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Cécile Ladjali : Ma bibliothèque; Lire, écrire, transmettre

Par Manouane @manouane
Cécile Ladjali : Ma bibliothèque; Lire, écrire, transmettre

Un livre impressionnant que voilà. Cécile Ladjali, enseignante en littérature à la Sorbonne Nouvelle et auteur, nous livre le contenu de sa bibliothèque. Littéralement. Au premier paragraphe, elle présente la bibliothèque au complet, sa position dans son appartement. Puis, c’est l’avalanche : auteur, titre, auteur, titre, auteur, titre …

Cette énumération est entrecoupée de quelques explications concernant le classement employé, avouant tout de go qu’il soit « bizarre, non inexistant mais bizarre » (p. 21). Ici, son bazar oriental, où philosophie et esthétique se mélangent dans un « confusion qui m’est chère et très assumée » (p. 26), plus loin la psychanalyse, ici la musique, « perchée tout en haut de la colonne » (p. 27). À droite, la littérature anglaise et les femmes de lettres, avec une section spéciale dédiée à Virginia Woolf. « Sous les suffragettes » (p. 35), les auteurs Allemands et Russes, tandis qu’à droite de la porte se retrouvent tous les livres de la littérature française du XVIIe au XXe siècle.

Après une approche en énumération qui dure sur quelques 60 pages, elle se penche plus longuement sur certains livres, prenant quelques lignes pour expliquer en quoi il était obligatoire qu’ils composent sa bibliothèque d’aujourd’hui. Puis, à mesure qu’elle entre dans l’intimité de sa bibliothèque, elle y dévoile certains secrets, ces livres phares qui ont éclairés ici ses rêves, ici ses réalisations – car ces livres ont été aussi à la source de ses écrits. Le passage du général au particulier, soit des premières pages du livre à celles du milieu, se fait un peu comme un travelling au cinéma, où la caméra englobe dans un premier temps l’ensemble de la bibliothèque pour ensuite s’en approcher doucement, comme s’il s’agissait d’un animal sauvage qu’il faut dompter à force de calme, pour finalement capter l’essence du papier des livres les plus importants. À chaque livre correspond un souvenir, une anecdote, une image. Une confidence.

À mesure que l’on avance dans la lecture du livre, on découvre toute la beauté que représente l’histoire d’une bibliothèque.

J’ai toujours eu le blanc en horreur. Quand je pense au blanc, j’ai froid. Je vois une page où les mots ne sont pas écrits. Une bibliothèque aux rayonnages vides. Pourtant il faudrait que j’apprenne à aimer cette couleur comme il faudrait que je supporte la vue d’un feuillet sans signes et cesse d’empiler des livres dans ma bibliothèque. Je l’aime et la déteste, ma bibliothèque. Elle me rend légère mais souvent me leste. Je la trouve à la fois belle et hideuse. Parce qu’elle me ramène à moi. À mon visage. Lucian Freud a dit : « Tout est autobiographique et tout est portrait, même si ce n’est qu’une chaise. » En peignant ma bibliothèque, j’ai livré une image de moi. Et j’ai vu mes manques, tout ce que je ne sais pas. Il faudrait composer avec ses blancs, cesser d’avoir peur. Admettre que l’histoire n’est pas écrite et que l’absence fait de nous des êtres libres, pouvant ouvrir la porte et disparaître derrière un mur de livres pour aller chercher celui que la bibliothèque ne contiendra jamais. (p. 199)


Cécile Ladjali
MA BIBLIOTHÈQUE
LIRE, ÉCRIRE, TRANSMETTRE
Seuil, Paris, 2014, 212 pages


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