Je suis allée voir le film « Marguerite », poussée par la curiosité. Excellent mais j’en suis sortie saisie. Loin de moi l’idée de vous en faire une critique, ce serait très prétentieux. En revanche je me commet à vous faire part de ce qui me turlupine depuis : l’image de soi. Un concept tellement important dans notre société contemporaine, que nous la nommions réputation ou notoriété. « Ai-je une bonne ou mauvaise image ? Que pensent les gens à propos de moi ?» Telles sont souvent nos préoccupations. Bien évidemment si nous vivions seul, isolé, sur une île déserte, la question ne se poserait pas puisqu’elle ne trouve son fondement que dans la relation à l’autre. L’image est le point de passage obligé entre soi et le monde. Nous en avons autant que d’environnements ou de cercles que nous fréquentons : famille, amis, collègues, voisins, avec des résultats qui sont parfois très différents. Notre maman nous qualifie d’une certaine manière, nos frères et soeurs aussi, puis la belle-famille s’y colle. Nos enfants nous considèrent affectueux ou trop autoritaire ; on peut être taxé de joyeux drille par sa bande de potes ; de sinistre con ou de battant par ses collègues de bureau. Pourtant il s’agit bien de la même personne. Notre image, à nos yeux, est la résultante entre ce que nous percevons de nous : nos qualités, défauts, comportements, etc, et ce que nous imaginons que les autres perçoivent de nous. Si nous nous pensons intelligent ou doté d’un quelconque talent, c’est bien dans le regard des autres que nous devrions y puiser confirmation. A tout prendre, quelle satisfaction que de se sentir apprécié, reconnu, aimé, même si nous convenons qu’il est difficile de faire l’unanimité partout.
Cette interrogation peut devenir très inconfortable quand est confronté à une incohérence entre ces deux visions. Deux réalités coexistent qui ne s’alignent pas : la nôtre et celle des autres. Ils n’ont pas du tout l’opinion de nous qu’on leur prêtait. Alors même qu’on la jugeait positive, par exemple, elle se révèle parfaitement négative. On se découvre totalement à coté de la plaque et cette situation peut être vécue très douloureusement. D’autant plus douloureusement que s’ajoute la manière avec laquelle on l’apprend. Est-ce de la part d’un ami, selon le principe de « Qui aime bien, châtie bien » ou bien de gens parfaitement mal intentionnés : « Qui n’aime pas, châtie mal ». Le patron qui dézingue méchamment son malheureux collaborateur à l’occasion d’un entretien d’évaluation. La famille qui exécute le beau-frère au motif qu’il l’indispose.
Mais revenons à nos moutons, cette malheureuse Marguerite. Elle chante comme une crécelle et manifestement n’en a pas l’ombre d’un doute et pour cause : elle est applaudie chaleureusement à chacun de ses concerts privés. Pourquoi tous se taisent ? Parce que l’enjeu est de taille : elle est riche, généreuse et tout le monde entend en profiter. L’affranchir serait un désastre pour eux. Ils s’en tirent en se moquant d’elle mais qui est le plus ridicule? Elle, plongée dans ses chimères, avec sa voix qui déchire le tympan, mais touchante, généreuse et un peu fofolle, ou les autres, enfermés dans leur mensonge? Je ne vous raconterai pas l’histoire. Je terminerai simplement par vous laisser entrevoir la fin. Châtiée brutalement, elle paiera durement les conséquences de la lâcheté de son entourage quand la vérité lui apparaîtra dans toute son horreur.