Minority Report est une nouvelle série de 13 épisodes diffusée depuis la mi-septembre sur les ondes de Fox aux États-Unis et Global au Canada. Ce drame futuriste nous amène en 2065 à Washington, 11 ans après que le programme Precrime ait été aboli. Celui-ci regroupait trois enfants d’une même famille ayant le don d’anticiper les crimes commis par autrui : l’aînée Agatha (Laura Regan) qui parvient à se mettre dans la peau des victimes et les jumeaux Arthur (Nick Zano) capable de nommer l’identité de la victime et Dash (Stark Sands) qui peut visualiser la manière dont le crime sera commis. Désormais sensés vivre isolés du reste du monde, ce dernier qui ne peut souffrir la vision de tous ces crimes sans rien faire croise par hasard sur sa route la détective Lara Vega (Meagan Good) et ensemble ils s’affaireront à stopper les criminels. Séquel du film de 2002 de Steven Spielberg, lui-même adapté d’une nouvelle éponyme de 1956 de Philip K. Dick, Minority Report qui nous charme dès les premières minutes par sa mise en scène a tôt fait de nous ennuyer lorsqu’on comprend que ce bel emballage se limite en fin de compte à une série policière. La série passe à côté de plusieurs opportunités et c’est à se demander si Spielberg est vraiment fait pour la télévision.
Surtout pas de prévention
Dès que les talents de la jeune famille sont tombés dans l’oreille des autorités, on a tôt fait d’exploiter leurs dons si bien que le niveau de criminalité est devenu quasiment nul… tout comme la vie sociale des principaux concernés. Pour des raisons obscures, on a mis fin au programme et on a logé la famille dans une maison isolée en campagne, mais outre Agatha, les frères n’ont pu tenir en en place et ont tous deux faits leur bout de chemin (séparément) jusqu’à Washington. Dash n’y peut rien, ses prémonitions l’assaillent et sa candeur le pousse à vouloir épargner des vies humaines. Dans le premier épisode, lui et Lara empêchent le meurtre d’un politicien par un déséquilibré mental, dans le second ils agissent à temps pour empêcher un barman de molester une cliente et dans le troisième, ils enquêtent sur un suspect qui pourrait en fin de compte être victime d’une surdose d’un nouveau médicament sensé donner de la confiance en soi.
Après Heroes Reborn, Fox n’est pas plus original en lui aussi misant sur la notoriété d’un film pour attirer des annonceurs et un public, réduisant ainsi les risques. Mais à l’inverse de la nouveauté de NBC, Minority Report prend bien le temps d’expliquer le concept de base par égard aux téléspectateurs qui n’auraient pas visionné le film de 2002. Ceci étant fait, on est tout de suite impressionné par la mise en scène futuriste; très… réaliste ou du moins convaincante et on y va aussi de quelques clins d’œil, notamment lorsqu’est diffusé à la télévision un épisode de la 75e saison des Simpsons ou que l’on fait référence à Tinder ou à la rappeuse Iggy Azalea avec un brin de nostalgie. Justement, employer un ton un peu badin n’est pas une mauvaise décision de la production : disons que ça change des séries futuristes spécialisées dans les drames à répercussions terrestres et ayant presque toujours pour conséquence possible la fin du monde. Et puisqu’il est question d’arrêter un crime avant qu’il ne se produise, la porte est grande ouverte pour se questionner sur l’éthique entourant une telle pratique, mais c’est oublier que l’on regarde Fox à heure de grande écoute…
Donc, Dash sait à l’avance où et comment une personne sera tuée et il ne lui manque plus que le nom du tueur et de la victime, ce qu’Arthur lui fournit, de temps en temps. Dans le troisième épisode, les autorités présentent à leur policier une nouvelle technologie capable de mesurer la nervosité ou l’intensité du corps humain et ainsi de déterminer si lui ou ses proches sont à risque. Mais que fait-on avec le fauteur qui est attrapé par Lara et Dash avant qu’il n’ait perpétré son méfait? Il va de soi qu’on ne peut condamner quelqu’un pour ses intentions sinon les prisons seraient pleines, alors comment Minority Report règle-t-elle le problème? Comme par hasard, les méchants sont toujours neutralisés alors qu’ils sont à deux doigts de commettre leur crime si bien qu’on peut au moins les arrêter pour agression. Somme toute, c’est du pareil au même. La série aurait été réellement audacieuse si par exemple on avait mis l’accent sur la prévention concernant un criminel et essayer d’en faire une meilleure personne, celui-ci étant manifestement troublé pour une raison ou une autre. On aurait aussi pu pousser un peu plus loin la réflexion concernant l’éthique alors que les autorités cherchent à implanter une technologie qui est en principe capable de prédire nos intentions. Que nenni. On a beau être dans le futur, les protagonistes ont beau posséder quelques dons, Minority Report reste un policier on ne peut plus classique.
Spielberg, le producteur télé
La liste des fictions produites par ce maître du cinéma est très longue, mais ce n’est que depuis quelques années seulement que Spielberg enchaîne les productions destinées à la télévision. Vu la notoriété de l’homme, ce n’est sûrement pas un hasard si ce sont les grands networks qui ont acheté la plupart de ses projets davantage appropriés à la saison d’été, le fantastique et le surnaturel, sa marque de commerce, n’étant peut-être pas assez grand public. Quand on fait le compte, on se rend compte que les projets n’ont pas nécessairement fait long feu. Under the Dome à CBS a bien connu un succès fulgurant avec en moyenne 11 millions de téléspectateurs, mais l’ultime et troisième saison n’en rassemblait plus que 4,7. Sur la même chaîne, on a toujours eu l’impression qu’Extant n’avait jamais vraiment trouvé son public alors que sur ABC, The Whispers n’a pas non plus rué dans les brancards et qu’en 2013, Lucky 7 a été annulée après seulement deux épisodes. Fox n’est pas en reste puisqu’elle a du traîner jusqu’à la fin Red Band Society qui a laissé autant de gens indifférents. Et que dire de l’ennuyeuse et formatée Public Morals sur TNT… La seule bonne nouvelle est que les projets futurs de Spielberg touchent pour le moment le cinéma; un domaine où il performe bien mieux.
Justement, tous les yeux sont rivés sur Minority Report, mais pas pour d’excellentes raisons. C’est qu’elle est pressentie pour être la première série à connaître une annulation hâtive en ce début de saison. C’est que dès le départ, les chiffres ont été désastreux : 3,1 millions de téléspectateurs pour le pilote avec un faible taux de 1,1 chez les 18-49 ans. Puis, la chute continue : 2,56 (taux : 0,9) pour le second épisode et 2,3 pour le troisième, mais avec un taux dérisoire de 0,7. Les enregistrements ne sont pas vraiment plus élevés non plus et après trois semaines, il est peu probable qu’un téléspectateur, entendant ces chiffres négatifs, ait envie de se lancer dans une aventure perdue d’avance.