Forte affluence à l'Utopia Toulouse, mardi 8, pour l'avant-première de " Much loved " du réalisateur franco-marocain Nabil Ayouch, qui présentait son film au public ce soir-là (le film est à l'affiche à partir d'aujourd'hui).La salle était, à 80 % environ, féminine... Le sujet du film justifiait cette particularité en effet, " Much loved ", présenté cette année à Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs, aborde de front un sujet totalement tabou dans beaucoup de pays arabes : la prostitution féminine. Le réalisateur, qui a tourné le film à Marrakech, a eu pourtant toutes les autorisations de tournage nécessaire pour aborder, avec une justesse de ton remarquable, et sans voyeurisme, cette réalité présente sur toute la planète, mais, selon les pays, plus ou moins cachée, plus ou moins avouée.
Trois, puis quatre femmes exerçant " le plus vieux métier du monde ", cohabitent dans un appartement, sous la férule d'une d'entre elle, plus âgée que les trois autres... et plus lucide sur leur condition de femmes méprisées (formidable Loubna Abidar, dans le rôle de Noha ). Elles se font inviter dans des soirées où de riches saoudiens les traitent comme des objets sexuels, et sont véhiculées par une sorte de mentor bienveillant qui leur sert de taxi, et, dans une certaine mesure, les protège.
Nabil Ayouch, qui n'en est pas à son premier film, est allé au maximum de ce qu'il estimait pouvoir montrer : un film pudique au niveau des images (aucune scène vraiment déshabillée), mais très cru, très réel (on le suppose...) au niveau des dialogues. Et c'est à partir de là que ça se gâte : oh, non pas que la qualité du film soit en cause... Mais cela se gâte au niveau des réactions du public !
Acclamé à Cannes (comme l'avait été le film turc " Mustang ", dont nous avons déjà parlé ici, et qui présente des analogies certaines avec " Much Loved "), le film a ensuite été brutalement interdit de projections publiques au Maroc, sans que l'on ait donné de raisons précises au producteur et au réalisateur du film. Et, en effet, le film, qui est bien entendu visible sur Internet partout dans le monde, provoque des réactions très contrastées chez les ... spectatrices, qui, mardi dernier à Toulouse, manifestaient soit un enthousiasme sans réserve, soit de fortes critiques, en disant notamment que l'on n'avait pas le droit de présenter de façon aussi crue cette réalité sociale... Certaines s'interpellaient même... mais on n'en est pas venu aux mains, quand même.
Et cela a été aussi le cas dans les autres villes de France où le film a été vu en avant-première, et notamment au Louxor, célèbre salle parisienne de Barbès qui, autrefois, présentait des comédies musicales indienne ou égyptiennes... Bref, nous sommes revenus au bon vieux temps des ciné-clubs, lorsque, à la suite des projections, des spectateurs s'invectivaient après avoir vu des films néo-réalistes italiens ou du cinéma soviétique des années 1920. En sortant de l'Utopia, mardi 8, les spectatrices et spectateurs ont pu constater une présence policière assez visible dans la rue Montardy... Signe des temps, hélas... Mais très bonne soirée de cinéma !