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Julie Van Rechem : Prof jusqu'au bout des ongles

Publié le 25 septembre 2015 par Despasperdus

"Bonjour, vous avez lu le dernier livre de Julie Van Rechem ? Mais non, ce n'est pas des histoires belges, ni de l'humour auvergnat ! Pfff !"

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"Pas lu ? Mais, comment est-ce possible ? C'est LE livre de la rentrée ! Même Fleur Pellerin l'a lu ! Vous allez passer pour un-e has-been et un inculte dans la salle de profs : tu sais machin n'a même pas lu Prof jusqu'au bout des ongles, complètement ouf, bon, en même temps, il est prof de géo, un peu à l'ouest le garçon ! Ou pour un parent indigne à la sortie des classes !

« Il me fallait sauver ma peau, sortir d'une situation subie d'un bout à l'autre et m'extraire d'un microcosme que je pressentais, à tort ou à raison, sclérosant. »

Je conseille la lecture de Prof jusqu'au bout des ongles, récit autobiographique d'une jeune prof qui effectue des remplacements en Ile-de-France (zilien ?). Bon, en même temps, je ne suis pas objectif puisque je lis Chouyo's world, le blog de l'auteure depuis l'époque où elle me faisait découvrir - à d'autres aussi je crois ^^ - les mille et une richesses quotidiennes de l'Inde dans ses billets superbement illustrés. Tiens, si je devais émettre une critique, elle porterait sur l'absence d'images.

« J'avais surtout une assurance nouvelle, ironiquement découverte en m'éloignant de l'Education nationale. Crispée, convaincue qu'il ne faut rien attendre de l'institution, riche d'expériences me faisant envisager sans crainte de manier ce que j'aurais sous la main, feutres, copies, collégiens ou lycéens, et s'il fallait donner au pied lever un cours sur la géographie des littoraux à un parterre de moines à Thimphu, eh bien je dirais : " C'est parti, prenez vos stylos !".»

Julie Van Rechem, alias Chouyo, a suffisamment de recul, d'expérience et de réflexion, voire de discipline pour narrer son quotidien de prof, ses expéditions homériques dans les transports en commun pour rejoindre les établissements scolaires, ses joies, ses moments de partage et de grâce avec ses élèves, mais aussi ses désillusions, ses difficultés et sa philosophie pour surmonter les échecs. Parce que la réussite de l'échange et de la transmission du savoir est chose bien fragile, le prof a davantage de points communs avec un funambule - me semble-t-il - qu'avec un chef d'orchestre ou un adjudant...

« J'ai de jeunes enfants dans mon entourage, je gère cent quatre-vingts enfants et ados par jour. Pas les moins bruyants, pas les moins violents, pas les moins fatigants : l'usure de la négociation permanente.
Le recours à la violence n'est pas un symptôme de banlieue, ce n'est pas un symptôme de familles déclassées. C'est un symptôme de pauvreté des mots et d'estime de sa propre autorité. L'autorité suppose tout sauf d'être autoritaire et violent, physiquement et psychologiquement. Le recours à la claque, à la trempe résulte, toutes proportions gardées d'une usure et/ou d'un échec de l'adulte (...). Mais il a pour conséquence d'ancrer chez l'enfant l'idée que la violence est un moyen de communication et de résolution des problèmes, et de confondre l'obéissance et le calme avec ce qui est en réalité de la peur et de la terreur. »

J'ai aimé la lire sur ce nouveau support que l'on doit à l'inventivité d'un certain Gutenberg et qui lui a permis d'exprimer plus longuement ses idées, comme elle l'avait fait exceptionnellement sur son blog après les assassinats au siège de Charlie Hebdo.

« Il faut suffisamment jouir du métier pour pouvoir circonscrire ce qu'il recèle d'amer, la violence administrative, la violence entre pairs et la violence des élèves. »

Loin des récits militants à sens unique et convenus, loin de la rhétorique passéiste et identitaire de certains intellectuels dont le fond de commerce prospère sur le déclinisme et le c'était mieux avant entre blancs, loin également de tout voyeurisme ou misérabilisme, Julie Van Rechem montre son propre cheminement et combien, finalement, enseigner est un beau métier malgré les insuffisances de l'institution scolaire et les handicaps d'un environnement social qui ne sont pas propices à la réussite des enfants.

« Mon objectif n'est pas d'être une historienne de haut vol, mais une prof qui aura donné à ses élèves envie de questionner et d'approfondir ce qui a été abordé. Clémence, reconnaissance et déconnexion étant rares dans ce métier, autant me les dispenser à moi-même. »

A lire, d'autant que l'humour épice avec juste ce qu'il faut l'ensemble...


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