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Quelle prise de conscience des inégalités entre les hommes et les femmes en France ?

Publié le 01 septembre 2015 par Délis

En France, l'égalité entre les hommes et les femmes reste loin d'être acquise. Ceci s'illustre à travers la sous-représentation des femmes aux postes à responsabilité, que ce soit dans le domaine de la politique, de l'économie ou de la culture. Par ailleurs, les femmes gagnent toujours en moyenne 24% de moins que les hommes et sont davantage touchées par la précarité. L'inégalité demeure également la règle dans la sphère domestique, qu'on songe notamment au partage des tâches ménagères dans les couples hétérosexuels.

Les inégalités entre hommes et femmes sont largement reconnues par les Français

L'existence d'inégalités entre les sexes est largement reconnue par les Français. Plus des trois quarts d'entre eux ( 78%) considèrent que l'égalité hommes-femmes n'est pas satisfaisante en ce qui concerne les niveaux de salaire et 69% s'agissant de l'accès aux postes de responsabilité dans les entreprises ou les administrations. Une majorité des Français estime également que l'égalité n'est pas satisfaisante dans le partage des tâches ménages (58%), dans l'accès aux fonctions politiques (55%) ou dans l'accès au marché du travail (53%).

Les femmes ressentent davantage ces inégalités : 84% des Françaises qualifient d'insatisfaisante l'égalité en termes de niveau de salaire, 77% pour l'accès aux postes de responsabilité, 68% pour le partage des tâches ménagères, 64% pour l'accès au marché du travail et 62% pour l'accès aux fonctions politiques.

La perception de la situation ne s'est pas améliorée au cours des dernières années. Au contraire, les inégalités entre les hommes et les femmes sont davantage soulignées par les Français aujourd'hui qu'il y a dix ans. Actuellement, seuls 22% jugent que l'égalité est atteinte en termes de niveau de salaire, alors qu'ils étaient 28% en 2005 ; 31% pensent que la situation est satisfaisante pour l'accès aux postes à responsabilité en 2015 alors qu'ils étaient 39% il y a dix ans. Seule exception notable, l'accès à la carrière politique, qui est considérée comme plus égalitaire aujourd'hui (45% estiment que l'égalité entre hommes et femmes y est satisfaisante) qu'en 2005 (36%). Les jugements en la matière semblent intégrer les progrès notables obtenus suite à la loi sur la parité en politique, votée en 2000, et qui a permis une meilleure représentation des femmes parmi les élus bien que l'égalité reste encore loin (seuls 27% de femmes à l'Assemblée nationale et 25% au Sénat).

De plus en plus sévères sur l'égalité entre hommes et femmes dans notre pays, la plupart des Français s'accordent cependant à considérer que des progrès ont été accomplis. Cela ne constitue pas un paradoxe : l'égalité n'est toujours pas atteinte aux yeux des Français et cette situation est sans doute moins acceptée qu'il y a quelques années, mais dans le même temps, la condition des femmes dans notre société est jugée " moins pire " que dix ans auparavant et, a fortiori, que celle d'il y a plusieurs décennies. 65% des Français estiment que la situation s'est améliorée pour le partage des tâches ménagères au cours des dix dernières années (dont 57% des femmes), 63% pour l'accès aux fonctions politiques (56% des femmes), 53% pour l'accès aux postes à responsabilité (45% des femmes) et 46% pour le niveau de salaire (34% des femmes).

Une reconnaissance des inégalités nettement plus forte en France que dans le reste de l'Europe

La reconnaissance des inégalités entre hommes et femmes est très importante dans notre pays en comparaison de celle qui prévaut dans d'autres États européens. Au sein de l'UE, c'est en France qu'elle est la plus élevée, 79% des Français jugeant ces inégalités répandues (20% les considérant même " très répandues "), alors que ce pourcentage est de 10 points moins élevé en Italie (68%) et deux fois moins important en Bulgarie (37%).

Quelle prise de conscience des inégalités entre les hommes et les femmes en France ?

La comparaison avec les autres pays reste ardue, puisque tous ne présentent pas le même niveau d'inégalité réelle, mais il ressort assez clairement que la perception des inégalités n'est pas corrélée à leur effectivité. Si l'on prend pour indicateur le différentiel de salaire entre les hommes et les femmes calculé par Eurostat, les pays les plus inégalitaires sont l'Estonie (28% d'écart de revenus entre hommes et femmes), la république tchèque (26%) et l'Autriche (25%). Or, si dans les deux premiers pays, la perception des inégalités entre les sexes se révèle comparable (51% des Estoniens et 52% des Tchèques jugeant ces inégalités répandues), celle-ci est bien plus forte en Autriche (66%). En outre, cette donnée objective n'explique pas pourquoi la France se situe en tête de la perception des inégalités, alors qu'elle présente un écart de revenus un peu inférieur à la moyenne européenne.

Un indicateur de représentation politique des femmes ne permet pas d'obtenir une meilleure corrélation avec la perception des inégalités. Le pays de l'UE comptant le plus de femmes élues au Parlement est la Suède ( 44%), qui est également l'un des pays où les inégalités entre hommes et femmes sont les plus reconnues. L'Espagne, qui se classe troisième ((Pour les pays où le pouvoir législatif est détenu par plusieurs chambres, c'est la composition de la chambre basse qui est prise en compte)) avec 41% d'élues, se caractérise également une forte reconnaissance des inégalités, tandis qu'en Finlande, deuxième avec 42% d'élues, celle-ci est nettement moins marquée (44% des Finlandais jugent les inégalités répandues dans leur pays contre 76% en Espagne - les deux pays présentant par ailleurs un écart de salaire à peu près identique selon les données Eurostat, environ 19%). Et dans les pays où les femmes sont les moins représentées au sein du parlement, la Hongrie (10% d'élues), Chypre (13%) et Malte (13%), les inégalités entre hommes et femmes sont moins reconnues qu'en moyenne européenne.

Il semble ainsi impossible d'établir un lien entre la perception des inégalités et les principaux indicateurs qui la mesurent dans la réalité des faits. D'autres dimensions participent à la formation des opinions sur ce sujet, parmi lesquelles nous pouvons avancer les représentations associées aux genres masculin et féminin ainsi que la prise de conscience politique des inégalités entre hommes et femmes, plus ou moins forte selon les pays.

Les différences de perception entre les pays européens semblent, en grande partie, dessiner un clivage est-ouest, avec des inégalités généralement considérées comme plus répandues dans les pays de l'Ouest. Or, c'est également dans ces pays que les clichés sexistes apparaissent souvent moins partagés. Par exemple, la France, l'Espagne et la Suède - les trois pays où l'on pense le plus que les inégalités entre les hommes et les femmes sont répandues - figurent également parmi les États où l'on déclare le moins penser que " les femmes veulent moins faire carrière que les hommes " (13% en France, 18% en Suède et 19% en Espagne, contre 29% en moyenne dans l'UE).

Le clivage Nord-Sud, qu'on aurait pu penser particulièrement prégnant si l'on acceptait l'imaginaire des " latins " machos, est finalement peu opérant, comme le montrent les résultats auprès des Espagnols. Les Italiens sont cependant nombreux à penser que les femmes ont moins de velléités professionnelles (38%), mais moins que les Autrichiens (47%) - pays où les femmes restent assez largement au foyer pour s'occuper de leurs enfants en bas âge, du fait du peu de structures d'accueil de la petite enfance et de l'ancrage de l'image de la " mère corbeau ".

Ce sont en revanche les Italiens qui sont les plus persuadés que " les hommes sont moins compétents que les femmes pour accomplir les tâches ménagères " (71% contre 50% en moyenne dans l'UE) ((Relevons que contrairement aux a priori et aux autres clichés testés dans l'enquête, ce sont les femmes qui vont partager le plus cette idée d'une incompétence des hommes face au ménage, consacrant sans doute leur moindre expérience des tâches domestiques ; dans tous les pays européens, les femmes s'occupent de la majorité des tâches ménagères, y compris dans ceux considérés comme les plus vertueux en matière d'égalité hommes-femmes, comme les pays nordiques.)).

Quelle prise de conscience des inégalités entre les hommes et les femmes en France ?

La comparaison avec les autres pays européens est plutôt rassurante pour la France, où les inégalités entre hommes et femmes sont largement reconnues et les clichés sexistes semblent moins répandus qu'ailleurs. Néanmoins, la prise de conscience n'est toujours pas complètement accomplie, loin de là. Près d'un Français sur quatre estime que l'égalité est satisfaisante sur la question des salaires, alors que les différences de gain entre hommes et femmes restent très importantes, un sur trois se déclare satisfait de l'accès aux femmes aux postes à responsabilité alors qu'elles y sont notoirement très peu présentes et quatre Français sur dix s'accommodent du partage des tâches ménagères alors que les femmes en réalisent toujours l'écrasante majorité.


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