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Migrants : les messagers

Publié le 23 septembre 2015 par Jean-Emmanuel Ducoin
Fuir une guerre ou la misère absolue, n’est-ce pas, dans les deux cas, être victime d’une impossibilité de vivre sur son sol? Migrants : les messagersLes comptes d’apothicaire sont indignes. Plus encore quand ils concernent des êtres humains… Nous ne tairons pas, encore et maintenant, notre colère devant le drame des migrants et cette réalité qui frappe des centaines de milliers de personnes. Le temps fut long, il a coûté trop de vies, pour qu’enfin l’engagement citoyen fasse plier les États européens et que certains verrous de l’égoïsme commencent à sauter. Des résolutions viennent enfin d’être prises par l’UE, des chiffres sont avancés. Nous savons ces chiffres insuffisants. Et c’est cet insuffisant-là qui taraude tous les artisans de la main tendue et du réveil des consciences. La France, par exemple, pourrait accueillir beaucoup plus et mieux. Prétendre le contraire est un mensonge. En deux ans, 31750 réfugiés seront autorisés à arriver, soit 0,048% de la population, pour un «coût» qui représentera 0,15% des sommes engagées pour la protection sociale.
Sur cette base dérisoire, les Sarkozy et autres Le Pen crient au loup et parlent de «désintégration», d’«invasion», comme si la définition et la clôture des identités étaient la base de l’ordre social républicain. Tous ces faux parleurs, à la limite de la déshumanisation, se servent de la xénophobie pour compenser la désaffiliation néolibérale. Car ce qu’ils oublient de dire, c’est que la protection sociale n’est pas en danger du fait des immigrés mais bien de l’austérité: sur les 50 milliards d’économies que le gouvernement dit «de gauche» souhaite réaliser sur les dépenses publiques d’ici à 2017, 40% seront puisés dans les aides aux plus démunis…
 Nous ne tairons pas non plus notre indignation devant cette obsession à vouloir «trier» réfugiés et migrants dans des «hot spots». Ensemble, ils fuient pourtant la guerre et la misère. Qui possède droit de vie ou de mort sur des personnes dont le pays d’origine ne peut ou ne veut leur assurer «protection», comme le stipule le statut de réfugié de la convention de Genève? Fuir une guerre ou la misère absolue, n’est-ce pas, dans les deux cas, être victime d’une impossibilité de vivre sur son sol? Les réfugiés sont des messagers de l’humanité, mais surtout des messagers de l’histoire. Cette histoire est aussi la nôtre. [EDITORIAL publié dans l’Humanité du 24 septembre 2015.]

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