Unies sur le besoin d’un instrument légal et international de protection des écosystèmes marins en haute mer dans le cadre de la Convention dite de « MontegoBay » sur le droit de la mer, mais peu d’avancées concrètes ont été faites. Il semble encore plus complexe, au niveau international, d’initier des négociations sur la préservation et l’utilisation raisonnée de la biodiversité marine en « haute mer » que d’imposer aux États une régulation de leur émission de gaz à effet de serre !L’océan, dont le rôle central dans le système climatique fait consensus dans la communauté scientifique, est pourtant un élément essentiel de réponse et d’adaptation aux changements climatiques. Sa capacité à absorber et à stocker le CO2 émis, combinée au stockage de l’excès de chaleur résultant des activités humaines, contribuent à limiter considérablement le réchauffement. Son statut de premier fournisseur d’oxygène, via un écosystème complexe, est également vital pour l’humanité. Le réchauffement global, associé à d’autres pressions anthropiques telles que la pollution ou la surexploitation des ressources, sont cependant en train de remettre en question ces différentes fonctionnalités ou l’efficacité de ces différents mécanismes. Le maintien d’un océan en bonne santé et d’un climat préservé sont donc les deux facettes d’une même urgence.Une ressource énergétiqueL’océan est aussi une boîte à outils pour nous aider à lutter contre le dérèglement climatique. Réservoir inépuisable d’énergie, il peut fournir des solutions alternatives pour répondre à nos besoins croissants. Un projet comme le SWAC (Sea Water Air Conditioning), opérationnel à Hawaï et en cours d’expérimentation à La Réunion, utilise les eaux froides des profondeurs pour alimenter un système de climatisation urbaine, limitant considérablement les émissions de gaz à effet de serre, tout en réduisant la consommation d’énergie lié à ce système. Des prototypes sont par ailleurs en cours de développement pour utiliser efficacement l’énergie thermique des mers, basée sur la différence de température entre les eaux chaudes de surface et les eaux profondes très froides (entre -1 et 5ºC). Cette source d’énergie constante, et a priori inépuisable, pourrait à terme alimenter des régions côtières et garantir l’autonomie énergétique de nombreuses îles, avec un bilan carbone très réduit.En plus de permettre de produire de l’énergie à faible impact climatique, l’océan pourrait contribuer directement à la valorisation du CO2 contenu dans les fumées issues des activités industrielles, la culture de micro-algues à fort potentiel commercial (alimentaire ou énergétique) absorbant ce CO2 par photosynthèse. Pour entrer en phase industrielle, ces pistes requièrent encore beaucoup d’innovations qui doivent être encouragées et financées, notamment au travers des différents mécanismes de financement climatique (fonds vert, marché volontaires, green bonds etc.). L’accès à ces moyens financiers est une autre raison fondamentale pour que l’océan trouve sa place dans les textes de négociations climatiques.En janvier 2015, un accord historique a été obtenu pour que s’ouvrent enfin, dans le cadre de l’Assemblée des Nations-Unies, des négociations pour l’élaboration d’un Accord sur la haute mer. Cette décision récente, ainsi que l’intégration d’un objectif spécifique sur l’océan dans les objectifs du développement durable de l’ONU, illustre la volonté croissante de la communauté internationale de gérer les défis et les opportunités liés aux océans. Mais beaucoup reste à faire pour une meilleure intégration des enjeux liés à l’océan dans le cadre des négociations sur le climat.Pour faciliter la mise en place d’actions efficaces, il est essentiel, en particulier, d’intégrer l’océan dans le futur « régime climatique », cet ensemble de principes, de normes, de règles et de procédures de prise de décision dans le domaine du changement climatique, qui définiront l’Accord de Paris.Par JEANNE GHERARDI, RÉFÉRENTE « ACTIONS CLIMAT » À L’IFREMER (INSTITUT FRANÇAIS POUR L’EXPLOITATION DE LA MER) ; MEMBRE DE LA PLATEFORME « OCÉAN & CLIMAT ».
Article publié dans le Hors-Série Mer de la revue de culture générale l'Eléphant (août 2015)
Retrouvez l'Appel de l'Océan pour le Climat sur Change.orghttp://oceanclimat.blog.lemonde.fr/2015/08/31/locean-grand-absent-de-la-conference-de-paris/?utm_content=buffer16789&utm_medium=social&utm_source=twitter.com&utm_campaign=buffer

À propos de oceanclimat

Océan pour le climat. L’océan, grand absent de la Conférence de ParisLa Plateforme Océan et Climat regroupe des organismes scientifiques, des universités, des institutions de recherche, des associations et des fondations, tous impliqués pour une meilleure prise en compte de l’océan dans les négociations climatiques. Elle a été créée le 10 juin 2014, à l’occasion de la journée mondiale des océans, avec l’appui de la commission océanographique intergouvernementale de I’Unesco.

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