La valse hésitation des élus se poursuit... Entre leur mains, une misère qu'ils ne savent comment gérer... Une bombe humaine inédite dont ils ne savent que faire...
Le 4 août dernier, la Mairie de Paris déclarait ne pas avoir l'intention d'expulser les réfugiés du lycée désaffecté Jean Quarré où ils s'étaient installés. Et voilà que le 25 septembre, elle obtient leur expulsion du tribunal administratif dans un délai d'un mois... A la satisfaction des élus qui ont vu les campements disparaître des trottoirs s'oppose l'effroi de la bombe humaine contenue par les murs du lycée qui " abritent " à ce jour quelques 750 personnes dans des conditions sanitaires et humaines épouvantables.
Les autorités ont depuis quelques mois économisé en moyens matériels et humains la prise en charge de ceux dont elles ne voulaient pas. Et les voici aujourd'hui dans l'impasse... Coincées entre stratégies éculées, propositions sous-dimensionnées et lenteurs administratives...
Point positif et non des moindres, la solidarité grandit dans notre pays qui ne retrouvera que grâce à elle une légitimité à afficher sur ses frontons la devise Liberté, Égalité, Fraternité.

Les bonnes volontés ne suffisent pas. Préparer 750 repas sur place, même une seule fois par jour, est techniquement impossible au vu de "l'équipement", même si les denrées arrivent de la part de tout ceux qui se mobilisent. S'habiller quand rien n'est conçu pour trier, stocker et surtout distribuer équitablement les vêtements est laborieux. Dormir quand on est tassé dans des chambrées et des couloirs est difficile. Se partager 2 WC utilisables et quelques robinets ne saurait contribuer à l'amélioration des conditions d'hygiène... Les dégrader tout au plus...

Le Monde - 24 09 2015 après l'évacuation du camp d'Austerlitz
Une semaine après l'évacuation du campement d'Austerlitz menée par la préfecture et la mairie de Paris, jeudi 17 septembre, la situation des 430 migrants reste très hétérogène. Mercredi 23 septembre, le collectif d' aide aux migrants s'est réuni avec une trentaine d'entre eux pour faire le point. Hébergé au Formule 1 de Saint-Ouen (Seine- Saint-Denis) avec 40 autres migrants, Ibrahim Saleh s'alarmait du manque d'accompagnement. " On se sent un peu isolé ici, explique le Soudanais de 35 ans. On nous donne 60 euros par semaine pour vivre. Et le directeur de l'hôtel nous a dit qu'on ne resterait qu'un mois ici. On a peur de retourner dans la rue. " Une des bénévoles, en contact permanent avec cet hôtel ne disposant pas de cuisine, ni de machine à laver, précise qu'ils seront ensuite hébergés dans un vrai centre.
Parmi les griefs, un constat revient systématiquement chez les migrants, qui ont été répartis dans une vingtaine de centres d'hébergement provisoire, une moitié à Paris, l'autre en petite et grande couronne : le fort sentiment d'isolement faute de titres de transport. Logé à Ivry, Chérif, " super content " des conditions générales, se demande " comment faire pour venir dans ce genre de rassemblement et de lieu de partage avec les bénévoles sans tickets de métro ". Avant de faire rire l'assistance : " Mais on va bien se débrouiller, on a réussi à venir de Vintimille [à la frontière franco-italienne] jusqu'ici ", lâche-t-il, d'un sourire timide.
A l'heure actuelle, les titres de transport sont délivrés par les associations responsables du centre seulement pour des dé placements administratifs, sur présentation d'un justificatif. Amadou, 34 ans, hébergé à Paris (14 e), fait partie des rares chanceux à disposer de quatorze tickets de métro par semaine.
" Il y a des ajustements urgents "
A Choisy-le-Roi (Val-de-Marne), seule une personne à mi-temps gère le foyer de l'Association de développement des foyers. " Il n'y a pas de directeur. C'est grave. On confie des structures sans moyens ", déplore Marc Naelten, membre du collectif d'aide aux migrants et responsable de Réseau d'éducation sans frontières. A Paris, les résidences Pernety (14 e arrondissement) et Albin-Peyron (20 e) semblent bien fonctionner.
A Nanterre, la confusion règne autour du centre d'accueil et de soins hospitaliers. A leur arrivée, les réfugiés n'ont pas voulu descendre du bus. " Certains ont visité les lieux. Ils ont eu peur quand ils vont vu que le centre accueillait également un service psychiatrique et un autre pour sans-abri. " Selon plusieurs sources, trois d'entre eux ont été placés en garde à vue à la suite de leur protestation.
" D'après mon expérience, on va dire que c'est la moins pire des prises en charge post-évacuation ", souligne M. Naelten, qui a assisté à l'évacuation du campement d'Austerlitz. Il demeure vigilant sur la bonne tenue des promesses de l'Etat. " Il y a des ajustements urgents à faire ", résume celui qui prépare un courrier à destination de la préfecture et de la mairie de Paris. Lors de l'évacuation, une fiche d'information résumant les engagements des pouvoirs publics avait été distribuée aux migrants : " Le centre vous procurera un hébergement, et trois repas par jour. Vous pourrez aller et venir pour effectuer l'ensemble de vos démarches. En cas de besoin, vous pourrez bénéficier d'un accès aux soins. "
Passage de relais indispensable
Sur le plan administratif, les disparités sont fortes même si l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) semble s'être déplacé dans les foyers, comme l'avait promis la préfecture. " Pourquoi des dossiers vont plus vite que d'autres, alors qu'on fuit tous la guerre ? ", s'interroge Chérif. La procédure - des demandes d'asile politique en majorité - s'est parfois complexifiée après l'évacuation. Une question de domiciliation. Le lieu de prise en charge du dossier est parfois très éloigné du centre dans lequel les demandeurs d'asile sont hébergés.
Certains réfugiés à Mézy-sur-Seine (Yvelines) voient leur demande traitée à Paris, soit à 50 kilomètres. A cela s'ajoute une diversité des cas entre les demandeurs d'asile politique classique, principalement Syriens, Irakiens, Soudanais, Erythréens, et ceux originaires de pays d'origine sûre selon la liste de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ( Sénégal, Albanie, Inde ....), et les sans-abri.
La nouvelle priorité du collectif de soutien d'Austerlitz, qui organise chaque mercredi un rassemblement, est de faire le lien entre les centres d'accueil et les associations locales. Un passage de relais indispensable depuis la dispersion des migrants en Ile-de-France.

Dans un cas comme dans l'autre, le chemin de la demande d'asile n'est éclairé que par la lueur d'espoir nourrie par des citoyens qui offrent leur temps pour accompagner les réfugiés dans leurs démarches administratives, enfoncer des portes pour qu'ils accèdent aux soins, s'improviser enseignant de français ou guide touristique pour quitter quelques heures les murs gris de Jean Quarré...
Lettre ouverte au Préfet de Paris, à la Maire de Paris et au Maire du 19e arrondissement de Paris, par un collectif d'enseignants du Collège Guillaume Budé, PARIS 19

Pour découvrir les reportages d'Emin Ozmen
auprès des réfugiés à Jean Quarré et à Calais
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