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Quinquennat, déjà 15 ans d’existence dans la vie politique française

Publié le 24 septembre 2015 par Delits

Quinquennat, déjà 15 ans d’existence dans la vie politique française

Ce jeudi 24 septembre 2015 marque l'anniversaire du référendum proposant aux Français le passage du mandat présidentiel de sept à cinq ans. Il y a quinze ans jour pour jour, les Français se prononçaient en effet massivement en faveur d'une réduction du bail du locataire de l'Elysée, tirant par la même occasion un trait définitif sur un septennat centenaire qui rythmait la vie politique française depuis la IIIème République.

Malgré le désintérêt des Français pour la consultation et la question posée - en témoigne le taux d'abstention de 69,81% au référendum - le basculement du temps présidentiel a pourtant changé en profondeur l'exercice du pouvoir et rénové le système démocratique français. Cette réforme a aussi eu le mérite de faire rentrer la France dans la norme constitutionnelle des pays du Vieux Continent, où les mandats des détenteurs des principales prérogatives exécutives n'excèdent jamais plus de cinq années.

Un serpent de mer de la Vème République

La genèse de la réforme du quinquennat s'inscrit dans un long processus de tergiversation des chefs d'Etat français de la Vème République. Ainsi, si Charles de Gaulle n'a jamais semblé remettre en cause le septennat, Georges Pompidou a été le premier à envisager une réduction du mandat présidentiel, mais la maladie l'emporta avant l'issue du processus législatif. A son tour, François Mitterrand proposa, durant la campagne présidentielle de 1981, le passage au quinquennat, mais il n'y donnera finalement pas suite durant ses deux septennats.

A l'aube du deuxième millénaire, et alors qu'il s'était longtemps déclaré défavorable au quinquennat, Jacques Chirac décide finalement de proposer aux Français la réduction du mandat présidentiel. Il engage alors un référendum avec l'aval de son Premier ministre, Lionel Jospin, alors fervent défenseur de la réforme. A la suite d'une campagne sans relief et marquée par un consensus républicain sur le bienfondé de la réforme, le " oui " l'emporte massivement à 73,21%, le 24 septembre 2000.

Une présidentialisation du régime qui limite l'éventualité d'une cohabitation

Trois quinquennats plus tard, qu'est-ce que cette réforme a changé dans la pratique politique française ?

En premier lieu, le quinquennat a permis de faire coïncider les majorités présidentielle et parlementaire en corrélant par leur juxtaposition temporelle, les élections présidentielles et législatives. Ainsi, en trois quinquennats, entre 2002 et 2015, la France n'a connu aucune cohabitation, alors qu'elle en avait connu trois entre 1986 et 2002. Le quinquennat a donc permis au Président de la République d'avoir une majorité pour gouverner la France et de jouir de la liberté d'appliquer le programme pour lequel il avait été élu. A contrario, la cohabitation permettait une désolidarisation du Président de la politique gouvernementale.

Dès lors, le quinquennat a aussi obligé le Président à " redescendre dans l'arène " et a, par conséquent, relégué le Premier ministre au rang de " collaborateur " du Président, comme l'a déclaré Nicolas Sarkozy en 2007. On aurait pu croire que ce statut inconfortable de second rôle pour le Premier ministre s'était dessiné en grande partie à cause de la pratique " hyperprésidentielle " du successeur de Jacques Chirac ; mais il s'avère que la pratique de François Hollande a, elle aussi, confirmé cette tendance présidentialiste.

L'approche du pouvoir du deuxième président socialiste de la Vème République a en effet entraîné l'effacement progressif de Jean-Marc Ayrault. En outre, même si Manuel Valls semble davantage incarner aujourd'hui le rôle de chef de la majorité, François Hollande reste néanmoins au cœur de la mêlée politique quotidienne.

Finalement, seul Jacques Chirac a su vraiment laisser entre 2002 et 2007 de grandes marges de manœuvre à Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin qui furent ses Premiers ministres. Une pratique des institutions qui lui vaudra les critiques de la gauche et notamment d'Arnaud Montebourg qui évoqua en 2003 " Un roi fainéant ".

Le quinquennat a donc entraîné une présidentialisation du régime qui a contribué à fragiliser la position du Président en le faisant rentrer dans l'arène, et en ne lui permettant plus d'utiliser son Premier ministre comme bouclier. Un des corollaires de cette présidentialisation du régime est l'érosion de la cote de popularité des Présidents de la République. Lors de leurs passages à Matignon, François Fillon, Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls ont en effet connu des scores de popularité presque toujours supérieurs à ceux des Présidents de la République, comme on peut l'observer sur le baromètre politique d'Ipsos.

Enfin, si le septennat garantissait la stabilité des institutions, le quinquennat, lui, permet une respiration démocratique plus régulière et une certaine vitalité institutionnelle. Le quinquennat accompagne ainsi plus naturellement les réalités temporelles de l'époque, marquée par une accélération du temps et une urgence médiatique incarnée par les chaînes d'information en continu et les réseaux sociaux.

Quinze ans plus tard, des Français divisés sur le quinquennat

Dans un sondage Odoxa de juillet 2015, les Français demeurent mitigés sur le quinquennat. Si 65% d'entre eux préfèrent le quinquennat au septennat, ils sont cependant seulement 55% à penser a posteriori que la réforme a été plutôt une bonne chose pour la vie politique française. A souligner, les sympathisants de gauche sont plus nombreux à promouvoir le quinquennat : ils sont plus de trois sur cinq à approuver ce nouveau découpage du temps présidentiel.
Si pour une majeure partie des Français (61%), le quinquennat a permis de rendre la République plus démocratique, il n'a pas entraîné en revanche davantage d'efficacité politique et a développé le sentiment chez les Français d'une campagne électorale permanente.

Et demain quelle évolution du temps présidentiel ?

Si la plupart des candidats potentiels pour la prochaine élection présidentielle semblent attachés au quinquennat, une voix discordante fait pourtant entendre sa différence. Il s'agit de celle de Xavier Bertrand qui préconise le retour au septennat mais cette fois-ci, non-reconductible : le septennat unique. Cette réforme - également soutenue par le Parti radical de gauche - permettrait au Président de se consacrer intégralement à la France sans se préoccuper de sa réélection. Une proposition contre le carriérisme politique qui trouve un certain écho dans l'opinion puisque 75% des Français estiment toujours selon Odoxa, qu'un élu consacre plus de temps à sa réélection qu'au bon exercice de son mandat.

Ainsi, aujourd'hui, à 18 mois de l'élection présidentielle, neuf Français sur dix estiment - non sans cynisme - que la campagne présidentielle a déjà débuté.


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