Magazine Côté Femmes

Interview de féministe #4 : Karine

Publié le 21 septembre 2015 par Juval @valerieCG

Beaucoup ont tendance à voir les féministes comme un groupe monolithique, dont les membres seraient interchangeables. Le féminisme est, plus que jamais, riche de personnalités très diverses.
J'ai donc décidé d'interviewer des femmes féministes ; j'en connais certaines, beaucoup me sont inconnues. Je suis parfois d'accord avec elles, parfois non. Mon féminisme ressemble parfois au leur, parfois non.
Toutes sont féministes et toutes connaissent des parcours féministes très différents. Ces interviews sont simplement là pour montrer la richesse et la variété des féminismes.


Interview de Karine.

Bonjour peux tu te présenter ?

Bonjour, je m'appelle Karine, j'ai 44 ans, je vis à Lille depuis 2 ans après avoir été longtemps parisienne dans le 19ème, j'ai 2 enfants, un garçon de 12 ans et une fille de 11 ans, en garde alternée et je vis un couple (mon mec a lui-même un garçon de 9 ans, mais seulement un week-end sur 2 à son grand désespoir). Je travaille en free-lance dans le marketing depuis 5 ans, après de nombreuses années de salariat. J'organise donc mon temps beaucoup comme je le souhaite, ce qui me permet de dégager du temps pour ATD Quart Monde où je suis engagée depuis 5 ans, en particulier sur le sujet de l'école.

Depuis quand es tu féministe ?

Je crois avoir toujours été féministe: aînée de ma fratrie (j'ai un frère et une sœur) de parents soixante-huitards (quand ils étaient jeunes et donc m'ont eue !), j'ai eu l'impression d'être élevée de façon assez indifférenciée. Toutes les photos de moi petite sont en jean, salopette, coupe à la stone, j'ai eu très peu de poupées, en revanche j'ai eu des bouquins, des feuilles et des crayons dans les mains dès que j'ai pu les tenir. Et j'ai aussi été plutôt poussée dans mes études, dans l'idée d'être autonome et indépendante. Pas du tout dans l'idée "marie-toi et fais des enfants" et encore dans l'option de ne pas travailler. C'était aussi un acquis dans ma famille que contraception et ivg étaient évidemment autorisés sans condition (j'ai été aussi élevée dans le rejet clair des religions). Et qu'être féministe était bien (et pas un truc de femme frustrée, au contraire). Même si ma mère était au foyer et donc je me suis retrouvée une fois professionnelle et mère avec la double-injonction contradictoire "bosse à fond, sois indépendante financièrement" + "sois une mère parfaite et disponible".

J'ai aussi réalisé très jeune qu'il y avait des stéréotypes fille vs garçon, justement parce que je n'étais pas vraiment dans le stéréotype fille (pas dans les jeux de "fille" dans l'enfance, pas du tout intéressée par mon apparence à l'adolescence, pas du tout dans les jeux de séduction, hyper agacée par les commentaires du type "t'es drôlement bonne en maths pour une fille", choquée des commentaires sur les "filles faciles" quand les garçons à gros tableau de chasse étaient bien vus).

Mais c'est surtout dans la vie professionnelle que j'ai vu les différences de traitement qui m'ont mise en rage: quand, jeune diplômée, j'ai commencé à travailler dans une grande banque française, j'ai vu qu'à diplôme et fonction égaux, j'étais moins payée qu'un collègue mec. Sous prétexte qu'il avait fait son service militaire. Non mais pardon, en quoi ça le sur-qualifie à faire du contrôle de gestion par rapport à moi ?? Ensuite, quand j'ai demandé une expatriation, on m'a dit explicitement que c'était plus compliqué pour une femme, sauf si elle était mariée à un homme de la banque qui lui-même serait expatrié. Une collègue a perdu 1,5 année d'augmentation pour un congé maternité de 3 mois et demi...

Et puis je me suis trouvée, dans une autre boite, un poste au Pérou et j'ai été frappée par la différence entre la France et le Pérou (censé être un pays machiste pourtant): jamais au Pérou, je n'ai eu la moindre remarque sur le fait que je sois une femme dans mon boulot. Alors qu'en France, j'avais régulièrement droit à des "ah c'est agréable un sourire féminin dans une réunion", "vous présenterez les chiffres au directeur, ce sera plus agréable pour lui si c'est vous que moi". La seule fois où j'ai été ramenée à ma condition de femme et non de professionnel, c'est lors de la visite du PDG français qui a passé son temps le nez dans mon décolleté sans écouter un mot de ce que je disais. Dire que ça m'a mise en rage (en plus de choquer mes collègues péruviens) est un euphémisme. A l'inverse, au Pérou, j'ai vu ce qu'est une société où l'IVG est illégal et ça c'est une belle claque, d'autant plus que j'ai avorté peu de temps avant d'y partir et que je voyais le droit à l'IVG comme l'avancée la plus importante du droit des femmes (pour ça oui, j'ai fait des manifs et j'ai été témoigné sur le blog "je vais bien merci" dont j'aime beaucoup le propos). J'ai fait un long article sur l'IVG très documenté (à la fois statistique et philosophique) sur un site d'opinions en 2001 et j'ai été bouleversée par la violence inouï des commentaires, ça m'a fait réaliser que ce n'est pas aussi acquis que ça en a l'air.

Ca s'est encore affirmé quand j'ai eu des enfants. Subissant de plein fouet la double injonction "mère parfaite" et "grande pro", avec un père certes impliqué dans le maternage mais trouvant somme toute normal que je gère toute l'intendance logistique et administrative de la maisonnée (et pas normal que je m'en plaigne, notons que je m'en suis séparée depuis). Une de mes meilleures amies vivait la même contradiction et nous échangions beaucoup sur nos points de vue féministes, c'est ensemble qu'on a décrypté nos conditionnements (parce que bien sûr il faut se laisser faire pour se retrouver à tout assumer). Je me suis mise à lire pas mal de bouquins (je pense en particulier à L'injustice ménagère de François de Singly qui a m'a aidée à mettre des mots sur ce que je ressentais plus ou moins confusément), des blogs, à aller à des conférences, j'ai même été rencontré des chercheurs sur la conciliation vie privée / vie pro. A fréquenter des réseaux pros féminins aussi. Où d'ailleurs le féminisme n'a pas toujours bonne presse: je me souviens m'être opposée à une oratrice qui expliquait doctement qu'il fallait promouvoir un esprit féminin en entreprise sans tomber dans le féminisme. Je lui ai expliqué que promouvoir les femmes, mettre à jour les mécanismes des plafonds de verre, c'EST du féminisme et que dire le contraire dessert les femmes. C'est quand même pas honteux de souligner qu'aujourd'hui les femmes sont moins bien payées, moins promues et que c'est pas normal et qu'il est temps d'y remédier.

Et c'est aussi le moment où j'ai commencé à prêcher "la bonne parole" autour de moi, à expliquer les mécanismes des stéréotypes et des injonctions sociales à mes copines. A expliquer aussi en quoi "féministe" n'est pas un gros mot. Je crois avoir ouvert les yeux à pas mal. Même si, bien sûr, le savoir n'empêche pas systématiquement la reproduction des modèles (et oui, c'est toujours frustrant de voir une copine intelligente et indépendante devenir l'épouse modèle au service de la carrière de son mari. Ou celle qui annonce fièrement porter le nom de son mari).

C'est en revanche assez tard que je me suis sensibilisée à la problématique de la culture du viol. Via des lectures de blogs clairement. Mais aussi parce que, avec ma bande de copines, on échange sur un forum privé où on partage des choses souvent intimes et j'ai découvert que, dans cette bande de 30 nanas "normales" (dans le sens pas spécialement féministes, généralement mariées et mères de famille avec tout type de job), 8 ont vécu viol ou abus sexuel (et ça n'inclut pas les zones grises du petit copain ou mari qui "force un peu" ou met la pression). 8 sur 30, ça m'a paru vraiment massif. Et je vois surtout les dégâts du silence autour. Sur les 8, AUCUNE n'a porté plainte (moi non plus d'ailleurs). Même celles qui ont vécu des viols archétypes (inconnu sur lieu public). Donc c'est surtout sur ça que je me documente et l'ouvre maintenant.

Et puis je suis mère de 2 enfants, d'une fille et d'un garçon, et je suis donc hyper-sensible aux questions des différences de traitement filles - garçons dans l'éducation et à l'école. Longtemps uniquement sous l'angle "bridage des filles", et je crois que les 2 sont très sensibilisés sur la question. Et maintenant que mon fils est collégien et pré-ado, aussi sous l'angle "formatage viriliste des garçons" parce que, d'une part, je vois comme ça fait du mal aux garçons qui n'adhèrent pas à ce formatage et d'autre part parce que c'est évidemment là que se joue le futur harcèlement des filles. Je me refuse à éduquer ma fille à "faire attention" dans l'espace public même si je la prépare au fait qu'elle sera forcément harcelée (et donc qu'il faudra se défendre, PAS "faire attention". Bon je crains que son père n'ait pas la même politique que moi sur ce point). Je me concentre davantage sur l'éducation de son frère finalement: lui expliquer pourquoi c'est intolérable, pourquoi et comment il lui faudra s'opposer à ses "copains" s'il les voit avoir ce type de comportements.

As tu une éducation antisexiste avec tes enfants ? Enseignes tu des choses différentes selon que tu parles à ton fils ou à ta fille ?

J'ESSAYE d'avoir une éducation antisexiste avec mes enfants oui. De là à dire que j'y arrive je ne sais pas. J'essaye de ne pas marquer de différences liées à leur sexe, en priorité. Par exemple, j'avais lu et vu pas mal de choses sur les différences de comportements des adultes et des mères en particulier vis à vis de leur bébé selon que ce soit une fille ou un garçon, dans la façon de les tenir, de répondre aux pleurs. Du coup, j'ai fait attention à me comporter de façon identique quand ils étaient bébés. J'ai évité les vêtements trop genrés quand ils étaient petits aussi: mon critère, comme j'ai un garçon puis une fille assez rapprochés en âge, c'était que je puisse utiliser les vêtements pour l'un ou l'autre indistinctement (bon, évidemment, on m'a offert des tas de robes pour ma fille... Alors que, franchement, une robe sur un bébé, dans le genre pas pratique pour marcher à 4-pattes, hein !). Maintenant ils ne s'habillent plus pareil évidemment (même si ma fille trouve ses hauts plutôt dans les rayons garçon parce qu'elle supporte pas le rose, les fleurettes et les imprimés chatons) mais je mets le même focus (assez bas) sur la coquetterie pour mon fils que pour ma fille.

Je leur proposais les mêmes activités périscolaires et je les ai plutôt poussés à tester des activités atypiques pour leur genre (mon fils a fait de la danse. Il aimait beaucoup. Sauf qu'il était le seul garçon et a fini par avoir des remarques. Ma fille a milité pour que les filles puissent faire du foot avec les garçons sur la pause méridienne à l'école, alors qu'elles étaient cantonnées à faire pompom-girl, j'ai du finir par m'adresser à la directrice de l'école...). Encore aujourd'hui, ils font tous 2 du triathlon par ex et ça me plait que ce soit un sport peu genré.

Je leur propose aussi les mêmes livres. Et quand mon fils m'a répondu une fois "ça me tente pas trop ce bouquin parce que c'est une fille l'héroïne, pas un garçon", je lui ai fait remarquer que sa soeur se tapait beaucoup de romans dont le héros est un garçon sans rechigner et heureusement pour elle parce que sinon sa bibliothèque serait nettement plus petite que la sienne. Résultat, c'est lui qui est allé faire un scandale dans une librairie parce que la série qu'il lisait à ce moment Le journal de Georgia Nicholson était classé dans "romans pour filles": il leur a fait remarquer qu'il n'y avait de catégorie "romans pour garçons" donc dire "romans pour filles", c'est débile.

Dans le même genre, longtemps, on demandait aux 2 "alors est-ce que tu as un amoureux ou une amoureuse ?": leur père a pas mal fréquenté les milieux gays et c'est lui qui a souligné, à juste titre, qu'on n'avait pas à les étiqueter hétéro dès leur plus jeune âge. Bon, un jour, mon fils a fini par dire "non mais en fait, je crois pas que je serai amoureux d'un garçon, je suis plutôt amoureux de filles" donc on a arrêté. Mais, du coup, ils ont manifesté pour le mariage pour tous en ne comprenant même pas pourquoi il y avait à manifester tellement ça leur paraissait évident.

En entrant dans l'adolescence, même si aux 2, je recommande d'abord de cultiver leur propre personnalité (vs la pression des pairs), je commence à différencier. Je crois ma fille très sensibilisée sur les injustices faites aux filles, parce qu'elle en a vécu directement via le sketch du foot à l'école (j'ai adoré qu'elle fasse remarquer cet été qu'on dit "coupe de monde de foot" quand c'est des hommes et "coupe du monde de foot féminin" quand c'est des femmes. Et que c'est parfaitement sexiste). Son frère ne le vivant pas directement s'en rend moins compte. Donc c'est moi qui les lui souligne. Par ex, l'an dernier, il était dans une classe à projets "enfants précoces" et, sur 25, il n'y avait que 5 filles. Je lui ai demandé s'il avait une idée de pourquoi il y avait si peu de filles. Première réponse "y a moins de filles précoces ?". Mauvaise réponse évidemment (je lui ai sorti les statistiques, il est très factuel comme gamin, il a besoin de preuves). Et je lui ai expliqué les différences de traitement, le fait que les parents investissent plus l'éducation des garçons, que les filles sont davantage conditionnées pour ne pas poser de problème en classe (donc n'ont pas besoin d'être dans une classe "spéciale"). Donc qu'en gros, il fait partie du groupe ultra-privilégié des garçons, blancs, de catégorie sociale supérieure. Et que ça lui donne la responsabilité de ne pas abuser de ce privilège, voire de l'utiliser pour soutenir ceux qui ne les ont pas. Bon, évidemment, à 12 ans, il voit d'abord que, au milieu de ses pairs, il est l'intello pas très grand et pas très costaud donc il se vit pas comme privilégié mais j'ai espoir qu'à terme, ça devrait infuser. Je lui ai fait le test "like a girl" d'après la pub Always, et il était très honteux d'être tombé dans le panneau après avoir vu sa soeur le faire aussi...

A ma fille, j'explique plutôt qu'il ne faut pas juger les autres filles sur l'apparence (elle est dans une phase de rejet des "petites pétasses"), les injonctions faites aux filles dont elles ne sont pas responsables. Je ne lui parle pas encore slutshaming mais ça viendra.

Peux tu expliquer davantage ce que tu fais au sein d'ATD Quart monde ?

Au sein d'ATD Quart Monde, je fais partie du réseau Ecole. Je travaille depuis plusieurs années avec des enseignants, des professionnels de l'éducation, des parents en situation de grande précarité et des parents comme moi (c'est à dire pour qui l'école a été "facile" mais qui sont solidaires des familles pour qui c'est plus difficile) pour chercher des solutions concrètes qui permettent la réussite de tous les enfants à l'école. Ca s'est traduit par une plateforme de propositions présentée aux candidats à la présidentielle en 2012 (certaines sont reprises dans la loi de refondait de l'école. Pas toutes malheureusement. Et la mise en pratique pêche), par le rapport du CESE de Marie-Aleth Grard sur les bonnes pratiques qui réduisent les inégalités. Et localement à Lille, on anime des ateliers de partage de pratiques où se côtoient professionnels et parents de tous milieux. J'essaye aussi d'y glisser des messages féministes: comme on parle beaucoup des préjugés sur les enfants pauvres, j'ajoute au passage les préjugés fille - garçon.

Là où je retrouve les mécanismes du féminisme, c'est qu'il s'agit d'abord de prendre conscience des mécanismes qui construisent les inégalités (et on retrouve beaucoup les préjugés) et d'écouter les premiers concernés pour élaborer avec eux des solutions. Avoir une expérience du féminisme m'a aidée à "bien" travailler avec les parents en grande précarité: de même que je ne supporte qu'un mec m'explique ma condition de femme, je me suis appliquée à ne jamais expliquer à un militant pauvre ce qu'il vit et comment il est censé se comporter.

ATD milite actuellement pour que la discrimination sur l'origine sociale soit reconnue dans la loi. Et j'approuve. Parce que, même si on voit bien via le féminisme qu'interdire la discrimination par la loi ne résout pas tout loin de là, le fait que ce soit officiellement illégal offre une base pour avancer.

Tu parles de double injonction faite aux mères ; peux tu développer sur ce sujet ?

Ma génération, les quarantenaires, on est les filles des féministes. A ce titre, on a reçu l'injonction à être indépendantes, à avoir un boulot, voire quand tu viens d'un milieu aisé, à faire carrière: on nous a "vendus" que bien sûr, on pourrait être ce qu'on voulait, chirurgienne, chef de service, directrice, faire les mêmes carrières qu'un mec, il suffisait de s'impliquer (sous-entendu "autant qu'eux"). J'avais vraiment l'intention de faire "une carrière de mec". Et, en même temps, a fortiori quand tu as été élevée par une mère au foyer ayant eu 3 enfants, dès que tu as des enfants (et ça reste une énorme injonction faite aux femmes que d'avoir des enfants, je suis moi-même incapable de faire la part de l'injonction sociale et de mon désir perso dans le fait que j'ai voulu des enfants), ils sont censés devenir ta priorité des priorités (ce qu'on n'attend pas d'un père). Et là, y a hiatus parce que, concrètement, être super performante au boulot (et quand je dis super performante, c'est plus que les hommes parce qu'il faut démontrer que le fait d'être mère n'a vraiment aucun impact dans ton investissement professionnel. Ce qui est un chouia compliqué dans la vraie vie) ET être méga disponible pour tes enfants, ben, c'est pas possible. A la rigueur, le moment le plus facile (si on passe sur l'épuisement physique et le coût hallucinant...), c'est la petite enfance : avec une bonne nounou, tu t'en sors grosso modo. Mais quand ils grandissent, vont à l'école, sont malades, ont besoin qu'on les écoute raconter leurs petits et grands soucis, qu'on les accompagne dans leurs devoirs, à leurs activités (ah la grosse pression du début d'année "ils font quoi cette année comme activités tes enfants ?". Euh rien parce que le mercredi je peux pas faire taxi, je bosse...), à la bibliothèque, dans leur découverte d'Internet, etc... ben si tu es au boulot 11h par jour, 5 jours sur 7, voire en déplacement, ça marche pas. Un truc qui m'avait fait vraiment tilter: j'avais une convention collective de merde, avec des jours enfants malades non rémunérés. Leur père était fonctionnaire avec 12 jours enfants malades rémunérés. Quand il a fallu rester à la maison pour garder un enfant malade, c'est toujours moi qui l'ait fait. Parce que le chef de mon mec lui a dit "ben ils ont une mère tes enfants non ?" et parce que moi aussi je voulais rester à leur côté quand ils étaient malades (et du coup je bossais de la maison...). Ca n'avait aucun sens si on y réfléchit plus d'une seconde et demie.

Rajoute par là-dessus l'injonction de faire des menus équilibrés et faits maison, d'avoir une maison jolie et en ordre et la nécessité de remplir à temps tes démarches administratives (déclaration nounou, inscription à l'école, dossier CAF, suivi médical des enfants et j'en passe), je me suis retrouvée à lire aussi assidument les blogs d'organisation domestique que les blogs féministes. Et je vois bien le hiatus entre les 2 puisque, bien sûr, les blogs d'organisation domestique ne s'adressent qu'AUX femmes !

J'ai résolu le truc en 2 temps: d'abord, je suis sortie du salariat et je me suis mise à mon compte pour choisir, selon les moments, comment j'organise mon temps et l'ordre de mes priorités. Et je travaille à domicile. J'ai donc abandonné l'idée de "faire carrière", j'ai un boulot cool et dans lequel je gagne correctement ma vie, ça me suffit actuellement. Même si ça me gave de laisser le pouvoir en entreprises aux mecs parce que c'est pas comme ça que ça changera... Peut-être que je rechangerai plus tard, on verra.

Et quand je me suis remise en couple, j'ai cette fois choisi un mec féministe (j'ai définitivement renoncé à transformer un mec pas féministe en féministe, c'est trop de boulot !) et quand on a parlé de vivre ensemble, j'ai posé comme préalable qu'on discute du partage des tâches. On a tout listé et tout réparti. Le partage est juste et je m'efforce de le respecter (parce que le risque majeur, c'était que, par habitude, je prenne ses tâches !).

Tu dis qu'une de tes collègues "a perdu 1,5 année d'augmentation pour un congé maternité de 3 mois et demi" ? Peux tu nous expliquer comment cela est possible ?

Le retard d'augmentation à cause des congés maternité, je l'ai vécu aussi. En fait, c'est simple:

- entretien d'évaluation année N, tu es enceinte, tu vas partir en congé maternité dans 3 mois "tu comprends, on va pas t'augmenter maintenant puisque tu vas partir bientôt".(in petto, on va quand même pas investir sur une nana qui va bientôt être moins disponible et performante)

- entretien d'évaluation année N+1, tu es revenue de congé maternité depuis 5 mois "tu comprends, on ne va pas t'augmenter, t'as pas été là presque la moitié de l'année". (4 mois de congés mat et patho, + tes congés payés comme tout le monde mais comme tu les as collés à ton congé mat, ben non, ça fait pas comme tout le monde).

Et bam pas d'augmentation pendant 2 ans. Alors que j'étais partie en déplacement pro de 4 jours à l'étranger 2 jours après mon retour de congé mat (gros regret. Le truc qui m'a appris à dire non par la suite).

Ma collègue dans la banque, c'était "tout bêtement" parce que, à la date des augmentations, elle était en congé maternité donc suspension de contrat de travail. Contrat de travail suspendu, t'es pas augmentée et c'est valable jusqu'à la prochaine, il n'y a pas de remise à niveau à la reprise du travail. Si l'augmentation suivante n'est que 18 mois plus tard, tant pis pour toi.

Karine souhaitait rajouter quelque chose

Peut-être, pour conclure, je voulais dire que je suis bien consciente que le féminisme recouvre énormément de sujets et que volontairement je ne hiérarchise rien, même si je ne suis pas impliquée dans tout. Et, en même temps, il y a des sujets sur lesquels je n'ai pas d'opinion encore arrêtée, sur lesquels je m'interroge voire fluctue, en particulier quand ça touche des populations plus discriminées que moi: je pense à la question du voile (j'ai alterné pour ou contre l'interdiction et, encore aujourd'hui, je ne suis pas au clair), à la prostitution (je m'interroge sur la pénalisation des clients). Mais aussi à l'implication des hommes en particulier dans le domaine de la conciliation vie privée / vie pro (d'un côté, je trouve très bien que les hommes s'autorisent à réclamer du temps privé, de l'autre, ça me rend malade de penser que parce que ce sont des hommes qui le demandent, ça va peut-être arriver, tant que c'était un besoin de femmes, tout le monde s'en fichait). Bref je suis une féministe qui continue à s'interroger et donc à écouter et interroger les autres.

Et, du coup, même si je suis parfois en désaccord avec certains points de vue féministes (mais je gère bien le désaccord, je trouve ça enrichissant), la seule posture de féministe qui me gêne, c'est la posture omnisciente, qui assène sans douter. Je la trouve paternaliste, ce qui est quand même un comble pour une féministe

:D

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