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Drogue: s’en sortir et sortir de la rue

Publié le 28 septembre 2015 par Raymond Viger

drogue dealer Marqué de plusieurs tatouages avec son regard vif et son grand sourire, Victor (prénom fictif) raconte avec émotions comment il a débuté dans l’univers de la drogue. Il se souvient que c’est à l’âge de 12 ans qu’il prend sa première bouffée de marijuana.

Un moyen pour lui de contrôler ses émotions: «La drogue est une fuite pour oublier la réalité», explique-t-il.

Vide affectif

La nuit, Victor prépare ses petits sacs d’une demi-once pour les vendre le lendemain à l’école. Son stock est bon et il devient rapidement un bon vendeur. Ceci engendre de la jalousie auprès de ses concurrents et fait en sorte que plusieurs personnes le surveillent. Des étudiants de l’école le dénoncent, les surveillants et la police qui travaillent en collaboration finissent par l’arrêter un matin.

Lui a l’impression d’être seul et d’avoir le monde pour ennemi: «J’étais presque paranoïaque», conclut-il.

Une fois dans un centre de détention pour jeunes, Victor apprend que ça fait un an qu’on le surveille et qu’il existe plus de 150 vidéos où on le voit faire du trafic de drogues. Il obtient un casier judiciaire pour possession de drogues et on lui interdit d’aller aux États-Unis jusqu’en 2020.

À sa sortie, l’école où il étudiait organise une projection de certaines vidéos de lui dans l’auditorium devant tous les étudiants et les parents pour montrer ses activités criminelles. Il est par la suite renvoyé.

Au total, six écoles le mettent à la porte. Partout où il passe, les professeurs l’excluent et ne le considèrent pas. Ils le jugent et certains lui disent même qu’il est un poison pour la société. Il arrive tout de même à terminer son secondaire 5 et à entreprendre des études au niveau collégial.

Mais peu de temps après il retombe dans la drogue pour payer ses dettes: «C’est une erreur de retourner constamment vers la vente de drogues pour s’en sortir, parce que tu ne fais pas d’argent. Plus tu vends, plus tu consommes et c’est une spirale infernale.»

La rue

Victor tombe finalement dans la rue pour environ 6 ans: «C’est la débauche parce que tu trouves de tout dans la rue. La violence, l’alcool, le sexe et la drogue font partis de ton quotidien. Ce sont des moments difficiles.»

Il explique qu’il en est arrivé là parce qu’il avait une haine de lui-même qu’il ne pouvait gérer. Il voulait se détruire: «J’ai pendant longtemps été en guerre contre moi-même. Mais à un certain moment, j’ai voulu changer de vie».

Famille en crise

Avec le recul, il fait un parallèle entre sa consommation de drogues et son environnement familial dysfonctionnel. Jeune, il éprouve des problèmes affectifs. Il se sentait délaissé par son père, un homme au tempérament changeant et complexe, qui ne lui témoigne aucun intérêt.

Lorsque ce dernier quitte le foyer, sa mère devient monoparentale. Rapidement, un beau-père fait son entrée dans la maison et tente de lui imposer son autorité et ses règles. Il évite les discussions et s’isole de plus en plus.

Les premières fois où il est surpris avec de la drogue, sa mère et son beau-père le battent et l’attachent au lit avant de le dénoncer à la police. Souvent, ils conservent une partie de la drogue et en consomment: «C’était vraiment hypocrite de leur part. Cette façon d’agir ne faisait qu’empirer notre relation. J’étais de plus en plus rebelle et je repoussais constamment les limites.»

N’ayant pas véritablement de père, il veut fuir et cherche des modèles chez d’autres hommes; notamment les gangsters. Victor écoute des films et la télévision, et il rêve d’être l’un d’eux. Il est fasciné par leur image et leur force. La drogue s’inscrit dans son cheminement pour correspondre à cette image.

L’attention que Victor obtenait en étant dealer venait en quelque sorte guérir la souffrance qu’il entretenait face à l’indifférence de son père: «La vente permet d’avoir du pouvoir parce que tu es populaire. Tu incarnes la désobéissance et beaucoup de gens à la fois te craignent et t’admirent. Tu ne passes pas inaperçu», dit-il.

Retour sur le passé

Aujourd’hui, il constate qu’il a fait beaucoup d’erreurs irréparables: «Les actions que tu poses sont permanentes. Si tu prends de la drogue, ça peut assombrir ta vie et tu peux avoir de graves problèmes.»

Il croit cependant que personne n’est parfait. L’adolescence est, pour lui, une période pour explorer et parfois faire des choses interdites de manière à s’opposer à ses parents et à s’affirmer. «On apprend à se connaître à travers les erreurs qu’on fait.»

Selon Victor, il est inutile d’aborder la drogue auprès des jeunes en leur faisant peur. Il faut tout simplement les renseigner sur les conséquences néfastes qu’elle peut avoir à long terme sur leur vie. «Si un jeune veut tenter l’expérience, il en prendra. Il faut l’accompagner et ne pas le juger. C’est l’amour qu’on donne aux jeunes qui les aide à s’en sortir», explique-t-il.

Maintenant, il se pardonne et accepte son passé: «J’ai un parcours original avec des hauts et des bas. Je ne cherche plus à m’associer à une image de gangster. Je veux être moi-même et faire le bien.»

Victor est devenu un artiste graffeur payé pour ses œuvres, et qui malgré son corps recouvert de tatouages, s’intègre dans les écoles pour apprendre aux jeunes le dessin et le graffiti.

Victor aime s’exprimer à travers les arts qui ont pris une place considérable dans sa vie. Ils ont été un processus thérapeutique dans l’arrêt de sa consommation de drogues.


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