Les Chibanis devant le tribunal des prud'hommes.
Un travailleur marocain vaut-il moins qu’un travailleur français ? Quand ils font le même travail, l’égalité doit être évidente, penserez-vous. Et bien non. En embauchant des ouvriers marocains, il y a bien des années, pour entretenir les voies ferrées, et en leur octroyant un contrat de travail différent des cheminots français, la SNCF croyait sans doute faire une bonne affaire. Mais les Chibanis (1), informés de leur disparité de traitement et de la nécessité de défendre leurs droits, ont traduit l’entreprise nationale devant la justice administrative, dans un premier temps, mais sans succès, et devant le tribunal des Prud’hommes qui, après des années et après avoir confié les dossiers à des magistrats professionnels, vient de leur donner raison.Le tribunal statuant sur 832 dossiers, a accordé aux travailleurs marocains et français (certains ayant opté pour cette nationalité depuis) les mêmes droits que leurs collègues nationaux soit des indemnités de plusieurs dizaines de milliers d’euros et des retraites revalorisées. Il est évident que la SNCF, qui a un mois pour faire appel, tentera de mettre en cause cette décision en seconde instance et que la victoire des travailleurs marocains risque de n’être qu’éphémère.
Elle peut tout aussi bien devenir définitive dans la mesure où les juges professionnels, depuis mars dernier, ont pris le temps d’examiner chaque dossier et d’en recaler 10 % environ ce qui démontre le sérieux de l’étude et la valeur de leur jugement. La force de travail ne se mesure pas à la couleur de la peau et la préférence nationale — si chère au Front national — ne devrait pas pouvoir être appliquée puisqu’« à travail égal, salaire égal ». Il existe déjà suffisamment de disparités entre les salaires des hommes et des femmes notamment pour les mêmes tâches, entre les vieux et les jeunes également, pour ne pas en rajouter dans une différence de traitement incompréhensible.
Quelques règles de droit : Le statut de la fonction publique réserve les emplois titulaires aux nationaux, Un fonctionnaire doit être français ou citoyen de l'Espace économique européen (EEE) ou suisse. Exception : emplois ouverts aux Français seulement. Les emplois dits de souveraineté ne sont ouverts qu'aux français. Exception : emplois ouverts aux étrangers. Certains corps sont accessibles par concours à un étranger (les emplois de professeur de l'enseignement supérieur, de médecin des établissements hospitaliers, etc.) aucune condition de nationalité n'est exigée d'un agent non titulaire. Il doit simplement être titulaire d'un titre de séjour l'autorisant à travailler en France. Mais rien, dans les textes, ne préconisent de différencier les salaires en fonction des origines… (1) Chibanis veut dire cheveux blancs.