Le 20 août 2015, le gouvernement du Cameroun a fermé plus de 250 écoles primaires dites clandestines. Cette décision gouvernementale comprenait également la fermeture de certaines institutions religieuses musulmanes qui, d’après le gouvernement, opéraient sans autorisation. Selon un rapport publié par Africa 24 , diffusé à la télévision le 23 août 2015, ces mesures sont mises en place parce que le gouvernement du Cameroun ne peut pas permettre aux institutions non autorisées de l'enseignement primaire de continuer à fonctionner, d'autant que certains responsables du gouvernement affirment que les enseignants ne sont pas bien formés pour former correctement les enfants. D'autres analystes ajoutent que suite aux attaques par la secte islamiste, Boko Haram, ces établissements pourraient être la cible d’attentats à la bombe et donc cela constituerait un grand risque.
Ce scénario soulève beaucoup de questions. Est-ce une situation de coercition du gouvernement au détriment de la liberté de l'enseignement primaire ? L'État veille t-il vraiment à ce que les enseignants mal formés ne dispensent pas de mauvaises connaissances aux jeunes Camerounais ? Dans le contexte de la guerre contre la secte islamiste Boko Haram, l'Etat du Cameroun est-il dans son droit de prendre une telle mesure pour la sécurité de l'ensemble du pays?
En 2014, dans la publication de Eamonn Butler intitulée « fondements d’une société libre », il avance que, selon une étude réalisée par le professeur James Tooley, il a été prouvé que dans des pays comme l'Inde, le Ghana, le Nigeria et le Kenya, la plupart des enfants ont été scolarisés dans des écoles non-gouvernementales. Plusieurs de ces écoles étaient non-officielles et n’étaient pas reconnues par le gouvernement. Certaines de ces écoles recevaient des aides et de l’assistance de la part d’institutions de bienfaisance et n’ont aucunement bénéficié du financement de l'État. Même dans de telles circonstances, les enfants qui sont allés à ces écoles ont obtenu de meilleurs résultats que ceux qui étaient dans les écoles publiques. Le Professeur Tooley a également constaté que dans les écoles publiques le taux d'absentéisme était très élevé. Les écoles privées avaient de meilleures installations, y compris les toilettes.
De même, une étude récente menée par le Centre de l'Afrique centrale pour la pensée et l'action libertariennes, basé au Cameroun, montre qu'en effet, comme dans les cas de l'Inde, le Ghana, le Nigeria et le Kenya, l'enseignement privé, en particulier au niveau de l'école primaire, offre de meilleurs résultats dans des matières comme les mathématiques et les connaissances générales. Par conséquent, l'Etat du Cameroun a besoin de repenser les mesures destinées à la promotion de l'enseignement primaire. La fermeture de plus de 200 écoles primaires n’est pas une politique appropriée.
Plutôt que la fermeture de ces établissements contribuant à l'enseignement, il aurait était plus judicieux pour le gouvernement de faciliter le fonctionnement de ces établissements et d'améliorer la qualité d’encadrement des enseignants par le biais de programmes de formation. Une telle mesure aura permis d’avancer sur le long chemin de l'amélioration de la qualité de l'enseignement dans ces établissements.
Plusieurs établissements privés ne sont pas enregistrés en raison de lourdes taxes prélevées sur eux par l'Etat. À cet égard, les propriétaires de ces institutions préfèrent opérer dans l’informel sans autorisation appropriée. Etre un établissement non autorisé ne signifie pas que la qualité de l’enseignement y est médiocre. Par conséquent, il est important pour l'Etat du Cameroun de s’assurer que les procédures d'enregistrement et les règlementations fiscales en vigueur soient favorables aux établissements privés, de manière à faciliter leur création et exploitation.
Il va de soi qu’ajuster et peaufiner le programme scolaire des institutions privées et faire en sorte qu'il réponde aux attentes d'une économie émergente est indispensable. Plutôt que fermer ces établissements privés, l'Etat du Cameroun devrait également les aider à adapter leurs programmes et veiller à ce qu'il réponde aux attentes des objectifs de développement de l'Etat.
Le partenariat public-privé est un phénomène émergent qui améliore la qualité des services comme le soutiennent certains économistes. Dans cette veine, plutôt que fermer des établissements privés participant à l'enseignement primaire, l'Etat du Cameroun a intérêt à considérer les accords de partenariat entre certaines de ces institutions privées et les institutions de l'Etat, afin de partager les meilleures expériences et colmater les brèches, pour l'amélioration de la formation des jeunes Camerounais.
Ce ne sont pas tous les Camerounais qui ont accès à l'éducation primaire, bien que ce soit un objectif majeur fixé par les Objectifs du Millénaire pour le développement, qui était censé être réalisé cette année 2015. Les établissements privés aspirant à promouvoir l'enseignement primaire peuvent en effet faire de ce rêve une réalité si on leur donne l'occasion de le faire par le gouvernement du Cameroun et la plupart des Etats du monde entier. Tout de même, il est tout aussi important pour ces établissements privés de respecter les règles et les règlementations mis en place par l'Etat. Compte tenu du fait que le terrorisme est désormais une réalité, surtout dans la partie nord de l'Etat, il est nécessaire pour les propriétaires des écoles primaires gérées par le privé de respecter les mesures de sécurité et de collaborer avec les forces de l'ordre.
Chofor Che, analyste pour Libreafrique.org. Article initialement publié en anglais par African Liberty. Traduction réalisée par Libre Afrique - Le 5 octobre 2015