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Que reste-t-il du Front de gauche ?

Publié le 12 septembre 2015 par Blanchemanche
#Frontdegauche

Par Guillaume Liégard | 11 septembre 2015

Que reste-t-il du Front de gauche ?

De la dynamique du Front de gauche 2012, il ne subsiste pas grand-chose. Ce qu’il en restait, c’est-à-dire un cartel électoral liant PCF, PG et Ensemble, est sur le point de se fracturer sur le mur des élections régionales.


Vous avez aimé les municipales, avec son cortège de listes séparées, c’est-à-dire concurrentes, dans une ambiance son et lumière ? Vous adorerez les élections régionales ! Oui, le Front de gauche poursuit sa crise. Désormais à peu près aussi vivant qu’un canard sans tête, la situation en cet automne 2015 apparaît critique.Dans la perspective des élections régionales de décembre 2015, même la fiction d’un rassemblement commun sous forme d’une alliance électorale semble désormais bien mal en point. Et l’on se demande à quoi bon casser un outil, certes imparfait, mais un outil quand même, alors qu’aucune autre stratégie, aucun autre cadre ne semble se dessiner...

La tentation hégémonique de EELV

Au cours de ces derniers mois, la formation écologiste a affiché une qualité évidente, celle de disposer d’une base militante bien plus ancrée à gauche que sa direction. Lorsque celle-ci s’écharpait pour savoir s’il fallait être ou non au gouvernement, les militants faisaient localement le choix de candidatures communes avec le Front de gauche aux élections départementales dans près d’un canton sur deux. Un signal positif, même s’il ne faut pas parer EELV d’une radicalité que cette organisation n’a pas. Après tout, elle se définit toujours comme membre de la majorité parlementaire dans une forme de soutien critique, sans participation au gouvernement. Cela n’empêche pas nécessairement des accords pour des élections locales, mais relativise tout de même certaines envolées sur la portée stratégique de ce choix. En particulier, on ne voit pas bien quels seraient maintenant les éléments d’un accord en Île-de-France avec des écologistes emmenés par Emmanuelle Cosse qui vient d’opter pour une alliance avec... Cap21, le micro-parti de Corinne Lepage.Dans de nombreuses régions, des discussions ont été amorcées, dès le printemps, pour envisager les possibilités d’un accord large EELV-FdG. Au delà de différences politiques non négligeables sur toute une série de sujets politiques, l’exigence des écologistes de mener, à chaque fois, une telle liste n’est pas sans poser de sérieux problèmes. Région par région, il est toujours possible de discuter la légitimité d’une telle revendication, mais globalement, le point de chute ne peut aboutir à des listes menées par les seuls écologistes sans source de tensions. Tant au Parti de gauche qu’au sein du PCF ou d’Ensemble, cette dimension hégémonique fait tousser.Les dysfonctionnements nombreux – pour ne pas dire l’inexistence de cadre commun – du Front de Gauche nourrissent aussi une telle issue : aucun appel, par exemple, pour tenter de sortir de la discussion région par région et la hisser à un niveau national. Pire encore, localement les discussions ont lieu non pas entre le FdG et EELV, mais entre les écologistes d’une part et chacune des composantes du FdG, lesquelles jouent leur propre partition avec plus ou moins de bonheur. Les écologistes ont dès lors toutes les cartes en main pour rafler la mise à chaque fois.

Un PCF sans boussole et en voie de raidissement

L’état d’impréparation pour les élections régionales atteint désormais des sommets. À la mi-septembre, seul le cas de la grande région Aquitaine-Poitou Charente-Limousin semble réglé : ce sera une liste Front de gauche emmenée par le communiste Olivier Dartigolles. En Languedoc Roussillon- Midi-Pyrénées, un accord EELV-FdG – auquel s’ajoutent Régions et Peuples Solidaires ainsi que la NGS de Liêm Hoang-Ngoc (ancien député européen socialiste) – semble tenir la corde pour une liste qui serait dirigée par l’écologiste Gérard Onesta.Ailleurs, tout se complique. En Île-de-France, Pierre Laurent, qui n’était pas candidat puis qui l’est redevenu, a choisi de passer en force. Le 7 septembre, lors du forum citoyen organisé par le FdG au gymnase Japy, le secrétaire national du PCF avait érigé en « priorité numéro 1 » de battre la droite, en appelait à l’unité, promettait une liste rajeunie et renouvelée. Depuis plusieurs mois, Pierre Laurent affirmait qu’il avait été désigné chef de file des communistes et que la question de la tête de liste restait ouverte. Changement de pied le 10 septembre, lors d’une conférence de presse, le même déclare maintenant : « Moi je suis candidat en Île-de-France. Je ne vais pas encore pendant des semaines constater que Valérie Pécresse, Claude Bartolone et d’autres mènent la campagne, pendant que moi je passe mon temps dans des réunions qui n’intéressent personne. » Un revirement d’autant plus surprenant quand on connaît la course de lenteur qu’a imposée le PCF à ses partenaires tout au long du printemps. Une méthode d’autant plus problématique que sa candidature ne fait pas consensus au sein du Front de gauche – notamment en raison du cumul des mandats puisque Pierre Laurent est sénateur.Dans d’autres régions, le PCF a choisi de mettre un terme aux discussions avec les écologistes. Une réalité sans surprise dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie où le tropisme unitaire des communistes est, de notoriété publique, assez limité. Plus surprenant est la rupture des négociations avec EELV en PACA alors qu’un accord était presque trouvé. Dans une région où la lutte entre droite et extrême droite va faire rage et où le Parti socialiste demeure englué dans les affaires, l’émergence d’une liste alternative unifiée aurait été un signal fort. En Rhône Alpes-Auvergne, la situation est définitivement tranchée. Le 5 septembre, par un vote de 91% des militants concernés, le PCF a décidé de partir seul à la bataille des élections régionales, refusant de participer à la liste EELV-PG-Ensemble [1]. Outre les sénateurs Pierre Laurent et Cécile Cukierman, c’est le député André Chassaigne qui est le chef de file des communistes de l’Auvergne. Tant en PACA qu’en Rhône-Alpes-Auvergne, le risque pour le PCF d’obtenir moins de 5% devient bien réel. On imagine mal les communistes prendre le risque de perdre tout élu dans chacune de ces deux régions. Ces choix ne sont peut-être que des points d’étape.

Le pire, c’est pour demain ?

En toile de fond, les difficultés du Front de gauche expriment les rivalités et désaccords en vue de la maudite élection présidentielle de 2017. Avec le quinquennat, c’est un piège qui revient vite. Jean-Luc Mélenchon est déjà en campagne : à la force de sa conviction qu’il est le mieux placé s’ajoutent des sondages qui lui restent favorables. Mais le PCF n’entend pas se faire à nouveau imposer ce choix, et ce d’autant que des clivages de fond se sont révélés ces derniers temps, en particulier sur la Grèce.

@daicaudouit quelque soit mon opinion sur le fond ca pourrait être une photo de candidat à la présidentielle... pic.twitter.com/lwS5H9anDM— lucioleparis (@departemenparis) 4 Septembre 2015

Pierre Laurent n’exclut plus sa propre candidature, comme le suggère en mode subliminal le message récemment mis en favori sur son compte twitter (voir ci-dessus). Si vous ajoutez la détermination de Cécile Duflot à se lancer dans la bataille de 2017, vous avez un joli cocktail explosif en perspective. Une primaire de cette gauche pourrait déjouer le piège de la division. Mais personne n’en veut. Pour l’instant.

Notes

[1] Officiellement, et c’est assez dérisoire, c’est sur la place de Cécile Cukierman (sénatrice communiste de la Loire) que les discussions ont explosé, celle-ci souhaitant être élue tout en allant au bout de son mandat au Sénat. Il faut reconnaître que, côté renouvellement et non-cumul des mandats, le PCF a décidé de s’ériger en contre-exemple.http://www.regards.fr/web/article/vous-avez-dit-front-de-gauche

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