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Congrès des astrologues (9) - Le corps du parti

Publié le 07 juin 2008 par Mtislav

L'annonce lui avait plu. On recherchait un directeur de cabinet dans l'objectif d'accompagner la municipalité dans sa politique volontariste de développement de la ville. Centre d'une communauté urbaine, riche d'un patrimoine inscrit à l'inventaire des monuments historiques. Une équipe dynamique, entreprenante qui s'est fixé pour objectif d'améliorer encore la qualité de vie et le service rendu à ses administrés. Il avait trop l'habitude de lire ce genre de prose ces derniers temps pour ne pas être sensible à tant d'enthousiasme.
La liste de ses missions précisait que le titulaire du poste participerait à la formalisation de la politique municipale et à sa communication externe et interne, qu'il assisterait le maire pour son agenda, ses discours, ses déplacements extérieurs... Les points de suspension laissaient augurer un esclavage certes mais jusqu'à l'épuisement des sens et dans la plus grande proximité avec le plus haut magistrat de la ville. Magistrate en l'espèce, ce qui ne laissait pas indifférent. Jouer le rôle d'interface avec les cabinets des autres collectivités et les services de l'Etat, établir le suivi des protocoles ou encore établir le relais d'informations auprès des conseillers municipaux, il verrait. De toutes façons, les journées n'ont que 24 heures, ce que semblaient négliger les annonces d'offre d'emploi. Il lui semblait qu'elles ressemblaient plus souvent à la liste des commissions qu'à un profil de poste. "Tiens, je vais rajouter encore un truc, histoire de départager les ex-aequo" avait dû se dire le rédacteur de l'annonce. 
De toutes façons, c'était tout lui : réactif, efficace, diplomate, disponible, capable de prendre des initiatives, sens de l'analyse, force de proposition. 
L'entretien s'était passé merveilleusement. Six mois plus tard, il avait pleinement pris possession de ses fonctions et le plus haut magistrat en avait fait son amant, ce qui n'avait pas accru sa disponibilité notablement, avait rendu plus délicate la gestion du protocole et affectait passablement son sens de l'analyse.
Inutile de vous dire que la question du prochain congrès était venue tout naturellement compléter son emploi du temps.
Il naviguait en plein socialisme du XXIème siècle, libérant l'agenda du maire des tâches les plus ingrates (passer chercher le petit dernier à la sortie du groupe scolaire Guy Mollet lorsque monsieur ne pouvait s'en charger), privatisant une réunion d'administrés hostiles au dernier tronçon de la nouvelle voie rapide (lorsque la présence de madame était requise au Palais Bourbon pour une question orale qu'elle était supposée avoir écrite).  Il s'était mis à la gymnastique inventée par Joseph Pilates à cause d'elle. Comme quelques autres stars, il tonifiait son corps entier et l'amincissait visiblement. Son corps tirait dorénavant sa force de l'intérieur, ce qui le changeait lui qui pensait avoir surtout approfondit la surface des apparences lors des brillantes études qu'il avait menées de Dauphine à Assas puis Duke. Il ne pratiquait pas exactement dans la même salle que Uma Thurman, Jennifer Aniston ou Sharon Stone mais après dix séances, il sentait la différence, et il ne doutait pas d'avoir comme elles au bout de trente séances un corps tout neuf.
Vous allez me dire que cela ne suffit pas à faire de vous un socialiste. On lui avait trouvé un hobby. Dans une cité-dortoir de la périphérie où il avait fissa loué un trois pièces, on lui suggéré d'animer la section locale du parti. Elle était connue pour son indéfectible attachement à la gauche du parti. Pour l'heure, elle était étiquetée fabiusienne. Il s'était donc lancé dans la modernisation, à l'échelle humaine pourrait-on dire. Il se gardait bien des erreurs de chronologie et évoquait plutôt l'oeuvre de Tony ou le bilan de  Gerhard que celui de Jean ou Jules. Vite, il en était venu au fond : la demi-finale de la nouvelle star ou la nouvelle star de la demi-finale, suivant l'actualité culturelle ou sportive.
Il apprenait ce que signifiait militer, ce qui était véritablement nouveau pour lui. Il avait commencé par le Téléthon, épreuve redoutable qui permit d'entrée de jeu à l'encore jeune directeur de cabinet de porter haut la flamme du canton, du parking du supermarché jusqu'au magasin de bricolage sous la pluie et dans les fumées des gaz d'échappement. Visiblement, il faisait partie des rares à ne pas participer à cette manifestation en voiture. Cela lui avait permis de comprendre l'urgence d'une refondation idéologique. 
Le congrès approchait. On allait avoir besoin de lui.
photo : Raphaël Gotter

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