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Les investissements du Qatar dans le sport français : et le contribuable dans tout ça ?

Publié le 23 septembre 2015 par Lecriducontribuable
Les investissements du Qatar dans le sport français : et le contribuable dans tout ça ?Cet article est extrait du numéro des Enquêtes du contribuable d'août/septembre 2015, "Sport et argent public : la France qui perd". En kiosque. Numéro disponible sur notre boutique en ligne.

Beaucoup de fantasmes - avec raison ? - sont nourris par la diplomatie si particulière du Qatar. Ce micro-État de 11 500 km² joue-t-il sur plusieurs tableaux ? Serait-il à la fois proche des Occidentaux et des djihadistes ? Sur ce dernier point, les rumeurs courent régulièrement. Le Point rapportait dans son numéro du 18 janvier une déclaration de l'ancien sous-directeur de la lutte contre le terrorisme de l'ex-DST, Louis Caprioli. Celui-ci expliquait dès 2012 que " beaucoup de camps djihadistes en Tunisie et en Libye étaient financés par le Qatar, pays salafiste ". Rappelons les propos à rebours de notre ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, qui certifiait sur RTL, quelques jours après les attentats de janvier, que " les accusations liant le Qatar au terrorisme étaient infondées et que toutes les vérifications nécessaires avaient été opérées. " La vérité, où qu'elle se situe, n'est pas encore à l'ordre du jour...

(Photo : En 2013, le joueur brésilien Lucas Moura, en compagnie de Nasser Al-Khelaïfi, le président du PSG et de l'ex-directeur sportif du club, Leonardo.)

Les investissements du Qatar dans le sport français : et le contribuable dans tout ça ?
Ce qui est sûr, en revanche, porte sur le développement sans limite de l'investissement du Qatar dans le sport à l'échelle mondiale et, plus particulièrement, en France. Chacun sait que la filiale QSI (Qatar Sports Investments) du fonds souverain local (QIA) a racheté le PSG (section football et handball), il y quatre ans maintenant et que le président du club, Nasser Al-Khelaïfi, a même rang de ministre - sans portefeuille ! - dans son pays. Là encore, les rumeurs vont bon train.

Il se murmure souvent que Nicolas Sarkozy, fervent supporter du club de la capitale, a joué de ses relations pour rendre possible le rachat du PSG par l'Émirat. Pour les Qataris, l'opportunité était réelle : Paris est l'une des rares villes européennes à ne disposer que d'un seul club de haut niveau en football. Avant d'être racheté, le club ne jouait que les utilités depuis plusieurs saisons dans le championnat de France. A moindre frais (76 millions d'euros), en rapport avec ce qu'aurait coûté le rachat d'un club de grand standing en Espagne ou en Angleterre, le Qatar dispose avec le PSG et ses millions de supporters théoriques, d'un potentiel marketing colossal.

Cette acquisition s'est accompagnée, dans le même temps, du lancement d'une chaîne de télévision : BeIN Sports, qui est en réalité une filiale d'Al Jazeera. BeIN est en concurrence directe avec Canal + et Eurosport, puisqu'elle est sur le même marché de la diffusion de rencontres de sports populaires : football, basket ou, encore, meetings d'athlétisme. On retrouve à la tête de cette antenne le même président que celui officiant au PSG : Nasser Al-Khelaïfi. Éthique douteuse ou non, il faut rappeler que Canal +, ancien propriétaire du club, avait peu ou prou les mêmes pratiques dans les années 1990.

Poursuivant une logique de développement vertical, pour reprendre la terminologie économique, le Qatar, via une société suisse liée au QIA, a créé sa propre marque : Burrda Sport. Celle-ci est l'équipementier de plusieurs équipes comme, naturellement, l'équipe olympique du Qatar mais, aussi, du club de football de l'OGC Nice ou du club de rugby du RC Toulon, récent champion d'Europe.

Une stratégie de " soft power "

Ce développement tous azimuts dans le sport cache une stratégie géopolitique précise, communément qualifiée de " soft power " : c'est à dire l'acquisition, par un État, d'une influence sur la scène internationale par d'autres moyens que la force. Et en cela, le sport est un véhicule très efficace. Le controversé Pascal Boniface, directeur de l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), évoquait même un concept de " sport power " pour le Qatar. Pour le coup, difficile de lui donner tort. Ce pays a ou va organiser, en l'espace de moins de dix ans, un championnat du monde de handball (2015), un mondial de football (2022) et des championnats du monde d'athlétisme (2019). Et bien d'autres compétitions encore !

Limité par son petit nombre de citoyens - 250 000 sur une population de plus de 2 millions d'habitants - et sa situation géographique, le Qatar ne pouvait se développer autrement, du moins, dans la mesure où l'État souhaitait conserver son indépendance et ses grandes richesses énergétiques. Outre des ressources importantes en pétrole, il dispose également de la troisième réserve de gaz au monde. Mais, de fait, ces ressources auront tôt ou tard atteint le stade de l'épuisement et le Qatar n'a d'autres choix que d'explorer d'autres pistes d'investissements, et notamment dans le sport.

(Photo : L'émir du Qatar, le cheikh Tamin bin Hamad al-Thani et François Hollande, à l'Élysée, le 23 juin 2014.)

Les investissements du Qatar dans le sport français : et le contribuable dans tout ça ?
La France l'a bien senti. Ce qui explique les relations privilégiées entre la famille régnante Al-Thani et les présidents Sarkozy et Hollande. A la question, comment entretenir de bonnes relations ?, nos dirigeants ont trouvé la réponse : des aménagements fiscaux !

Dans un article " Qatar : une convention fiscale qui continue de faire polémique " le quotidien économique Les Échos rappelait en mars dernier les petits arrangements entre Paris et Doha. " Il existe deux conventions fiscales spectaculaires en France : Koweït et Qatar. [...] Pour le second, existe une exonération d'une grande partie des investissements, des revenus et des actifs détenus par le Qatar en France ". Si la première convention avec le Qatar date de 1990, elle a été étendue en 2008 suite à la signature de contrats dans le domaine de l'énergie.

Exonérations fiscales et subventions

Un avenant a ainsi supprimé la retenue à la source sur les dividendes et intérêts perçus par des Qataris en France et élargit les exonérations sur les plus-values aux sociétés à prépondérance immobilière. " Une disposition avantageuse lors du rachat du grand magasin Printemps par les Qataris ", note le quotidien. Des aménagements que brocardait la gauche lorsque Nicolas Sarkozy était au pouvoir mais qui, malgré le changement de couleur politique à la tête du pays, demeurent en l'état.

Autre sujet polémique, sinon litigieux, qui concerne directement la gauche : les subventions accordées par la municipalité parisienne au PSG. Sans verser dans la démagogie, qui n'est jamais loin dans un pareil cas, il est légitime de s'interroger sur le bien-fondé pour une mairie d'accorder, des centaines de milliers d'euros à un club sportif (même si celui-ci représente la ville), lorsqu'il est détenu par une famille dont les ressources économiques se comptent en milliards d'euros. La question de la nécessité de ces subventions se pose, surtout quand on parle de restrictions budgétaires... qui se traduisent surtout par des hausses d'impôts.

Il faut reconnaître que le montant de ces subventions a beaucoup diminué ces dernières années : en 2007, il s'élevait à 2,3 millions d'euros, en 2009 à 1,5 millions d'euros. La baisse a continué jusqu'en 2012, année où le plafond était au plus bas : 170 000 euros. Mais, subitement, en 2013, la somme a été triplée pour atteindre le demi-million. Ce qui avait provoqué, à l'époque, l'ire de certains à gauche, dont les écologistes. " Une subvention n'est pas acceptable en période de crise budgétaire. Le PSG déclare pour cette saison un budget annuel de 400 millions d'euros. Il a donc très largement les moyens de débourser 450 000 euros par an (0,1 % de son budget !) pour financer ses actions sociales, plutôt que d'en confier la responsabilité aux Parisiennes et aux Parisiens " avait alors déclaré Sylvain Garel, coprésident du groupe EELV au Conseil de Paris.

Oh, bien sûr, ces sommes ne vont pas au club de manière directe et ne serviront pas aux transferts ou aux salaires des joueurs ; elles sont versées à la Fondation PSG, entité distincte du club qui œuvre dans le social, notamment pour l'insertion des jeunes. Néanmoins, le président est toujours le même : Nasser Al-Khelaïfi. Que l'on ne s'y trompe pas, quelle que soit la nature des affaires, le Qatar trouve toujours la parade.

Voir aussi sur le site de Contribuables Associés (www.contribuables.org) : la Sorbonne signe un protocole d'accord avec l'Émir du Qatar pour accueillir une centaine de " réfugiés syriens ".

Les investissements du Qatar dans le sport français : et le contribuable dans tout ça ?
"Sport et argent public : la France qui perd", Les Enquêtes du contribuable d'août/septembre 2015 - 5,50 €€. En kiosque. Vous pouvez commander en ligne ce numéro.

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