A Montreuil, l’atelier coopératif «Ohcyclo» veut créer une communauté autour de la réparation de vélo…
Deux membres de l'association Ohcyclo en pleine réparation d'une chambre à air. - B.Benoit / 20Minutes
Benjamin Benoit 9.septembre.2015
«Tu peux me passer une clé de 10 s’il te plaît?» Dans l’atelier Ohcyclo de Montreuil, Boris et Emilie, deux trentenaires, sont en plein démontage d’un vélo hollandais. «Ma chambre à air est crevée, explique Emilie, et je n’ai pas le matériel chez moi pour réparer. Je suis venue ici parce que c’était juste à coté de mon appartement.»Boris et Emilie en plein changement de chambre à air.
800 adhérents et des conseils
Il faut dire que l’atelier ouvert en mai dernier est quasi professionnel: potences pour accrocher les vélos, outils de réparation qui s’alignent sur les murs, et des pièces détachées rangées par dizaines dans les bacs. Mais attention, ce n’est pas un magasin classique, «les gens doivent réparer eux-mêmes leur vélo, explique Julien Nesme, l’un des bénévoles de l’association. Ils font l’essentiel du travail. Nous on est là pour leur donner des conseils et un coup de main si nécessaire.»N’importe quel propriétaire de vélo peut adhérer à Ohcyclo. Il suffit de verser une cotisation de 20 € par an pour avoir accès à l’atelier. Pendant qu’il nous explique le fonctionnement de l’endroit, Julien doit se lever plusieurs fois car de nombreux curieux viennent découvrir l’atelier. «Depuis qu’on a le local, le nombre d’adhérents a explosé, explique-t-il. Aujourd’hui on compte 800 membres.»Réparer pour échanger
Pour le bénévole, la réparation des vélos ne représente qu’une petite partie du travail de l’association: «C’est un prétexte pour échanger. Il y a une sorte d’esprit de communauté qui se crée. Tu viens réparer ton vélo et tu discutes naturellement avec les autres.» A terme, l’association prévoit d’ailleurs de créer une bibliothèque et d’accueillir des expositions de photos dans l’atelier.Démontage d’un garde-boue à l’atelier Ohcyclo.Cet après-midi là, les quelques adhérents présents n’arrêtent pas de discuter. On retrouve Boris et Emilie, toujours affairés sur le vélo hollandais. La roue arrière est maintenant complètement démontée, la chambre à air peut enfin être changée. Emilie a l’air satisfaite: «Réparer moi-même, ça me rend indépendante, je sais que je peux le refaire.»
Récupération maximum
Lorsqu’on les questionne, les participants d’Ohcyclo citent souvent les mêmes motivations pour expliquer leur présence: refus de la surconsommation et du gaspillage, goût pour la récupération.Une mentalité qu’on retrouve dans les actions de l’association. «On a signé une convention avec la ville de Montreuil pour récupérer les vélos abandonnés, détaille Julien Nesme. Il y a aussi les copropriétés qui nous appellent parfois pour vider les caves d’immeubles.» Les vélos sont ensuite triés. Ceux en plus mauvais état partent en pièces détachées, les autres sont restaurés et revendus au profit de l’association.Concurrence ou complémentarité?
Cette activité pourrait-elle faire de la concurrence aux boutiques traditionnelles? Pas du tout affirme Julien Nesme: «Nous sommes complémentaires. On ne vend pas de vélos neufs, pas de casques. Et puis beaucoup de gens n’ont pas envie de galérer à réparer leur vélo tout seul. Ça nous arrive même d’orienter un adhérent vers un magasin lorsque la réparation est trop difficile.»Du coté des réparateurs professionnels, on est moins catégoriques. Pour Vincent (prénom d’emprunt), vendeur dans une boutique parisienne, «les clients préfèrent acheter des pièces d’occasion de mauvaise qualité, et ensuite ils vont aux ateliers d’auto-réparation. C’est devenu très difficile pour nous.»>>> Tout réparer soi-même, une bonne idée?
A l’inverse, d’autres commerçants ne se sentent absolument pas menacés. Bernard Rodriguez-Lacam est bien placé pour s’exprimer sur le sujet. Sa boutique est à quelques centaines de mètres de l’atelier de Montreuil. Pourtant, il reste serein: «Je fais du haut de gamme, du luxe, donc ça ne m’enlève rien. Les ateliers d’auto réparation, c’est bien pour ceux qui ont peu de moyens.»Un plan détaillé de vélo à l’atelier.A l’atelier Ohcyclo justement, Boris et Emilie viennent d’achever la réparation du vélo hollandais, après une petite heure de travail en commun. Boris conclut: «Monnayer une réparation de chambre à air, je trouve ça bizarre. En fait, on devrait l’enseigner à l’école, pour que tout le monde sache le faire.»http://www.20minutes.fr/magazine/economie-collaborative/collaboratif-pratique/a-montreuil-la-communaute-du-cyclo-se-developpe-78653/