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"le réchauffement climatique, une grande injustice" interview de pascal canfin

Publié le 08 octobre 2015 par Blanchemanche
#PascalCanfin #réchauffementclimatique
réchauffement climatique, grande injustice
Co-auteur de «Climat : 30 questions pour comprendre la conférence de Paris», l'ancien ministre délégué au Développement Pascal Canfin a travaillé sur la question cruciale des financements de la lutte contre le dérèglement climatique.Paris Match. Les pays développés ont pour objectif de rassembler 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 pour apporter des financements aux pays en développement, afin de les aider à combattre le changement climatique. L’OCDE vient de publier un état des lieux et affirme qu’en 2014, ces financements atteignaient 62 milliards. Pensez-vous que ce soit à la hauteur de l’ambition? 
Pascal Canfin. Il faut maintenant montrer sur la base de cet état des lieux quelle est la trajectoire crédible pour parvenir aux 100 milliards. Il y a eu des engagements sur le fonds vert, ceux de la France et du Royaume-Uni la semaine dernière à New York, il y aura ceux de la Banque mondiale ce week-end. C’est une des conditions de la crédibilité du futur accord de Paris. On n’y est pas encore mais je pense que c’est quelque chose d’atteignable.  
Certains Etats, dont la France, financent très peu l’aide à l’adaptation au réchauffement climatique, consacrant leurs fonds à des projets visant à atténuer le réchauffement au niveau global. N’est-ce pas problématique?
Bien sûr. Je suis optimiste sur la capacité à montrer de manière crédible qu’on peut être à 100 milliards en 2020, mais je reconnais tout à fait qu’il y a aujourd’hui une sous-représentation des financements dédiés à l’adaptation au réchauffement climatique. Pour les pays du Sud, il y a deux enjeux : il faut les aider à se développer avec des technologies bas-carbone, des transports plus propres, des énergies renouvelables. Ce premier volet peut mobiliser de l’investissement privé, car il est possible de générer des revenus. Mais il y a aussi la nécessité d’une aide face au dérèglement et au choc climatique. Quand on fait une digue pour se protéger de la montée des eaux à Dakar, il n’y a pas de modèle économique et donc pas d’investissement privé. Dans ce cas, ce qui compte, c’est le don. L’argent ne va donc pas suffisamment vers les pays les plus vulnérables, ceux qui sont situés dans la bande tropicale ou dans la bande sahélienne.  
Ces pays vulnérables ne sont par ailleurs pas les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre...
C’est la grande injustice du réchauffement climatique. Les personnes qui en sont les moins responsables en sont les premières victimes.

"IL FAUT ARRÊTER DE SUBVENTIONNER LES ÉNERGIES QUI NOUS EMMÈNENT DANS LE MUR"

Capture d’écran 2015-10-08 à 11.53.55Les investissements privés sont au coeur des débats sur le financements. Est-ce que cela ne cache pas l’impuissance des acteurs internationaux à imposer le principe pollueur-payeur au niveau mondial?
Je pense qu’on va dans la bonne direction. Jusqu’à présent, le seul enjeu financier discuté dans les négociations climatiques, c’était justement la question des flux de financements publics nord-sud. Là, en plus de cela, on commence à discuter sérieusement de la question de la modification du financement de l’économie, l’allocation des capitaux, pour aller vers une économie compatible avec l’objectif de limiter à 2°C le réchauffement. Ce thème émerge sur les marchés financiers et dans les instances comme le G20 ou dans le Conseil de stabilité financière qui réunit les banquiers centraux et les ministres. Dans ces lieux, la France pousse l’agenda climatique. C’est une des grandes différences entre la conférence de Copenhague et celle de Paris : la France est une grande puissance mondiale, présente au G7, au G20, au FMI, à la Banque mondiale. Ce n’était pas le cas du Danemark.  
Quel regard portez-vous sur la diminution du budget de l’aide au développement, dont Manuel Valls a assuré a posteriori qu’un amendement permettrait de tenir les engagements pris à New York?
C’est un téléscopage qui est extrêmement malheureux, si ce n’est maladroit. C’est incompréhensible de dire : «J’augmente le budget d’ici 2020 mais je commence par le baisser demain». Il faut augmenter la part de la taxe française sur les transactions financières qui est affectée au développement. Il faut prélever 150 millions de plus sur le produit de cette taxe.  
Manuel Valls, lui, indiquait que l’augmentation serait équilibrée «par des économies».
Quand j’étais ministre, on a mis en place une affectation partielle de la taxe sur les transactions financières au développement, qui augmentait d’année en année. Durant les deux années où j’ai été en poste, la baisse budgétaire était donc intégralement compensée par la hausse de la part provenant de la taxe. Depuis deux ans, ce qui baisse n’est plus compensé. Il faut reprendre ce mouvement. C’est ce qui est cohérent avec ce que la France défend par ailleurs.  
Redoutez-vous qu’en cas de crise économique mondiale, les engagements contre le changement climatique soient balayés?
Je ne peux pas prédire l’avenir. S’il y avait une crise financière -plutôt qu’économique-, ça voudrait dire qu’il serait encore plus urgent d’investir pour relancer la machine. Ce serait complètement absurde d’ignorer le fait que l’investissement qui permet de créer de la richesse dans la durée, c’est l’investissement dans la transition.  

Récemment, l’OCDE a publié une évaluation des dépenses publiques en faveur des énergies fossiles, entre 160 et 200 milliards de dollars par an, bien au delà de l’objectif des 100 milliards pour 2020. N'est-ce pas le coeur du problème?
Il y a une incohérence totale entre l’ambition de lutter contre le dérèglement climatique et continuer à subventionner sur fonds publics les énergies qui nous emmènent vers un monde à +6°C de réchauffement climatique. Un des enjeux du G20 et de la COP21, c’est de faire un pas dans la bonne direction, vers un principe pollueur-payeur mondial. Il faut au moins arrêter de subventionner les énergies qui nous emmènent dans le mur. Sans dépenser plus, on peut réorienter des dizaines sinon des centaines de milliards sur la planète. En France, un pas dans la bonne direction a été fait en arrêtant les subventions à l’exportation de centrales à charbon.
http://www.parismatch.com/Actu/Economie/Interview-de-Pascal-Canfin-Le-rechauffement-climatique-une-grande-injustice-842451

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