Ghana : journaliste ou héros ?
Sexe, argent et corruption… le film du journaliste ghanéen Anas Aremeyaw Anas propose tous les ingrédients des superproductions américaines. Et pourtant, il ne s’agit pas de fiction.
Le travail du journaliste d’investigation a mené à la découverte du plus grand scandale de l’histoire du pays et a bouleversé le système judiciaire.Il aura fallu 2 ans d’enquête sous couverture et plus de 500 heures de tournage pour que le journaliste parvienne à mettre un point final à son film.L’œuvre révèle l’étendue de la corruption dans le milieu judiciaire.Certains juges et employés de la justice ghanéenne sont clairement montrés acceptant des pots de vins de la part de plaideurs.D’autres y demandent des faveurs sexuelles en échange de jugements favorables.
34 juges accusés34 juges sont concernés, de même qu’une dizaine d’autres personnes travaillant pour la justice.Les accusations qui pèsent à leur encontre ont été transmises au président ghanéen John Mahama et au ministre de la Justice du pays, Georgina Theodora Wood.La ministre de la Justice a ensuite ouvert une enquête visant 22 juges de courts inférieures et dit réfléchir à la conduite à suivre en ce qui concerne 12 juges de la Cour suprême.Les avocats de 14 de ces juges ont rejeté les accusations et la Cour suprême a nié avoir tenté de bloquer l’enquête en cours.Les autres juges concernés ne se sont pas exprimés publiquement.Des projections gratuitesLe film – Ghana dans les yeux de Dieu, épopée d’une injustice- a été projeté dans la capitale ghanéenne avant d’être montré gratuitement un peu partout dans le pays.Des projections continuent d’avoir lieu jusqu’à présent.Anas a opté pour des projections publiques plutôt que pour une diffusion à la télévision parce que les média ghanéens ont été menacés de poursuite en cas de diffusion.Il souhaite que le plus grand nombre de personnes possibles voient son travail.
Qui est Anas Aremeyaw Anas?Anas Aremeyaw Anas est une énigme au Ghana.En 15 ans de journalisme d’investigation, Il n’a jamais dévoilé son visage et personne ne sait à quoi il ressemble.Ses fans le qualifient de héros des temps modernes ou de « James Bond du journalisme » à cause de son travail acharné pour exposer la corruption et le banditisme au Ghana et ailleurs en Afrique.Lorsqu’il mène l’enquête, Anas invente également des personnages… il lui est par exemple arrivé de se chausser de talons hauts, de porter des lunettes de soleil et du rouge à lèvre.Il s’est aussi caché dans un faux rocher placé près d’une route, d’où il pouvait observer en toute liberté les personnes qu’il cherchait à piéger.Son travail a permis de démanteler des réseaux de trafic d’êtres humains, ou encore de révéler l’ampleur de la corruption au sein de la police ghanéenne.Anas considère que le journalisme ne sert à rien “à moins que ça ne fasse progresser notre société”.Avant de devenir journaliste, il a exercé le métier d’avocat pendant deux ans.
Réaction des jugesSans surprise, les juges qui figurent dans son nouveau film ont tenté d’empêcher sa diffusion.Mais leur plainte est pour le moment restée lettre morte.Le juge Paul Uuter Dery a déposé une plainte devant la Cour suprême demandant à ce que l’enquête soit arrêtée.Il souhaite que la Cour déclare inutilisables les informations recueillies par Anas, car la Constitution du Ghana spécifie que des preuves concernant un juge ne peuvent pas avoir été montrées au public.Monté à partir de centaines d’heures de tournage en caméra cachée, le film d’Anas montre différents juges dialoguant avec des plaideurs, dans une voiture, une maison ou un bureau.De l’argent est échangé entre les protagonistes et certaines scènes du film montrent également des personnes ayant des relations sexuelles.
Le film est toujours projeté dans le pays et nombre de Ghanéens font part de leur désir de le voir.Le scandale est donc loin d’être terminé.Lu sur BBC Afrique