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De l'économie à l'enseignement: quand l'acteur devient coproducteur...

Publié le 07 juin 2008 par Christophe Foraison
De l'économie à l'enseignement: quand l'acteur devient coproducteur...Le billet du week end me permet de vous annoncer que dans quelques jours, SOS...SES...Je Blogue va fêter ces deux années d'existence.
Ce sera l'occasion de faire le point sur cette activité bloguesque ^^

Pour aujourd'hui, je vais partir de deux anecdotes (elles sont tellement riches que je pourrais en parler pendant des heures, bavard que je suis^^).


1 / Il y a quelques semaines, lors de la Foire d'Auxerre, ma femme, mes enfants et moi sommes accostés par une dame qui nous demande si nous voulions voir des huitres perlières et éventuellement gagner une perle.
Tout le monde a dit oui ^^: ma femme parce qu'elle adore les bijoux, les enfants parce qu'ils adorent les animaux et les jeux, moi parce que je me dis que pour la fête des mères, c'est l'occasion rêvée.

Arrivés devant le stand du bijoutier, il nous tiens le discours suivant (après nous avoir expliqué les particularités des huitres perlières japonaises) : "voici une vingtaine d'huitres, si vous en trouvez une avec une perle, je vous l'offre avec un certificat d'authenticité. A vous de jouer, que la chance soit avec vous."

Ma femme commence à choisir une huitre, le bijoutier l'ouvre, manipule précieusement l'animal pour faire ressortir une perle. Rien.

C'est à mon tour, je choisis une petite huitre bien ronde, comme on dit qui ne paye pas de mine. Même démarche, mais l'issue est différente. Une perle en forme de goutte d'eau d'un rose nacrée !

Evidemment je deviens le héros du jour, le bijoutier me félicite (de façon à ce que tout le monde l'entende bien), il me montre qu'il s'agit bien d'une véritable perle par divers procédés, nous place la perle dans un petit coffret avec certificat puis nous invite à passer à côté pour l'équiper d'une monture en or.

Tout le monde est satisfait: ma femme car elle a eu un bijou original, mes enfants qui ont été intrigués par les huitres ("Et quand on va à la mer, on pourra en chercher des huitres perlières ?^^), moi parce que j'ai trouvé la perle... Sans oublier le bijoutier qui a trouvé un client !


2 / il y a quelques jours, j'ai organisé plusieurs séquences en seconde pour mettre les élèves dans des mini jeux de rôles.

Premier cas
, il s'agissait de diviser la moitié de classe (on est en TD) en deux groupes, l'un réalisait un produit selon des méthodes artisanales (pas de division du travail), l'autre effectuait les tâches par une division du travail (chacun réalise une tâche simple et répétitive).

On chronomètre, on vérifie la qualité des productions réalisées, on introduit des variables supplémentaires lorsque l'expérience est renouvelée (je stresse en indiquant le temps qu'il reste pour effectuer la tâche, je fais la promesse qu'il y aura une récompense etc...).


Deuxieme cas, la moitié de classe est aussi divisée en deux. Il s'agit de négocier un accord dans une usine pour améliorer la productivité et les conditions de travail.
La direction a longtemp été paternaliste, un nouveau directeur des ressources humaines arrive, il veut améliorer les résultats pour développer les ventes.
De l'autre côté, les salariés trouvent que le travail à la chaîne est trop pénible, le pouvoir d'achat n'augmente pas suffisamment, l'ambiance avec l'encadrement n'est pas bonne.
Trop d'absentéisme, de rotation du personnel, et d'accidents du travail.
Je donne quelques données chiffrées aux élèves, et je leur demande de négocier un contre un un accord qu'il faudra écrire et signer pour parvenir à régler ces problèmes.

Deux contraintes s'imposent: les revendications ont un coût (j'ai donné quelques exemples: réclamer 4 % de hausse de salaires coûte 800 000 €, changer la chaîne : 1 800 000 € etc...), la négociation également. L'usine est en grève, chaque jour (ici c'est une tranche de 5 mn) représente 250 000 € de pertes (les salariés perdent 1 / 30 ème de leur mois; et l'entreprise perd une partie de sa production).
Ensuite, nous mettons les résultats au tableau pour montrer la richesse de la diversité des accords, les points qui posent problème (par exemple, il y a des groupes où l'une des deux parties obtient beaucoup sans contrepartie, des groupes qui ne sont pas parvenus à un accord, des groupes qui sont allés très vite etc...)

De l'économie à l'enseignement: quand l'acteur devient coproducteur...                          photo de René Maltete


Q
uel est le point commun entre ces deux anecdotes ?

Dans les deux situations, les individus participent aux processus.

Dans le second cas, il s'agissait de faire comprendre aux élèves en quoi la division du travail pouvait être source d'efficacité (première expérience), et d'aider les élèves à comprendre ce qu'est une négociation (des groupes aux intérêts divergents peuvent trouver un terrain d'entente).
Pour cela, ils devaient observer, calculer, sélectionner, formaliser...
J'ai complété ces séances par des cours plus classiques ensuite et procédé à des évaluations.
Les résultats furent très satisfaisants, ils ont fait de véritables raisonnements économiques.


Dans le premier cas
, le commerçant a associé le client à l'élaboration du produit.
En effet, il est évident que nous n'aurions pas acheté ce bijou si nous l'avions trouvé exposé de façon classique.
En intéressant le consommateur, l'objet réalisé devient un peu son oeuvre.
Ce n'est pas nouveau évidemment (Ikéa a bâti son succès sur le fait que le prix des meubles est plus faible parce que le consommateur est transformé en livreur-monteur). Je vous conseille de regarder la vidéo extraordinaire sur l'entreprise Lego (dans
cet article, le plus lu depuis 30 jours ^^)

De l'économie à l'enseignement: quand l'acteur devient coproducteur...   Dessin de Escher


Elargissons un peu maintenant l'analyse
.
Deux aspects me paraissent centraux:

- si on adopte l'angle économique, ce processus est
source d'efficacité et de gains par l'exploitation économique de la dynamique relationnelle.

Je cite Francis Pisani et Dominique Piotet:

"l'exemple de la compagnie Easyjet est une bonne illustration de cocréation de valeur. Le consommateur réserve et paye son voyage sur internet, imprime son e-ticket et va faire son propre check in sur des bornes automatiques disposées à cet effet dans les halls d'embarquement d'aéroport. Le gain de temps et de productivité est optimal. Il est redistribué en partie sous forme de discount aux clients. Easyjet peut pratiquer des prix très compétitifs, parce qu'elle est très productive et qu'elle fait travailler le consommateur (...)
Une des forces du système tient à ce qu'il fonctionne d'autant mieux que l'on fournit des outils aux personnes. Les outils de la participation, du partage et de la collaboration ont un effet démultiplicateur fort sur la façon dont sont produits les biens et services dans le modèle de l'économie directe. Plus vous permettez aux utilisateurs d'être acteurs, plus vous créez de leviers pour permettre la co-création vers laquelle se dirige l'économie de demain."


Source: "Comment le web change le monde" Edition de l'atelier 2008.


- si on adopte l'angle sociologique, ce processus est en phase avec
la société des individus dont parlaient à la fois Norbert Elias (voir ici) et François de Singly (dont j'ai déjà parlé dans ces billets)
 En effet, non seulement le consommateur devient un
consommacteur (on prend en compte ses réactions, on l'intègre dans la prise de décision, il peut suggérer des pistes que le producteur n'avait pas initialement prévue); mais en plus le résultat obtenu est beaucoup plus individualisé qu'auparavant.

De l'économie à l'enseignement: quand l'acteur devient coproducteur...                René Magritte Golconde


En voilà un qui, dans ce morceau, fait participer le public, non ?
Ecoutez-moi cette dynamique relationnelle suscitée par Ray Charles ^^


Découvrez Ray Charles!

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