Rudolf Steiner et Michel Onfray

Par Mauss
Ce qu' il y a de bien avec la gauche française, c'est sa constance dans ses anathèmes immédiats pour des esprits libres sortant de leurs schémas historiques.
On a pu craindre qu'après tant d'erreurs passées, Raymond Aron en tête, elle fasse son chemin de Damas. Ouf : il n'en est rien : toute lecture, même partielle , de Michel Onfray vous classera systématiquement parmi les prolétaires de la pensée, parmi les suppôts de Belzébuth, notamment par la jeune donzelle recrutée par Ruquier qui est aux vrais journalistes ce qu'un  Cramoisy-Champelure est à Petrus.
Au cas où j'aurai ici des lecteurs bobo de la gauche verdoyante, ne vous faites pas de mal en continuant à lire ce billet. Non seulement vous allez trépigner d'insultes à mon égard, mais  vous risquez, grâce à vos derniers neurones de réelle intelligence, d'enfin réfléchir en dehors des schémas de Libération inscrits dans le marbre de votre icône Joffrin.

Personne, surtout pas lui (Onfray, pas Joffrin : soyez à ce qu'on vous dit !) n'exige qu'on adhère systématiquement à ses vues, à ses opinions, à ses angles de réflexion que ce soit en matière politique, économique, ou philosophique. Même mon pote Armand Borlant, grand et digne pourfendeur de Maurras et Cie, sera en accord avec moi sur ce point : c'est dire !

:-)

Mais prendre ses livres (on parle toujours de Michel Onfray) comme base de réflexions, écouter ses argumentaires frappés d'un bon sens que bien trop d'autorités ont totalement perdu, c'est s'engager vers "LA" réflexion, un mot, une notion que détruisent avec une remarquable constance une foultitude d'émissions TV (desquelles on écarte in peto CDANSLAIR). Sachons lire, relire, discuter, penser et là, si possible en dehors des écoles où seuls des cognoscenti auraient le droit de dire le vrai, le juste, vous-même devant rester sagement à votre place de minus habeas docile et formaté.

Mais diantre : pourquoi toute cette longue introduction où le mot vin n'est point écrit ?
On y arrive.
Dans son dernier opus magistral "COSMOS", Michel Onfray parle de vin, plutôt de quelques vins mauvais bâtis par des fanatiques inconditionnels de Rudolf Steiner (1861 - 1925). C'est à lire d'urgence, tant il est nécessaire face aux galimatias censés nous expliquer les vins bio, pourquoi on doit les aimer quitte à  devoir rejeter tout ce que nous avons appris sur le bon goût que des générations de grands vignerons nous ont donné à construire.
Bien évidemment il n'est pas question ici de justifier les tonnes de produits chimiques qui ont détruit des sols ayant maintenant un mal fou à redevenir vivant, ni de faire accepter tel ou tel entrant dans nos bouteilles, mais simplement de dire qu'entre les diktats d'un Rudolf Steiner et les diktats d'un Monsanto, on doit pouvoir trouver de solides vérités : ce que cherche avec talent Michel Onfray dans ce chapitre 4 intitulé "Théorie du Fumier spirituel".

Je n'ai probablement pas le droit de citer ici des pages et des pages de ce livre étonnant, mais cela vaut lecture attentive. On peut le trouver aussi sous Kindle téléchargeable à prix réduit. Mais citons quelques phrases qu'il faudra bien évidement relire dans le contexte global de ce chapitre.

©Michel Onfray :

"Premier argument [des penseurs de la biodynamie] : mon palais était formaté par des années de scientisme qui me faisaient prendre pour bon ce qui était mauvais, il était donc normal que je prenne pour mauvais ce qui était bon."

"La biodynamie est une pensée magique qui, comme toute pensée magique, dont la psychanalyse, produit des effets chez ceux qui y croient".

"Le vin biodynamique est un genre de vin de messe : il ne donne d'extase qu'aux croyants".

"Si, ce que je crois, toute religion caractérise une vision du monde qui explique l'ici-bas par un au-delà, alors Steiner propose une religion; si, ce que je crois également, une religion est une secte qui a réussi, on peut dire que Steiner propose une vision du monde qui visait à la religion et, parce qu'elle n'a réussi que partiellement, cette vision constitue une secte, autrement dit une religion miniature, une religion minoritaire".

Il n'est pas inutile, quand on évoque Steiner de rappeler un tantinet qui il est. Un écrivain prolifique : 370 volumes.

"La théorie de la biodynamie se trouve exposée dans une série de conférences effectuées par Steiner entre le 7 et le 16 juin 1924". 

Pourquoi je cite cet autre extrait ? Tout simplement par ce qu'une bonne majorité de zeus qui se réclament de cette théorie n'ont probablement pas lu avec autant d'attention qu'Onfray cette littérature exotique.

Oui, je sais : les jaloux et cie vont vous dire que c'est pas possible pour Onfray d'écrire autant d'ouvrages, de donner des cours universitaires à Caen, d'être de plus en plus présent dans les médias et d'argumenter dans les journaux. Un jour, il faudra lui poser la question : comment faites-vous ?

On a le droit, j'espère de trouver bien plus intéressante l'approche de Lydia et Claude Bourguignon qui ont basé et continuent de baser leurs recommandations aux vignerons sur des analyses, sur des faits, sur des résultats. Croyez bien qu'ils seront attentivement écoutés lors de leur séminaire à Villa D'Este. Et c'est bien dans cette perspective de discussion que j'ai écrit ce billet sur Steiner.

Exemple de surprise : toujours dans Cosmos, vous lirez avec stupéfaction toute l'histoire des anguilles qui font des milliers de kilomètres dans des conditions épouvantables pour aller pondre leurs oeufs dans la mer des Sargasses. C'est ahurissant, complètement dingue comme histoire !

Achtung bicyclette : je ne dis surtout pas que les vignerons qui enterrent une corne de boeuf à tel ou tel endroit de leur vignoble sont de redoutables escrocs, loin de là ! Mais, une chose est sûre à tout le moins pour bibi : ce ne sera jamais sur une base "philosophique" ou sur la base d'une théorie construite sur une foi et non sur des faits, qu'on me fera aimer un bien alors même que mes sens penchent en sens inverse.