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Ifremer: péril sur huîtres, moules et coquillages

Publié le 18 septembre 2015 par Blanchemanche
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IFREMER: PÉRIL SUR HUÎTRES, MOULES ET COQUILLAGES
La France va t-elle baisser la garde sur la surveillance de l'environnement côtier ? Et donc des risques sanitaires liés aux exploitations d'huîtres et de moules ou à la pêche à pied des coquillages ? Un risque pourtant identifié, et susceptible d'évoluer avec les transformations que l'homme inflige aux milieux marins (pollutions, réchauffement des eaux). C'est ce que laissent penser les annonces de la direction de l'Ifremer, l'Institut de recherche pour l'exploitation de la mer, lors de réunions de son comité d'entreprise.Cet Institut est dans le collimateur gouvernemental, avec la décision absurde et politicienne de la délocalisation de sa direction de la Région Parisienne (Issy les Moulineaux où l'Ifremer est propriétaire de ses locaux) vers Brest. Absurde, car cet établissement est pour l'essentiel implanté dans les régions maritimes et seules ses fonctions centrales, à faibles effectifs, sont installées près de Paris (lire ici et là les notes sur ce sujet). Il se confirme d'ailleurs que l'absurdité de la décision est actée par le gouvernement lui-même puisque le projet actuel prévoit le maintien "d'une antenne de taille modeste" - la présidence ?, les paris sont ouverts - près de Paris, par exemple à... Issy les Moulineaux. Le tout pour un coût qui pourrait aller à 25 millions d'euros pour le transfert.Une décision qui en outre pourrait ne pas passer ... le Conseil d’État ! Le syndicat CGT de l'Ifremer a en effet fait appel au Conseil d’État pour contester la décision du gouvernement comme mettant en cause l'autonomie de gestion de l'Ifremer.Or, hier, le Rapporteur public a tout simplement donné raison à la CGT en recommandant l'annulation de la décision (voir document ci-contre). Même si le Conseil d'Etat n'est pas obligé de suivre la recommandation du Rapporteur public, c'est un signe assez clair de la mauvaise gestion de ce dossier par le gouvernement. Le Conseil d'Etat pourrait lui donner un prétexte pour revenir sur une décision contraire à l'intérêt général, saura t-il en user ?

MISE SOUS TENSION BUDGÉTAIRE

IFREMER: PÉRIL SUR HUÎTRES, MOULES ET COQUILLAGESMais l'Ifremer est en outre victime d'une restriction de ses moyens financiers ce qui se traduit par une "mise sous tension budgétaire"de l'établissement indique un document remis au Comité d'Entreprise. Résultat ? Personnels en réduction (-5% depuis 2011). Non renouvellement de la flotte (perte de 2 des 6 navires côtiers) et un rapport de l'Inspection générale qui demande un nouveau plan d'évolution de la flotte. Des programmes scientifiques qui ont perdu 17% de leurs financements entre 2012 et 2015... A moyen terme, le gouvernement a, comme pour d'autres organismes scientifiques, imposé un contrat d'objectifs (que l'Ifremer doit atteindre)... mais qui ne comporte pas d'engagement financiers de l’État.Surtout, il semble que le gouvernement ait demandé au nouveau PDG, François Jacq une nouvelle "rationalisation" qui se traduit par des fermetures d'implantations locales, de certains LER - Laboratoire environnement et ressources - chargés en particulier de la surveillance des eaux et ressources marines, en appui des politiques publiques, locales et nationales.

MENACE SUR LA SURVEILLANCE DES RISQUES SANITAIRES

Comme l'indique un document interne de l'Ifremer queLibérations'est procuré: «Chaque LER (Laboratoire environnement et ressources) est en charge d’un secteur du littoral, leur ensemble couvrant la totalité des côtes métropolitaines. Les missions des LER, qui englobent les relations avec – entre autres – les services déconcentrés de l’État, les collectivités et les organisations professionnelles 

L'Ifremer conseille l'Etat sur les mesures à prendreL'Ifremer conseille l'Etat sur les mesures à prendreconchylicoles, nécessitent une organisation qui garantisse la disponibilité et la continuité de service. Ainsi le réseau des LER possède-t-il une capacité à se mobiliser en cas de crise environnementale ou sanitaire, en réponse aux sollicitations de la puissance publique. Au-delà de la capacité de l'institut à opérer ses réseaux sur l'ensemble des façades, les LER répondent à de nombreuses sollicitations locales ou régionales d’avis et d'expertise.»Des laboratoires qui ont déjà été rationalisés avec le regroupement des activités d'analyses des toxines dans les produits de la mer par exemple. C'est vers eux et leurs personnels scientifiques et techniques que se tournent les Préfets et les autorités locales, comme les professionnels à chaque crise, ou lorsqu'il faut prendre des décisions.Or, le document interne de l'Ifremer évoque la perspective de l'abandon de certaines activités de prélèvement et d'analyses, qui seront sous-traités à des opérateurs privés pour le compte de la DGAL (Direction générale de l'alimentation). Les spécialistes de l'Ifremer n'auraient plus qu'un rôle de conseil. Un scénario qui inquiète même ses auteurs, puisque le document affirme que l'Ifremer devrait continuer "au moins trois ans" à prendre en charge le bulletin "REPHY info toxine" ce qui suppose de disposer en temps réel et en direct des résultats des analyses.

POLITIQUE DE GRIBOUILLE

«Dans notre contrat d'objectifs signé avec l'Etat, il y a les missions de service public dont fait partie la surveillance de l'environnement», note Thierry Noël, le délégué central CFDT de l'Ifremer. «Le paradoxe, c'est que la demande publique d'expertise est en croissance, tant pour les sujets nationaux que pour les expertises locales. Mais cela suppose des moyens pour y répondre. Les missions de surveillance peuvent certes évoluer, notamment lorsque l'on est juge et partie, pour la sécurité sanitaire des coquillages par exemple, puisque l'on intervient aussi comme conseil des préfectures pour les décisions. On souhaite adosser de la recherche à l'expertise règlementaire afin d'améliorer cette activité et c'est une nécessité. L'idée d'externaliser les prélèvements et les analyses au privé... tout en annonçant la fermeture de sites côtiers, et la concentration des activités sur quelques sites, peut être comprise comme un risque de recul de la surveillance et ne permet pas de comprendre les évolutions possibles. Cela fait peur aux salariés, à juste titre.»Il y a là une politique de gribouille : la surveillance de l'environnement côtier ne peut être financée que par les deniers publics. Qu'elle qu'en soit la source - locale, régionale, nationale.... c'est toujours de l'argent public. Donc, aucune économie d'argent public ne peut être obtenue par l'externalisation et la privatisation de cette activité. En revanche, couper l'activité de surveillance de la recherche sur les motifs et les limites de cette surveillance règlementaire, et concentrer les analyses sur quelques implantations en fermant les petits sites côtiers équipés en moyens (zodiac, etc) permettant de réagir vite à la survenue d'un événement, ne peut avoir comme conséquence à terme qu'un affaiblissement de la surveillance.Le cas de l'environnement côtier n'a rien d'exceptionnel. La surveillance des risques naturels (séismes, volcans, inondations, crues...) est plus serrée qu'auparavant car l'exigence de la société en terme de sécurité est plus forte. Donc, il faut y consacrer plus de moyens, et souvent dans une liaison étroite avec la recherche afin d'éviter que la routine nécessaire n'entraîne l'incapacité à identifier les risques émergents ou la non moins nécessaire adaptation de la règlementation. La problématique d'un financement public pérenne et de bon niveau de cette activité est une demande sociétale reconnue.

LES SITES DE LHOUMAU, ANGLET, LA TRINITÉ ET DINARD MENACÉS

Nombre de ces réseaux de surveillance ont été créés à la suite de crises sanitaires ou simplement de production en raisons de maladies des coquillages et mollusques. Mais l’État a toujours rechigné à inscrire leur financement dans la durée. Un comportement absurde puisqu'il n'y a aucune raison pour ces risques disparaissent. La Direction de l'Ifremer se place donc dans cette perspective et prévoit de fermer plusieurs implantations : Lhoumau et Anglet (Golfe de Gascogne), La Trinité et Dinard... Dans une lettre aux élus bretons, le syndicat CGT de l'Ifremer souligne que "derrière les 90 emplois promis" (par la délocalisation de la direction), "30 emplois sont menacés avec les projets de fermeture des stations de Dinard et de La Trinité-sur-Mer." Pour sa part la CFDT regrette cette décision du gouvernement de délocaliser les services de direction et souligne qu'«alors que l'Institut est en pleine évolution après une présidence catastrophique qui avait eu de nombreuses conséquences sur l'organisation et l'efficacité de l'Ifremer. Tout ceci contribue à déstabiliser l'Institut au moment où nous nous trouvons à un tournant de notre histoire de par les nouvelles orientations scientifiques et techniques prévues. Devoir mener de front ces mutations et une délocalisation, en cette période charnière, constitue une difficulté supplémentaire dont les salariés n'ont vraiment pas besoin et qui peut mettre en péril notre institutPar Sylvestre Huet, le 17 septembre 2015http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2015/09/fermetures-de-sites-%C3%A0-lifremer.html

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