12 septembre 2015 / Entretien avec Caroline De Haas
Et si communistes et écologistes travaillaient ensemble ? Et si le fossé qui les sépare n’était pas infranchissable ? C’est l’idée lancée par Caroline de Haas, militante féministe. Elle prône l’alliance de la gauche pour sortir du marasme actuel. Une idée à réfléchir, alors que la Fête de l’Humanité bat son plein ce week-end.« J’y vais, s’ils se mettent ensemble. » Sollicitée par plusieurs formations politiques pour être candidate aux élections régionales de décembre, Caroline De Haas s’y refuse pour l’instant. L’ancienne porte-parole d’Osez le féminisme, a été conseillère de Benoît Hamon quand celui-ci était ministre dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, veut préparer l’avenir. Elle a quitté le Parti socialiste l’an dernier et monté, depuis, le mouvement des Chantiers d’espoir.
- Caroline De Haas
Reporterre - Pour les régionales en Île-de-France, vous appelez à une union des écologistes et des communistes dans une liste rassemblant l’ensemble des forces du Front de gauche, de Nouvelle Donne et des autres mouvements citoyens concernés. Pourquoi ?Caroline De Haas - Pour deux raisons. D’abord parce que tous ces gens-là disent peu ou prou la même chose. Il y a évidemment des débats et des divergences comme dans n’importe quelle organisation politique, mais globalement, ça se rejoint. On porte le même projet pour une région à taille humaine, proche des gens. Donc je trouve idiot de dépenser de l’énergie, du temps et de l’argent à aller faire trois ou quatre campagnes différentes pour défendre la même orientation politique.Et puis ces élections régionales représentent le dernier coche avant les présidentielles. Je ne vois pas comment, en 2017, on pourrait sortir la tête de l’eau en proposant une alternative crédible si on présente dix, cinq ou même deux candidats différents qui raconteraient la même chose. Pour moi, il faut une candidature unique en 2017. Les régionales en sont pour moi une première étape décisive.Peut-être que la vision est plus partagée sur les compétences régionales, mais sur des sujets aussi importants que l’énergie – et notamment le nucléaire – la décentralisation ou l’Europe, les écologistes et les communistes n’ont pas le même corpus d’idées a priori…Mais la dynamique de convergence se crée. Le Parti Communiste est en train d’évoluer sur le nucléaire, les lignes bougent. Pourquoi ? Parce qu’on milite ensemble. C’est ce que j’ai appris à l’UNEF [syndicat étudiant, ndlr], où certains étaient très politiques et d’autres non, et où l’arc politique allait de la frange droite du Parti socialiste au Nouveau parti anticapitaliste. Comment faisait-on ? On créait de la convergence parce qu’on créait du contenu politique. Ne pas militer ensemble, au contraire, c’est créer de la divergence.Les divergences que vous citez ne sont pas insurmontables. On peut trouver un compromis et créer de la convergence, car il y a une matrice générale : la répartition des richesses, la préservation d’un écosystème qui nous permette de vivre avec les générations futures, les libertés sur le numérique… Autant de fondamentaux sur lesquels les Verts et le PC sont d’accord.Et puis, François Hollande a quand même réussi à faire un gouvernement avec Benoît Hamon et Manuel Valls, qui ne partagent à peu près rien. Les compromis politiques pour prendre le pouvoir, on est capable de les faire.Mais sur la question européenne, Jean-Luc Mélenchon et Cécile Duflot se sont quand même invectivés ces derniers mois !Ils ont certes tous les deux des positions très fortes sur l’Europe. Mais j’ai le sentiment que les anathèmes échangés relevaient plus de la mise en scène que d’un vrai désaccord politique. Si on les mettait autour d’une table, on trouverait des points d’accord plus importants. Tout simplement parce qu’ils veulent tous deux transformer l’Europe ! Duflot le redit dans son nouveau livre : elle n’est pas euro-béate, elle appelle à une transformation de l’Europe, qui n’est pas par essence libérale. Son adversaire, c’est Merkel – et c’est la différence avec Mélenchon qui désigne l’Allemagne, ce qui est peut-être une erreur puisque les gens y voient un relent anti-allemand, alors qu’en fait, c’est le même adversaire qui est visé !Alors pourquoi cela ne marche pas en Île-de-France, là où d’autres régions ont d’ailleurs lancé des listes communes avec ces mêmes partis ?Parce qu’Emmanuelle Cosse ne veut pas. En Île-de-France, le Front de gauche a proposé à Emmanuelle Cosse de faire liste commune, Eric Coquerel l’a redit encore cette semaine : il n’y a aucun prérequis, pas même la tête de liste ! Mais Emmanuelle Cosse ne veut pas. Pourquoi ? Parce qu’elle pense qu’une telle alliance va « gauchir » sa liste. Par contre, pour faire une liste avec Corinne Lepage… Qu’on me théorise qu’on n’est pas capable de s’allier avec le PC alors qu’on est capable de s’allier avec Cap 21, pour moi, c’est une aberration stratégique de la part d’EELV.C’est-à-dire ?Il faut rassembler la gauche et présenter une liste commune avec ceux qui la représentent aujourd’hui : le Front de gauche, EELV, Nouvelle Donne et tous les mouvements citoyens qui se préoccupent de la préservation de l’environnement, ceux qui sont pour la rupture avec le capitalisme ainsi que tous les gens qui veulent faire la politique « autrement » - je dirais plutôt ceux qui veulent pratiquer la politique conformément à la manière dont on la défend. Tout cela étant lié, à mon avis, par les questions économiques et sociales qui nous rassemblent globalement. Tous ces gens-là devraient être ensemble.Emmanuelle Cosse, elle, pense que l’écologie doit rester une force autonome, capable de rassembler la droite et la gauche, parce que l’écologie transcende ces clivages-là. Je suis en radical désaccord. C’est comme si aujourd’hui, je faisais un parti féministe en expliquant qu’il n’est ni de droite ni de gauche et qu’il dépasse les clivages. Non. Il y a des féministes de droite et des féministes de gauche, et on n’est pas d’accord. Certes, on se décrit féministe – tout comme Corinne Lepage se dit écolo de la même manière que Cécile Duflot – mais cela n’empêche pas d’avoir des clivages plus profonds. Comme il y en a qui peuvent se dire républicains à gauche et d’autres républicains à droite. Et il y en a qui sont pour le mariage pour tous à gauche, et d’autres à droite, et pour autant, ils ne défendent pas la même politique. Et Marine Le Pen a aussi voté« non » à la Constitution européenne en 2005 : on s’oppose sur tout, et pourtant on a eu le même vote.
- Emmanuelle Cosse
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Source : Barnabé Binctin pour ReporterrePhotos :
. Dessin : © Red !/Reporterre
. Caroline De Haas : Barnabé Binctin
. Emmanuelle Cosse : © Lucas Mascarello/Reporterrehttp://www.reporterre.net/Les-divergences-entre-ecologistes-et-communistes-ne-sont-pas-insurmontables